A propos de la plainte de Yayi contre votre journal: des voix s’élèvent en soutien à La Nouvelle Tribune

(Analyse : Yayi Boni toujours à couteaux tirés avec la presse) Le président béninois remet le couvert et s’en prend de nouveau à la presse.

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Après l’affaire Lionel Agbo et Berthe Cakpossa, dernière d’une série de poursuites contre les animateurs de la presse privée béninoise, le chef de l’Etat béninois jette à présent son dévolu sur le quotidien La Nouvelle Tribune, accusé d’avoir repris un article de la Lettre du Continent jugé peu flatteur pour le régime.

Dans une plainte dont une copie a été publiée sur le site Internet du journal, le secrétaire général de la présidence, Emmanuel Tiando, agissant au nom de Yayi Boni, saisit la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, organe de régulation de la presse et somme le journal d’apporter « les preuves de ses assertions » sur des points précis de l’article de La Lettre du continent.

Lire sur ce sujet : Menace sur la liberté d’expression au Bénin : Boni Yayi aux trousses de La Nouvelle Tribune

Cette démarche appelle deux remarques : d’abord, il ne s’agit pas – évidemment – «d’assertions» de La Nouvelle Tribune, mais d’un article paru dans la presse française et présentant un intérêt légitime pour le public béninois.

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Certes, le document de La Lettre du Continent contient quelques inexactitudes, notamment, au sujet de la présumée interpellation de Nicolas Gomez, le patron de MTN Bénin. Le mensuel français est d’ailleurs revenu de son propre chef pour préciser que ce dernier n’a jamais été interpellé par les services de renseignements béninois et qu’il «n’entre pas dans ses fonctions de pouvoir techniquement délivrer quelque information que ce soit concernant [les abonnés de MTN.]»

Mais en dépit de ce rectificatif, force est de constater que La Nouvelle Tribune ne fait que reprendre un article publié dans un organe de presse étranger. La réalité du monde des médias veut que ce soit La Lettre du continent, auteur de l’article querellé, qui apporte les preuves de ses affirmations et pas La Nouvelle Tribune.

Rigueur

Une plus triste réalité est que, sans qu’il y ait besoin de faire une enquête poussée, l’article de La Nouvelle Tribune est d’une rigueur professionnelle inattaquable, par le simple fait qu’il reprend avec fidélité et honnêteté un article publié par un autre confrère.

Cela s’appelle, à quelques nuances près, une revue de presse.

On imagine évidemment mal Yayi Boni ouvrant un énième front, en attaquant en justice La Lettre du Continent.

D’où l’envoi d’une plainte à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication qui s’est, par la force des choses, substituée à la justice.

La vérité est qu’il ne se trouve pas, même au Bénin, un juge suffisamment courageux pour condamner La Nouvelle Tribune. Une telle condamnation n’aurait de fondement que le bon vouloir du Prince et dans une société qui se veut démocratique, ce principe de droit n’a pas droit de cité.

Fourvoiements

Il est tout aussi intéressant de noter que dans les correspondances de la présidence de la République du Bénin, aucun démenti formel n’est apporté aux accuations de la Lettre du Continent. Il est juste fait mention d’articles «tendancieux» visant à «ternir l’image» l’image du président et à «décrédibiliser la démocratie béninoise.»

Cela s’appelle un procès d’intention. Ce que le gouvernement béninois considère comme une oeuvre de décrédibilisation de la presse, les journalistes l’appellent «faire son travail de journaliste. Et on imagine que si les journalistes n’avaient pas eu le souci de faire leur travail, le Bénin vivrait encore jusqu’à ce jour sous le joug du régime marxiste-léniniste et Yayi Boni aurait sans doute eu du mal à accéder au Palais de la Marina…

Pour le reste, les nombreux fourvoiements du régime béninois ont le mérite de mettre en relief une méconnaissance grave des principes de fonctionnement de la presse.

Un bon conseiller à la presse aurait recommandé au président béninois de faire la sourde oreille face à «republication» du journal.

D’abord, parce qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat ; ensuite, parce que l’initiative présidentielle ne peut que donner davantage de relief à l’article de la Lettre du Continent, qui doit se frotter les mains de bénéficier d’une publicité inespérée.

Au-delà de tout ceci, il faut peut-être apprendre aux dirigeants africains à accepter les règles élémentaires de la liberté de presse, en s’inspirant de la fameuse phrase de Beaumarchais : «Plus le gouvernement est sage et éclairé, moins la liberté de dire est en presse. Chacun y faisant son devoir, on n’y craint pas les allusions.»

Cliquez ici pour lire l'article sur Afrika 7 (publié avec autorisation)

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