Et pourtant Nkrumah avait tout dit!

27 avril 1972 – 27 avril 2013. Cela fait quarante et un an que l’Osagyéfo  Kwame Nkrumah s’en est allé. Décédé à Bucarest, dans la capitale roumaine, d’un cancer de l’estomac.

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Me préparant le week-end dernier pour mon intervention sur  l’émission Couleur Ebène – édition consacrée à Nkrumah – de Radio Univers, la radio des étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi, je suis tombé, dans mes recherches, sur le discours mémorable que l’homme a prononcé le 24 mai 1963, à Addis-Abeba, à l’ouverture de la réunion des chefs d’Etat africains qui a consacré la naissance de l’Organisation de l’Unité Africaine (Oua). Quoi de plus normal que  de revisiter, en hommage donc à ce grand homme, son discours qui dit tout sur ce que doit faire l’Afrique pour sortir de la voie du sous-développement.

Mais avant d’en arriver là, de Nkrumah, l’on retiendra une vision : celle des Etats-Unis d’Afrique. Il est l’instigateur de ce projet d’unité continentale marquée par « son » panafricanisme, empreinte de sa doctrine de « consciencisme » ou « nkrumahisme ». Une doctrine caractérisée par un marxisme non orthodoxe associé au concept traditionnel africain de collectivisme.  La doctrine Nkrumah vise la «résurrection des valeurs humanitaires et égalitaires de l’Afrique traditionnelle dans un environnement moderne.»

Lire aussi : Panafricanisme et Développement de l'Afrique: discours de Kwame Nkrumah

Dans son discours de 1963, bâti autour de l’idée selon laquelle « l’Afrique doit s’unir », car « Unis, nous résisterons », Nkrumah fait à ses pairs l’apologie de sa vision des Etats-Unis d’Afrique. Il y prône une planification continentale  commune au service du développement agricole et industriel, avec pour objectif la « marche triomphale vers le royaume de la personnalité africaine.» Convaincu que l’unité du continent est la condition sine qua non pour son développement économique et industriel, Nkrumah propose, entre autres, une défense commune dirigée par un commandement suprême africain pour assurer la stabilité et la sécurité de l’Afrique, une diplomatie et une nationalité communes, une monnaie africaine, une zone monétaire africaine et un système continental de télécommunications.

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Son discours s’apparente à un discours programme pour le développement de l’Afrique. Mais sa vision, quoique noble, s’est heurtée aux réalités géopolitiques -endogènes et exogènes – de l’époque. Tous les leaders africains à la tête des Etats indépendants étaient jaloux de leur souveraineté nouvellement acquise. Dans ce contexte de guerre froide, le monde occidental voyait en son  « consciencisme »  des manœuvres pour favoriser l’expansion du communisme sur tout le continent africain.  Malheur pour lui.

A l’instar de nombre de leaders africains panafricanistes que sont Lumumba découpé, Sankara assassiné, Khadafi abattu, Nkrumah a connu une fin peu honorable. Sinon très pitoyable. Ses dérives dictatoriales ont accéléré la fin de l’ère Nkrumah à travers le putsch militaire contre son régime en 1966. Les circonstances de sa chute ont donc tôt fait ombrage à ses actions louables en tant que Président du Ghana et à sa vision noble pour l’Afrique.

Mais quarante-et-un an après sa mort et cinquante ans après la naissance de l’Oua, devenu après un lifting Ua, la question est de savoir ce qui a été fait de cet héritage politique et intellectuel de N’Krumah. Des milieux intellectuels aux milieux politiques, en passant par les cercles des jeunes, on est conscient de la justesse et la de force de ses idées pour l’Afrique. Mais qu’en avons-nous fait, en dehors des incantations politiques et des grands discours sur fond de rhétorique panafricaniste ? Un panafricanisme béat.

Les idées de Nkrumah pour l’Afrique sont encore d’actualité, plus de quatre décennies après son décès. En 1963, quand l’Osagyefo exposait sa vision, l’Afrique comptait 300 millions d’habitants. Aujourd’hui, 50 ans après, elle en compte plus d’un milliard – un grand marché. Dans ce contexte, où il n’est plus question de guerre froide, mais de mondialisation, il est plus qu’impérieux pour l’Afrique, dont les ressources naturelles font tourner les grandes industries occidentales, japonaises et chinoises, d’aller à l’unité, si les dirigeants veulent véritablement faire profiter aux peuples les retombées des richesses du continent. Face à la dictature financière et monétaire américaine, européenne et chinoise, il est plus qu’impérieux pour le continent d’aller à la monnaie commune, une zone monétaire africaine, etc. Il est simplement impérieux pour les dirigeant du continent, qui font montre d’un manque de volonté politique, de recourir à l’option Nkrumah. Son discours du 24 mai 1963 est un bréviaire. Un bréviaire dont chaque dirigeant africain, panafricaniste ou non, devrait  s’approprier. Car les Etats-Unis, depuis plus de 237 ans et l’Europe depuis plus de 50 ans, nous montre que la solution est dans l’unité. Africa must unite!

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