Dans l’ombre de la capitale

Certains y voient de la malchance. Porto-Novo n’a de capitale que ce que dit la Constitution du 11 décembre 1990. Article premier : «La capitale de la République du Bénin est Porto-Novo». 

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Mais dans les faits et chaque jour, Cotonou, la capitale économique, marche sur ses plates bandes. Il n’y a pas photo : la capitale du Bénin n’est pas ou n’est pas encore à l’adresse indiquée par la Constitution.

Pourtant, depuis quelques années, s’affirme la volonté politique de donner aux mots tout leur sens, de donner raison à la Constitution en habillant de vrai et pour de vrai ce qu’elle proclame en son article premier. Une Autorité en charge de la réhabilitation de la capitale est mise en place. Avec un programme d’action. Avec, à la clé, des réalisations. Des réalisations pas encore assez pertinentes pour faire passer Porto-Novo du statut d’une capitale de droit à celui d’une capitale de fait.

Il y a quelques années, à la veille d’une élection, des plaques, sans signalement et sans signature de leurs auteurs, ont été disposées le long du boulevard lagunaire. Elles portaient le nom des institutions de la République. Elles étaient censées indiquer   l’emplacement où chacune d’elles allait être érigée. Ce ne fut qu’une plaisanterie de mauvais goût. Les poseurs des plaques sont partis sans demander leur reste, nous évitant de devoir leur rendre la monnaie de leur pièce.

Une bonne nouvelle : le Parlement, après avoir squatté, des années durant, des abris provisoires, allait enfin se donner un bâtiment digne de la ville capitale qui l’abrite. Tous ceux qui désespéraient de voir la cité des «Aïnonvi» dans les atours d’une capitale politique digne de ce nom, ont repris du poil de la bête.  Qui a dit que l’espoir fait vivre ? Dans le cas de Porto-Novo, l’espoir aura eu la force et la toute puissance d’un miracle. Les aveugles ont pu voir. Les sourds ont pu entendre. Les paralytiques ont pu recouvrer l’usage de leurs membres.

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En deux temps trois mouvements, le bord de lagune, à l’entrée de la ville, s’est laissé dompter, en proie à une fièvre inhabituelle. Tout bougeait. Tout grouillait. De jour comme de nuit. Sur terre comme au ciel. Impressionnant ballet de camions, d’excavateurs et de grues géantes. La masse de boue sortie des profondeurs du sol augurait d’une bâtisse à la taille des ambitions jusque là différées de Porto-Novo. Celles d’être rétablie dans la plénitude de ses prérogatives de capitale administrative et politique.

Puis lentement, la masse grise de béton émergea des eaux et s’élança vers le ciel. Puis plus rien. N’y voyez-vous pas en surimpression, du côté de la façade principale, la trompe géante d’un éléphant pas encore tout à fait blanc ? Il l’est désormais. Se sont envolés, avec les espoirs des Porto-Noviens, 12 milliards de nos francs. Un coup d’épée vain dans les eaux boueuses de la lagune de Porto-Novo. Que ferons-nous de ce fantôme en béton de notre Parlement ? Décidément, Porto-Novo n’a pas de chance.

Il n’en a pas eu non plus avec ce projet mort-né de construction d’un Hôtel de Ville à la mesure, sinon à la gloire d’une capitale qui veut vraiment en être une. Le maire de la ville était prêt à se lancer dans une grande aventure. Mais son chef de parti le rappela à l’ordre illico presto. Un rêve qui déborde la tête du rêveur est un rêve fou. Il peut rendre fou le rêveur lui-même. Le maire de la capitale, gentiment appelé à descendre de son petit nuage, fut stoppé dans ses rêves hyperboliques. Circulez, y a rien à voir !

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Pourtant, il y a encore à voir la Maison de la Culture, vieille bâtisse de l’époque coloniale. Elle a eu l’intelligence de se recycler à l’indépendance. Elle a su s’adapter à la révolution. Elle a réussi à se renouveler sous le renouveau démocratique. L’histoire retiendra qu’elle a servi à abriter le Parlement alors que le pays était encore dans les langes d’une démocratie de fraîche date. Nous étions en 1991. 

Pendant que Porto-Novo ne compte plus qu’avec des vieilleries d’un autre âge, Cotonou réceptionne, en attendant de les inaugurer bientôt, deux immeubles flambants neufs. Ce sont deux blocs administratifs où vont être concentrés des services essentiels de l’Etat. Cela ne vient-il pas confirmer Cotonou dans le rôle et dans la fonction de capitale ? A-t-elle jamais cessé de l’être ? Quand nous déciderons-nous à mettre un terme à cette entorse faite à la lettre et à l’esprit de la Constitution ? Nous ne répondrons à cette question qu’après avoir consulté le Fâ.

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