Radiographie d’une brouille

« L’oiseau ne se fâche pas contre son nid». C’est un proverbe africain qui le dit.

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 Par rapport à quoi la brouille actuelle entre Raphaël Edou, ministre en charge de la Décentralisation et une majorité des Maires de nos communes, est une parenthèse   malheureuse. Elle est à fermer bien vite. L’intérêt supérieur de notre pays l’exige et le recommande.

Le ministre passera. Les maires aussi. Seul demeurera l’idéal selon lequel, pour développer le Bénin, il faut restituer à toutes ses entités politico-administratives et socioculturelles de base leur autonomie d’initiative, d’action, de gestion. Le pouvoir qui s’exerce à partir de Cotonou est d’abord et avant tout un pouvoir de représentation. Il se nourrit de symboles. Il s’encombre d’apparats. Il fait avec les apparences.

A contrario, le pouvoir local impulse le développement. C’est le sang et la chair de la nation en devenir. C’est en cela qu’il ne peut être ni impersonnel, ni abstrait, ni lointain. Le pouvoir local, c’est la proximité. Il fait corps avec un terroir. Le pouvoir local, c’est la vie en réalité et en vérité. Il se confond avec un microclimat précis, déterminé. Le pouvoir local, c’est l’identité affirmée. Il est inséparable d’un certain nombre de nos us et coutumes. Le pouvoir local relève de toutes ces choses qui nous sont chères et qui nous sont proches. Des choses qui ne nous laisseront jamais indifférents.

Voilà présentée à grands traits la plate-forme à partir de laquelle se construisent, se structurent et s’apprécient les relations entre un ministre de tutelle en charge de la Décentralisation et les entités décentralisées. Le ministre, de ce point de vue est dans la position d’un super coordonnateur délégué. Comme tel, il offre, à travers son ministère, l’ancrage institutionnel à des entités élues. Lesquelles, de ce fait, sont bien tentées de croire, à tort ou à raison, qu’elles n’ont de compte à rendre prioritairement qu’à leurs mandants, c’est-à-dire ceux et celles qui les ont élus.

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La première source de conflit entre le ministre Edou Raphaël et les maires pourrait venir de là. L’autorité d’un responsable, fut-il ministre de la République, se heurte à l’autorité de maires élus. Ces derniers pensent, en effet, qu’en termes de reddition de comptes, ils ont davantage affaire aux populations dont ils ont bénéficié des suffrages qu’à un ministre, un haut fonctionnaire de l’Etat, qu’un accident de parcours a placé sur leur chemin.

Est-ce à dire que le ministre de tutelle n’a rien à dire dans la gestion des communes pourtant placées sous sa responsabilité politique ?  Le ministre de tutelle qui rappelle le principe de la stricte conformité de nos communes aux exigences d’une bonne gouvernance n’a pas encore commis, selon nous, une faute. Dans l’exaltante expérience de la décentralisation que nous poursuivons depuis une décennie, un tel rappel n’a rien d’extraordinaire. Il est de routine. Si le ministre devait oublier d’appeler les maires aux exigences d’une bonne gouvernance, il se trouverait toujours un membre de la société civile ou un anonyme, soucieux de contrôle citoyen de la vie publique, pour interpeller et demander des comptes. Au regard de quoi, le ministre Raphaël Edou n’a eu à dire à nos maires, haut et tôt, que ce que le commun des citoyens pense tout bas, mais qu’il finira par leur dire haut et fort, tôt ou tard.

C’est vrai que personne n’aime être soumis à contrôle. C’est   comme si l’on vous cherchait des poux. C’est comme si l’on laissait planer sur votre tête, dès le départ et a priori, un soupçon de mauvaise gestion, de mal gouvernance.  Voici que   dans un contexte déjà chargé, le ministre de tutelle a le redoutable avantage d’être en possession des conclusions d’un rapport d’audit. Il porte sur la gestion de nos 77 maires au titre des ressources mises à leur disposition dans le cadre du Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADEC). Dès lors, tout change et les images se brouillent dans les têtes. A-t-on encore affaire au ministre de tutelle, le coordonnateur en chef de nos entités décentralisées ? Beaucoup voient un procureur qui anticipe un procès. Il lui est loisible de prononcer un réquisitoire. Et de pointer du doigt les mauvais élèves, à quelques encablures des élections loca+les. Voilà la pierre d’achoppement dans les relations du ministre Raphaël Edou et de la majorité de nos maires. La brouille, comme on le voit, n’est pas politique. Elle n’est que subjective. La mauvaise humeur passera.

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