«Les populations vont continuer à souffrir au nom du chef de l’Etat»
Au terme de la réunion de vérité tenue hier à Porto-Novo, le vice-président de l’association nationale des revendeurs, transporteurs de produits pétroliers a donné son point de vue par rapport à la grève déclenchée par les gros trafiquants et a réitéré sa volonté de poursuivre cette grève. L’avenir du kpayo et la traque dont ils sont objet de la part des militaires n’ont pas été occultés par ce dernier.
Bonjour président, présentez-vous aux lecteurs?
Je suis Jean-Marie Accrombessi, je réside à Abomey. Je suis le vice-président national de l’association nationale des revendeurs, transporteurs de produits pétroliers.
Toutes les régions de notre pays se sont retrouvées aujourd’hui pour discuter des problèmes liés à la commercialisation de l’essence kpayo?
Oui, comme par hasard, tous ils ont fait le déplacement, je n’étais pas sûr que les gens pouvaient être aussi nombreux. Il y a des vieux amis que j’ai retrouvés et qui ont compati à la douleur de tous ceux qui ont été saisis.
Qu’est-ce qu’on peut retenir concrètement, est-ce que la grève continue, est-ce qu’il y aura du carburant aux abords des voies?
Jusqu’à maintenant on ne saurait arrêter un mouvement de grève, parce que ce qui se passe là, l’essence que nous amenons et qui a été tout le temps décrié et que les gens ont taxé de kpayo, c’est ça qu’on retrouve aujourd’hui au niveau de la Sonacop et qui est directement reversé dans les pompes à la station pour être servi à la population. Donc que ces populations sachent que c’est toujours du kpayo qu’elles achètent au niveau de la Sonacop. Et mieux, le Bénin est devenu une fédération, je ne sais pas si vous êtes informé, car tout ce qui se passe au sud n’atteint pas le nord du pays. Le pouvoir central sévit au sud. Au nord, les militaires ne frappent pas du tout, à Parakou l’essence est aux abords des voies, en toute quiétude, les vendeurs continuent de vendre du carburant, même à partir de la hauteur de Savè ; tout de suite, vous pouvez aller constater vous-même, si vous avez vos caméras, vous pouvez filmer et présenter au peuple.
Donc vous estimez qu’il y a deux poids deux mesures?
Inévitablement il y a deux poids deux mesures, les autorités le savent, je ne sais pas si les militaires, leur pouvoir n’atteint pas le nord, j’en ai même rencontré un qui m’a dit que ça lui fait mal de malmener ses frères du sud, parce que lui est du nord et que jamais il ne lui a été donné l’occasion d’aller arrêter le carburant dans le nord. Moi j’ai regretté, j’ai regretté beaucoup de choses parce que nous avons beaucoup aidé l’actuel chef d’Etat. Mais aujourd’hui le pouvoir est devenu un pouvoir séparatiste, ou je ne sais quoi.
Alors qu’est-ce que vous demandez au Chef de l’Etat pour que la situation se rétablisse?
Nous avons fait un mémorandum depuis 2006, il y a eu assez de choses que nous avons demandé au Chef de l’Etat, il a promis plusieurs fois. Mais, ceux qui sont avec lui ne l’accompagnent pas, sinon un milliard a été jeté au niveau du Padme et qui devait nous aider dans la reconversion ; mais je constate jusqu’aujourd’hui que ça traine toujours. Au Chef de l’Etat, nous demandons une certaine vigilance, nous lui demandons de se dédoubler pour voir lui-même. Quant aux militaires, tout ce qu’ils arrêtent, est-ce que c’est tout qui est ramené à la Sonacop ? A Bohicon, ils déclarent avoir saisi 1169 bidons de kpayo, alors que rien que les 12 camions qui ont été conduits font déjà près de 2000 bidons, hormis ce qui a été ramassé dans les dépôts à terre. Beaucoup de personnes déclarent avoir été servies gracieusement par les militaires, c’est-à-dire qu’on leur a vendu du carburant à moindre coût, qu’ils sont en train de revendre. Je me demande si c’est une manière d’encourager la chose ou bien d’enrichir les petits militaires.
Et comme ça vous estimez que vous pouvez continuer la vente de l’essence?
Bon la vente de l’essence que vous dites là, est-ce que ce n’est pas un service qu’on rend au peuple? La Sonacop a, depuis un certains temps, cédé hein ! Même avec son système de relâche, la Sonacop dit pratiquer du commerce de relâche, je n’ai jamais vu sur cette terre cette forme de commerce qui ne peut conduire à une faillite. L’Etat leur a passé 3 milliards qui sont allés tomber dans un trou, vous savez que vis-à-vis de EcoBank ils étaient déficitaires, le compte était au rouge et l’argent de l’Etat n’a servi qu’à combler ce trou. Et maintenant c’est le kpayo saisi qui est en train de faire le « full tank » pour que la population soit servie.
Quel est l’avenir du kpayo? Y-a-t-il de l’avenir ou tout est fini?
Personne ne saurait mettre fin au kpayo même si les militaires bloquent tout le Bénin bout à bout… Les gens vont boire le kpayo et venir uriner dans les motos.
Le Chef de l’Etat a estimé qu’il était allé voir son homologue du Nigéria afin de fermer les robinets aux trafiquants béninois?
Attention, c’est un terrain très glissant, vous savez que le Nigéria a besoin de nairas qui se retrouvent à l’étranger. Il faut le commerce extérieur pour que cette devise rentre au pays. Toutes les fois que le Nigéria fait du commerce avec le Bénin pour ramener la devise qui est à l’étranger, est-ce que vous savez que c’est une plus value pour le Nigéria ? Ils ne sont pas aussi bêtes que nous.
Ils estiment que l’essence qui est convoyée au Bénin est volée au Nigéria?
Non il y a des sociétés qui ont installé des stations le long des frontières et qui commercialisent officiellement la chose, peut-être qu’il y a eu un cas d’essence volée, mais ne me dites pas que toute l’essence qui est venue de là bas est volée.
Si vous vous organisez correctement est-ce que le gouvernement pouvait sentir quelque chose?
Nous aspirons à cela, c’est ce que nous tentons de faire. Nous sommes en train de nous mettre ensemble, mais pas pour lutter seulement contre les affres des militaires, mais aussi pour aller vers le formel. Le Chef de l’Etat lui-même a compris, avant qu’il ne se mette aujourd’hui à nous livrer bataille.
Aux sorties de cette assise, véritablement est-ce que les populations auront de l’essence aux abords des voies ou bien est-ce que vous avez décidé de continuer la grève?
Ce que nous ressentons en ce moment, c’est que les populations vont continuer à souffrir au nom du Chef de l’Etat. Ils iront se faire servir dans les stations de la Sonacop, surtout à Porto-Novo ici où ça n’existe pas. Vous savez, je pourrai me retrouver un jour député aussi et les gens diront, voilà celui là qui nous a servi le kpayo tout le temps.
Propos recueillis par Ismail Kèko
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