Loi « Débourou » sur la prorogation du mandat des maires : pièges et subtilités du nouveau texte

La loi votée, lundi dernier au parlement par les députés, pour proroger, disent-ils, le mandat des maires, en attendant que le contentieux autour de la liste électorale soit vidé, relève bien des pièges et des subtilités décelables à la simple lecture.

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Alors que le débat qui se mène depuis des mois est autour du mandat des maires, la loi votée reste curieusement muette sur cela.

A peine votée, la loi N° 2013- 17 portant dispositions transitoires dérogatoires à l’article 86 de la loi N° 2007-28 du 23 novembre 2007, essuie déjà ses premiers critiques. Hier matin, sur le plateau de Canal3, le professeur Frédéric Joél Aïvo a eu le courage de dire que le vote de cette loi est « une faute politique grave » qui installe la démocratie dans l’incertitude, car les députés n’ont pas fixé un terme au mandat des maires. Il s’inquiétait du fait qu’en procédant ainsi, sans fixer un délai pour la prorogation du mandat, les députés ouvrent la voie à toutes les possibilités, même les plus aberrantes et qui peuvent conduire les maires vers 2014, 2015 ou même 2016. Tout ceci ne serait pas surprenant. Et d’ailleurs, un homme politique proche de la majorité présidentielle n’a pas hésité à agiter dans un journal de la place qu’il faut ouvrir un dialogue politique sur le regroupement des élections en 2016. Ceci revient à organiser les élections communales qui doivent avoir lieu cette année, normalement le mois passé, les élections législatives prévues pour 2015, et la présidentielle en 2016. Or, dans une démocratie qui se respecte, les institutions fonctionnement de façon indépendante et se renouvellent régulièrement, suivant des mandats qui leur sont établis. 

Menace sur les maires

Mais, il y a plus grave dans cette loi. Je cite l’article 1er de cette loi : « Nonobstant les dispositions de l’article 86 de la loi N° 98-006 du 9 mars 2000 portant régime électoral communal et municipal en République du Bénin et des articles 4 et 6 de la loi N° 2007-28 du 23 novembre 2007 fixant les règles particulières applicables aux élections des membres des Conseils communaux ou municipaux et des membres des conseils de village ou de quartier de ville en république du Bénin, le mandat des conseillers communaux, municipaux et locaux élus en 2008, prend fin après l’élection des nouveaux conseillers  et leur installation. ».  Une lecture attentive de cet article montre bien que, nulle part on n’y a parlé du mandat des maires. A analyser cet article à la lettre, on constate que seuls les mandats des conseillers communaux, municipaux et loca     ux sont pris en compte. Rien n’a été dit sur ceux des maires, or c’est là tout l’intérêt de cette loi. Le législateur s’est caché subtilement derrière les conseillers communaux, municipaux et locaux, comme si tous les conseillers municipaux, communaux, étaient des maires. Certes, on ne peut être maire sans être conseiller communal ou municipal, mais il y a la nuance que le maire est l’élu des conseillers et selon les dispositions de la loi, le maire est à lui tout seul, l’organe exécutif de la commune.   Bien qu’il soit membre du conseil communal ou municipal, il est un organe à part. La prolongation du mandat des conseillers ne signifie pas automatiquement que le sien l’est aussi. Ce qui revient à dire que cette loi ne règle pas le problème des maires qui ont toujours l’épée de Damoclès sur leurs têtes. On peut supputer en disant qu’avec cette loi, tous les maires doivent dégager à la fin de leurs mandats respectifs. Si la loi « Débourou » ne cite pas expressément les maires, on peut se demander si cela n’est pas fait exprès surtout que ces derniers temps, il a été agité dans les arcanes du pouvoir l’idée de faire remplacer les maires par des secrétaires généraux ou d’autres cadres de l’Etat qui assumeront les intérims des maires jusqu’à l’élection de nouveaux. Il y a lieu de s’inquiéter et de se demander si ce n’est pas un piège dont le gouvernement  pourra se servir après pour faire mal. Si tel n’est pas le cas, les députés doivent revoir vite cette loi et intégrer le mot « maire ». Sinon, cette loi paraîtra comme un devoir inachevé qui dit tout sauf ce qui devrait réellement intéresser ses législateurs. L’opposition, de plus en plus amorphe, doit rester vigilante pour ne pas subir après les effets néfastes d’une loi truffée d’imprécisions et de mystères, comme ce fut le cas pour la Lépi.

L’honorable Lucien Houngnibo s’indigne

Le délai au terme duquel le mandat des maires vient à expiration, n’a pas été fixé dans la proposition de loi votée par les députés le mardi dernier à l’Assemblée Nationale. Cette situation suscite déjà, aussi bien dans le rang de certains députés qui sont d’avis contraire que dans le rang de certains hommes politiques, des réactions diverses. En effet, le député Lucien Houngnibo des FCBE fait partie des députés qui ont introduit des amendements à la proposition de loi, afin que des gardes fous soient érigés dans la loi, pour éviter des dérapages du côté des maires au cours de cette période transitoire. Le député évoque ici les raisons de son abstention lors du vote de cette loi. Selon ses explications, s’il faut prendre une loi pour proroger le mandat des maires, on ne doit pas leur donner les pleins pouvoirs, parce qu’ils ont été mandatés par une population, et cette population ne s’est pas prononcée sur cette prorogation, et c’est seulement au niveau du parlement que les députés prennent ces textes de loi pour dire qu’ils vont continuer par gérer. Pour lui, ce ne sera pas compris par les populations si on ne met pas un peu de garde-fou. Il ajoute qu’on comprend aisément aujourd’hui les préoccupations du ministre de la décentralisation. Quand on voit comment les lotissements se font dans les communes, ça ne respecte pas les normes. C’est pour cette raison qu’il affirme qu’au lieu de leur donner les pleins pouvoirs pendant cette période de transition, il serait mieux de leur restreindre un peu leur pouvoir. « Quand la fin de leur mandat s’approchait, ils étaient pressés de passer tous les marchés et de vider tout ce qui restait au niveau des recettes et perceptions. C’est la remarque générale que nous avons faite. Si aujourd’hui, on leur donne la latitude de continuer à gérer, surtout sans aucune limite, il faut craindre le pire », a-t-il martelé. Pour terminer, le député d’Allada conclut que, selon lui, et suivant les explications de la présidente de la commission des lois, aucune élection ne pourra se tenir en 2013.

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