A l’école des ânes

Faut-il désespérer de l’école ? Les réformes de l’institution se suivent, s’opposent, s’embrouillent et nous embrouillent. Les résultats scolaires vont decrescendo d’une année à l’autre. On dirait que les apprenants vont se crétinisant. 

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La grève, devenue permanente, fait peser sur les êtres et les choses, de manière constante, le spectre de l’année blanche. Et depuis que l’école forme des diplômés sans emploi, on sait qu’on a affaire à un grand moulin à brasser du vent et à moudre du vide.

Devons-nous parler des parents d’élèves ? Ils sont passés maîtres, pour la plupart, dans l’art de se décharger de leurs   responsabilités d’éducateurs sur l’école. Pourtant, ils savent   que le grand domaine de l’Education nationale a été outrageusement fragmenté. Le reliquat de cette casse en règle   ce sont ces entités aussi diverses que le ministère de l’enseignement maternel et primaire, le ministère de l’enseignement secondaire, technique et professionnel, le ministère de l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, dans tous les ordres d’enseignement, tout se négocie, tout se trafique. Par conséquent rien n’est rigoureusement accepté comme vérité. Rien n’est inflexiblement tenu pour un principe. La tricherie trouve ainsi à s’ériger en règle. La filouterie est alors le plus court chemin pour aller de la médiocrité à la réussite. A quoi bon s’appliquer quand on peut s’octroyer tout contre espèces sonnantes et trébuchantes ou contre services rendus ? 

Les amphithéâtres surpeuplés de l’Université répondent aux classes pléthoriques dans les autres ordres d’enseignement. Partout, l’on déplore une pénurie criarde de maîtres. A l’heure de l’informel triomphant et de la débrouille généralisée, la fonction enseignante ne fait pas recette. Elle est au plus une simple escale technique. En attendant mieux. Mais est-ce une raison pour ouvrir l’école au tout venant ? Comme si nous étions revenus aux plus sombres jours du régime marxiste-léniniste. Nous avions alors poussé loin la banalisation au point d’endosser l’énorme idiotie selon laquelle et nous citons textuellement : «Tout cadre est un enseignant»

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Pourquoi et au nom de quoi le serait-il ? Nous croyons savoir, quant à nous, que l’enseignement est un métier. Il se trouve, qui plus est, qu’un enseignant n’enseigne pas ce qu’il sait, mais ce qu’il est. Avec l’école, il y a, certes, un savoir et un savoir-faire à transmettre. Mais bien au-delà de tout, avec l’école, il est un modèle que le maître doit s’efforcer d’être. Il est un exemple que le maître doit s’appliquer à incarner. Il est une référence que le maître doit s’obliger à être.

Sur ce point précis, l’actualité vient brutalement de nous interpeller. C’est suite à la publication des résultats des examens pour l’obtention de deux diplômes professionnels. Il s’agit, d’une part, du Brevet d’aptitude au Professorat de l’Enseignement secondaire (BAPES). Il s’agit, d’autre part, du Certificat d’aptitude au professorat de l’Enseignement secondaire (CAPES). Les piètres résultats qui ont sanctionnés ces deux examens professionnels, à savoir 20 % d’admis pour le premier et 16 % pour le second, nous appellent à une pause réflexive. Nous ne pouvons plus faire semblant d’avancer, alors que nous reculons à la vitesse grand V. Nous ne pouvons plus continuer de jouer la comédie de l’école, alors que le spectre d’un grand drame pointe à l’horizon. De quoi s’agit-il ?

Ceux qui viennent d’échouer aussi massivement que lamentablement à ces deux examens professionnels sont des maîtres en fonction. Comme tels, ils ont à leur charge des   apprenants qu’ils ont à conduire au succès. Voilà que les maîtres qu’ils sont, au détour d’un examen professionnel, n’ont pu offrir d’eux-mêmes une autre image, une image plus valorisante que celle de l’échec. Se pose ainsi la question de la qualité de l’encadrement   scolaire. Autrement dit, quel maître pour encadrer qui, dans le cadre de quelle école ?

Si le maître n’a rien d’autre à proposer à l’apprenant que l’image de l’échec qu’il est, il y a gros à parier que le destin de ce dernier est scellé à l’avance. La nature fonctionne selon une logique implacable, à savoir, par exemple, que le maïs ne produit rien d’autre que du maïs. La même règle s’applique à l’échec.  Pour dire que qui sème  l’échec  est sûr de récolter l’échec. Les Latins disent «Asinus asinum fricat». En effet, quand un âne se frotte contre un autre âne, le résultat est invariablement le même. Et il porte un seul nom : ânerie !

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