Organisation fréquente de prières politiques : quand religieux et politiques instrumentalisent Dieu

Au Bénin, l’une des choses que l’opinion retiendra des deux mandats de Boni Yayi au soir du 06 avril 2016, c’est bel et bien l’implication des religieux dans les activités politiques. Les chapelles religieuses semble devenues des chapelles politiques, et les soutiens à Yayi se multiplient chaque fois que l’actualité politique nationale en donne l’occasion.

« Allez, faites de tous les Béninois des disciples de Yayi, les baptisant au nom du Changement, de l’Emergence et de la Refondation, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis naturellement, puis absolument, avec vous tous les jours, autant que je tiendrai en main le Bénin. Cf St Thomas 2006-2013.» Ceci est l’extrait d’un article que notre collègue Blaise Ahouansè a écrit, il y a quelques semaines, sur l’implication des religieux et des têtes couronnées dans la politique au Bénin avec l’avènement du régime Yayi. Avec cette citation, mon confrère ne faisait en réalité qu’une analogie de Mathieu 28 : 19-20 qui dit  «Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du père, du fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. Cf Mathieu 28 : 19-20». C’est une belle image pour décrire l’instrumentalisation du religieux par le politique au Bénin.

Le constat est patent. Depuis quelques années, plus précisément depuis l’avènement du régime Yayi, selon des observateurs, les prières politiques sont devenues monnaie courante. Les prières qualifiées de politiques, sont les nombreuses séances de prières organisées par les confessions religieuses en faveur au Chef de l’Etat, le Président Boni Yayi. Dans son éditorial du 13 avril 2013, l’abbe André Quenum, directeur de publication de l’hebdomadaire catholique La Croix du Bénin, les décrit comme des « formes de prières publiques qui sont initiées et animées par des acteurs dont certains sont des leaders religieux et d’autres des leaders politiques.  D’autres encore sont l’un et l’autre ! Ces prières ont des causes et des intentions politiques, et elles sont généralement fortement médiatisées. Elles sont parfois combinées avec des manifestations et des marches.»

Nouvelle filière?

Chaque événement majeur touchant à la vie du Chef de l’Etat suscite ces vagues de prières. Les confessions religieuses, à quelques exceptions près, semblent s’y plaire. Musulmans, évangéliques, célestes, sont tous acteurs de cette foire aux prières pour le Chef de l’Etat. Une foire abondamment diffusée à chaque occasion sur les écrans de la télévision nationale (Ortb).

En 2012, les semaines qui ont suivi la scabreuse affaire dite d’empoisonnement manqué du Chef de l’Etat, ont été marquées par ces prières politiques. Il en a été de même à la suite du présumé putsch déjoué. Depuis ce 06 avril 2013, date marquant le deuxième anniversaire de la réélection de Boni Yayi, c’est la même tendance.  Il y a quelques semaines, le Chef de l’Etat était lui-même présent à l’une de ces séances organisées en son nom dans une église dans la commune d’Abomey-Calavi.

Il y quelques jours, un député a été questionné sur un plateau de télévision sur les raisons pour lesquelles son parti, bien qu’étant membre de la mouvance présidentielle, n’organise pas de prières et de marches de soutien pour le Chef de l’Etat. Ce député a répondu, dans un premier temps, que son parti soutient le Chef de l’Etat à travers ses propositions. Avant de se rétracter en affirmant que certains membres de son parti ont « quand même » organisé des prières.  Comme si c’était désormais une obligation pour toutes les organisations politiques de la mouvance, de le faire.

Religieux et politiques pro-Yayi ne manquent plus aucune occasion pour « demander la grâce de Dieu sur le Chef de l’Etat.» Et Dieu est devenu « hautement politique » au Bénin. « C’est stratégique. Le politique voit en la religion un moyen plus facile de manipuler l’opinion. Pour les confessions religieuses, ces prières, avec présence d’hommes politiques, constituent des moyens de publicité et une opportunité pour que la quête soit consistante », fait constater un observateur de la vie sociopolitique béninoise. Ainsi, au nom de l’argent et de la publicité, les confessions religieuses sacrifient la foi et la crédibilité de la religion sur l’autel de la manipulation politique. 

Jeu dangereux 

Le ton avait déjà été donné au début de ce second mandat de Yayi, avec l’implication des religieux dans son projet de Refondation. «La jarre est brisée, mon pays est en pleine refondation, si l’on vous demande ce qu’est la refondation, dites leur que le seigneur a remis le compteur du Bénin à zéro», avait déclaré en juin 2011, un pasteur à ses fidèles, lors d’une croisade organisée au Stade de l’Amitié de Kouhounou.

Le Chef de l’Etat ne cesse de se faire passer pour un chrétien fervent. On ne lui refusera pas d’avoir ses convictions religieuses. Mais de là à instrumentaliser les religions à des fins politiques et politiciennes, il y a à redire. A ce propos, il nous faudra lire plus attentivement cette mise en garde de l’Abbé André Quenum :  « Nous-mêmes acteurs religieux ! Et si, dans l’exercice de cette mission, il y a des contradictions et des travers, nous devrons être les premiers à les dénoncer. A moins que nous abdiquions Dieu pour nous asservir au messie que nous sommes en train de créer. Car il n’en faut pas plus ! Et demain, personne ne se dira surpris ! »

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