Après 7 ans de gestion par le Président de l’Emergence : comment se porte le Bénin?

Lorsqu’on pose la question aux citoyens objectifs, non-obnubilés par le militantisme politique, la réponse la plus courante est… « Mal ! Et la situation du pays a empiré, sur plusieurs plans, depuis l’accession au pouvoir de l’actuel président, depuis 2006. »

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C’est cette désespérance et ce amer constat qui nous ont motivé à nous pencher un peu plus sérieusement sur la situation du pays, en nous questionnant à notre tour. Mais en nous basant sur les chiffres et les données auxquelles nous avons pu accéder : Comment se porte le Bénin ? Voici notre réponse à cette interrogation majeure, par une analyse transversale de la situation économique, à partir des grands indicateurs du développement : la Production (Produit Intérieur Brut), la Croissance, l’Endettement (part de la dette dans le produit national), ainsi que la qualité de vie.

Au départ, une vision trop ambitieuse !

Le régime actuel au pouvoir au Bénin, est venu avec une ambition que l’on peut qualifier de démesurée ! Comment faire quitter un pays de son état de sous-développement (suivant les critères et classifications en vigueur dans les organes habilités) à celui de pays émergent, et ceci en cinq années seulement, le temps d’un mandat ?

Lire tous les articles du dossier 7 ans de pouvoir de Boni Yayi

La vision, amener le Bénin à l’émergence, était donc déjà trop ambitieuse dès le départ, et c’est peut-être ce qui a faussé tous les programmes du gouvernement. Car, la mise en œuvre de tout programme de développement dépend de la destination qu’on lui assigne et de la vision du départ, ainsi que des projets porteurs que l’on compte initier pour concrétiser cette vision et atteindre l’objectif.

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Ce préalable étant précisé, il est donc clair que :

Constat N° 1 : Le régime a d’abord péché par trop d’ambitions, et par une vision irréelle : Quitter un état de sous-développement à celui de pays émergent en l’espace d’un mandat présidentiel de cinq ans, c’est carrément de l’utopie, même si le concept qui a servi de moteur à cette vision utopique est séduisant, le Changement !

Certains changements sont réalisables, d’autres ne le sont point… A moins de disposer d’une baguette magique et de se transformer en Magicien. Nous ne sommes pas à Oz, nous sommes au Bénin.

Une crise internationale qui n’arrange pas les choses !

En dehors de la vision déjà trop ambitieuse, comme nous venons de le démontrer, notre deuxième constat est le suivant :

Constat N° 2 : La crise internationale qui sévit dans le monde, depuis près d’une décennie, n’a pas du tout favorisé l’amélioration de la situation économique du pays, qui n’a cessé de se dégrader au fil des années, faisant dégringoler le taux de croissance et la production nationale, comme nous le verrons plus loin avec les données chiffrées.

Il faut reconnaître, à titre de pondération proportionnelle au tableau assez sombre que nous allons devoir peindre concernant l’état du Bénin, que le pays a subi, au même titre que les autres, les effets d’un contexte mondial peu favorable aggravé par des difficultés internes et des choix économiques discutables. D’où notre troisième constat.

Constat N° 3 : Certains choix effectués par le gouvernement sont très discutables. Parlant de choix discutables, on peut citer, à titre d’exemple, la propension des décideurs à opter pour des solutions qui n’en sont pas… Créant de nouveaux problèmes pour en régler d’autres, créant de ce fait, un cercle vicieux qui annihile toute l’efficacité des mesures.

La plupart du temps, et là cela concerne la gouvernance globale, des solutions précaires sont mises en œuvre dans l’urgence, mais qui, à la longue, se révèlent être de nouveaux problèmes qui sont créés, s’ajoutant à la liste de ceux qui existent déjà.

L’on se demande alors, à quand la fin de ce cercle vicieux, à quand le règlement effectif de certains problèmes cruciaux du pays, qui exigent pourtant une réponse adaptée et pérenne ?

