Venezuela : du Chavisme sans Chavez

Que deviendra l’héritage politico-idéologique de Hugo Chavez, désormais au Venezuela ? C’est l’une, sinon la principale question, sur laquelle supputent les observateurs depuis l’annonce, dans la soirée d’hier, de la mort du leader de la révolution bolivarienne vénézuélienne, Hugo Rafael Chavez Frías.

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Président du Venezuela depuis le 02 février 1999, le Commandante, s’est éteint  ce mardi 05 mars à  « A 16h25 après avoir combattu avec acharnement contre une maladie depuis près de deux ans», à l’âge de cinquante huit ans.

La mort de Hugo Chavez marque la fin d’un homme, mais pas celle de ses idéaux et de sa politique. Le « socialisme du XXIè siècle » que prônait Chavez revêt en fait deux entités : le contenu de la doctrine et la personnalité de celui qui le portait.  

Hugo Chavez avait une personnalité quelque peu singulière. Au vu de son parcours, on est tenté de déduire, sans prendre trop de risque, qu’il était né pour diriger le Venezuela. En effet, Après avoir tenté vainement à deux reprises de prendre le pouvoir par  coup d’Etat – ce qui lui a valu un séjour carcéral de deux ans – cet ancien commando parachutiste se reconvertit en politique et remporte les élections présidentielle de 1999. Vainqueur de toutes les élections auxquelles il a pris part depuis lors, Hugo Chavez s’est singularisé par son charisme, son exubérance, son discours très radical anti-américain et anti-impérialisme.

Son dauphin désigné par lui-même, et très probable futur président de la République, son ancien vice-président Nicolas Maduro, pourrait lui aussi être qualifié, dans quelques semaines, d’homme né pour diriger le Venezuela. D’autant plus que personne ne s’attendait à ce qu’un ancien chauffeur de bus, qu’il est, se retrouve sur la très haute marche du podium politique vénézuélien.

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Mais Maduro ne pourrait pas, à tout point de vue, incarner la personnalité de Chavez, et ce avec tout ce charisme et toute cette verve que possédait le Commandante qui  s’est taillé la posture d’un homme mythique. Selon des observateurs, depuis qu’il exerce de fait le pouvoir, en l’absence prolongée du président Chavez, Maduro s’est abreuvé à la source de son mentor, avec les mêmes pratiques verbales. Il a durci le ton à l’égard de l’opposition dont il qualifie le principal représentant, le gouverneur Henrique Capriles, de «prince de la bourgeoisie parasite». En bon produit de Chavez, Il multiplie les apparitions publiques et les discours-fleuve.

En dépit de ses limites, la révolution bolivarienne prônée par Chavez a contribué à améliorer le niveau de vie des Vénézuéliens.  D’où l’adoption de sa politique par la majorité des siens (au regard des résultats du dernier scrutin présidentiel).

Toute remise en cause, actuellement, de la révolution bolivarienne, a deux implications. Primo, elle ne pourrait venir que d’une autre révolution. Secundo, elle pourrait entrainer une révolte du peuple. Ce n’est visiblement pas du temps de Maduro qu’un bouleversement sociopolitique qui entrainera la fin de la révolution bolivarienne pourrait intervenir au Venezuela. Et même si Maduro y songeait – ce qui est inimaginable pour l’instant – la Révolution bolivarienne est un système enraciné dans la vie sociopolitique de son pays depuis quatorze ans, qui va bien au-delà de sa seule personne.

Deux événements qui ont marqué le Venezuela quelques heures avant et après l’annonce de la mort de Chavez sont très évocateurs du fait que le système Chavez va perdurer ainsi que le discours anti-impérialisme Yankee.  

Primo. Plus tôt dans la journée du mardi, Caracas avait déjà trouvé un bouc émissaire responsable de la mort du Commandante, comme si les autorités préparaient déjà l’opinion au pire. Le Gouvernement vénézuélien accusait « les ennemis historiques » du Président Chavez, d’avoir provoqué son cancer avec pour objectif de « chercher à provoquer le chaos pour entrainer une intervention  étrangère » dans le pays. Cela a même été à l’origine de l’expulsion de deux membres de l’Ambassade des Etats-Unis soupçonnés de conspiration.

Ce langage va sans doute contribuer à décrédibiliser l’opposition, notamment son principal représentant, le gouverneur Henrique Capriles, qualifié de «prince de la bourgeoisie parasite». Comme sous Chavez, tenir le langage du nationalisme pour contrôler la masse.

Secundo. L’article 233 de la Constitution du Vénézuela, dispose que : « Quand se produit l’empêchement  absolu du Président ou de la Présidente élu(e), avant sa prise de fonction, il est  procédé à une nouvelle élection universelle, directe et secrète, dans les  trente  jours  consécutifs  suivants. En  attendant  l’élection  du  nouveau  Président  ou Présidente,  la  Présidence  de  la  République  sera  confiée  au  Président  ou  Présidente de l’Assemblée Nationale.» Mais les pro-Chavez se sont entendu pour violer la Constitution en décidant que la transition soit gérée par le vice-président Maduro que Chavez avait déjà présenté comme son dauphin, celui pour qui il faudra voter au cas où lui ne serait plus. Et de l’intérim, Maduro sera élu pour succéder à son mentor. N’en déplaise aux opposants qui dénoncent une interprétation opportuniste de la Constitution.

Tout est donc fait pour maintenir le système et ses idéaux, mêmes après la disparition de leurs précurseurs. Sauf un bouleversement sociopolitique inattendu, dans le Venezuela sans Chavez, il y aura du Chavez.  L’homme s’en est allé, son idéologie et le système qui l’anime ne le sont pas.

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