En voici quelques illustrations : le problème énergétique (électricité, approvisionnement en produits pétroliers et gaz domestique) ; le problème de l’assainissement de l’environnement des affaires ; le règlement de la question fiscale dont la pression est jugée trop lourde par les entreprises ; la sécurisation et l’assainissement des filières porteuses pour booster les exportations (coton, ananas, anacardes)…

Et une situation macro-économique qui se dégrade…

Malgré la relative embellie observée dans la situation macro-économique du pays depuis l’avènement du Renouveau Démocratique, en 1990, notamment avec les mesures vigoureuses prises pour l’assainissement des finances publiques et une meilleure gestion budgétaire, le pays n’a jamais connu les taux de croissance mirobolants qu’on a toujours promis aux citoyens, un taux de croissance à deux chiffres !

Lire : Bonne Gouvernance: nos «dirigeants» en savent-ils vraiment quelque chose?

Ainsi, de 1990 à 2006, le taux de croissance réelle (croissance de la production sur une base annuelle, indexée sur l’inflation) oscillait entre 4 et 5,5 % ! Ce niveau de croissance, déjà bien loin de celui d’un pays émergent, s’est beaucoup dégradé depuis 2006, c’est-à-dire depuis l’accession au pouvoir du régime qui a promis l’émergence au peuple béninois.

Sur les dix dernières années, voici les taux de croissance qu’on a enregistrés dans le pays, selon les données de la Banque Mondiale recoupées avec celles de la CIA World Factbook, version de Mars 2012.

Tableau 1 : Evolution du taux de croissance au Bénin, de 2001 à 2012

Il ressort de ce tableau le constat amer suivant : Le Bénin, au lieu de l’émergence promise à grand renfort de propagande et de communication, a plutôt régressé, comme le démontre la dégringolade du taux de croissance, qui est passé de 5,4 % en 2001 et 2002, sous le régime précédent, à 2,7 % et 2,5 % en 2009 et 2010, en plein régime dit du Changement… un Changement à l’envers ?!

En clair, la production nationale n’a pas suivi les prévisions mirobolantes que le régime a fait miroiter aux populations pendant la campagne électorale et pendant les premières années du régime.

Evidemment, si rien n’est fait, si aucun projet d’envergure n’est initié pour doper la production nationale et l’élever, de sorte à amorcer une croissance durable, on ne peut mobiliser les moyens pour mettre en œuvre sa politique, même si on est animé par une volonté d’émergence, comme c’était le cas du régime du Changement (qui a déjà changé de concept, avec la Refondation).

Sans un niveau de croissance acceptable, vraiment à deux chiffres, l’économie ne sera pas assez compétitive pour générer une dynamique de développement.

…Faisant du Bénin la lanterne rouge de la sous-région !

Avec les niveaux de croissance que nous venons de présenter, le Bénin, non seulement n’a pas atteint l’objectif d’émergence assigné par le gouvernement, mais en plus le pays est dernier dans la sous-région ouest-africaine, quand on compare son taux de croissance avec ceux des pays voisins de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (Uemoa).

En effet, malgré les problèmes communs que connaissent la plupart des pays de l’Uemoa et les difficultés traversées par nombre de pays, du fait de la crise internationale, les voisins du Bénin s’en sortent beaucoup mieux, affichant des taux de croissance nettement supérieurs à ce qui est observé dans le pays.

Tableau 2 : Evolution comparative des taux de croissance dans les pays de l’Uemoa, de 2010 à 2013

Le tableau montre ainsi comment, en termes comparatifs, le Bénin a régressé dans la zone Uemoa, par rapport à ses voisins communautaires qui ont tous un meilleur niveau de croissance. Malgré l’état de guerre que vivent certains pays comme le Mali (2012 et 2013) qui se retrouvent néanmoins avec un taux de croissance supérieur à celui du Bénin, 5,4 et 5,6 % contre 3,5 et 4,5 pour le Bénin dans la même période, 2012-2013, alors que le pays vit paisiblement sans aucun conflit, ni guerre !

Alors, comment s’explique le fait que des pays soumis à la même conjoncture que le Bénin, ne bénéficiant d’aucun produit de rente à l’exportation, comme la Guinée-Bissau, aient une croissance supérieure à celle du pays de l’émergence (5,3 contre 3,1 % en 2011 ; 4,5 contre 3,5 % pour le Bénin en 2012) ?

Le problème majeur réside donc ailleurs, et il faut peut-être le chercher… et le trouver, dans le mode de gouvernance qui a cours dans le pays depuis 2006, depuis l’avènement du régime dit du Changement.

L’économie béninoise… Entre performances insatisfaisantes et défis !

Il faut noter que la position stratégique du Bénin, notamment sa proximité avec le Nigéria et la situation favorable de son port qui permet de desservir les pays enclavés comme le Niger et le Burkina-Faso (de moins en moins, car avantage concurrentiel aux ports de Lomé et d’Abidjan), permet une certaine performance, fiscale et douanière, qui soutient toute l’économie.

Mais, il est évident que l’on ne peut bâtir une économie moderne uniquement sur la fiscalité et le commerce de réexportation vers le voisin de l’Est.

Aussi, et ce sont les principaux défis à relever dans les prochaines années, faudra-t-il œuvrer véritablement pour une forte industrialisation du pays ; la mécanisation de l’agriculture afin d’accroître sa productivité ; et l’éclosion de filières porteuses soutenues par l’implantation d’industries agroalimentaires et d’usines de transformation des produits agricoles…

La priorité doit donc être accordée au secteur primaire, au lieu de concentrer toutes les énergies sur le tertiaire et le commerce de réexportation vers le Nigéria et les pays de l’hinterland.

A titre de comparaison chiffrée, le secteur agricole représente 32 % du Produit Intérieur Brut (PIB) et 70 % des emplois, tandis que le commerce de réexportation ne contribue qu’à hauteur de 7 % à la production nationale (PIB). Ainsi, entre 32 % et 7 %, il n’y a aucune hésitation à avoir quant à la priorité !

Et les perspectives !

Constat N° 4 : Le Bénin est confronté à certains problèmes institutionnels et économiques, qu’il lui faudra résoudre afin d’amorcer un développement durable.

Il s’agit de :

  1. La trop faible diversification de l’économie et une base économique insuffisante ;
  2. La faible compétitivité de l’économie, due à des services d’infrastructure onéreux et peu fiables ;
  3. La corruption élevée, ajoutée à une gouvernance médiocre et des institutions défaillantes ;
  4. L’environnement défavorable pour les affaires, surtout avec une trop forte fiscalité, et l’instabilité observée au niveau des organes de représentation de la Chambre de Commerce et d’Industrie (organes consulaires) ;
  5. L’existence de diverses entraves à l’investissement, notamment la lourdeur administrative et l’absence de transparence dans les procédures.

En définitive, on peut constater que des réformes structurelles importantes ont été  menées, avec le concours de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Ce qui a permis au Bénin de maintenir son taux de croissance autour de 3 ou 4 %, même si le niveau est insuffisant pour atteindre l’objectif d’émergence défini au départ.

Ultime constat : Ce qui est surtout déplorable, c’est que la pauvreté reste largement répandue, l'économie peu diversifiée et vulnérable aux perturbations externes, crises et variations des coûts des matières premières.

Nombre de défis que compte relever le troisième SCRP (Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté, 2011-2015) dont l’objectif est d’améliorer la qualité de la vie au Bénin et mettre le pays sur la voie de l’accession au statut de marché émergent, avec les 4 piliers suivants :

  1. Accélérer la croissance économique ;
  2. Développer l’infrastructure ;
  3. Renforcer le capital humain ;
  4. Promouvoir la bonne gouvernance.

Espérons que d’ici la fin du mandat en cours, 2016, ce sera chose faite et que le Bénin pourra se targuer d’être réellement un pays émergent, au même titre que l’Argentine, le Brésil ou le Mexique… Encore faut-il atteindre le niveau de la Côte-d’Ivoire et du Sénégal !

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