Yayi ou le rêve brisé d’un peuple

Ils sont encore très vivaces dans nos mémoires, les souvenirs de ce jeudi 06 Avril 2006. Sur l’esplanade de l’Assemblée Nationale à Porto-Novo, du haut d’une tribune officielle, devant le gratin du pays et des personnalités étrangères, on revoit encore un Boni Yayi 

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– encore très moustachu – débordant d’énergie, prêter son serment. On l’entend encore, d’une voix presque fluette, et tout innocent,  jurer par ces phrases fétiches : « Nous Thomas Boni Yayi, Président de la République, élu conformément aux lois de la République, jurons solennellement, de respecter et de défendre la Constitution que le peuple béninois s’est librement donnée, de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation nous a confiées, de ne nous laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes nos forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’unité nationale, de préserver l’intégrité du territoire national, de nous conduire partout en fidèle et loyal serviteur du peuple ».

Fidèle et loyal serviteur du peuple ? Le constituant de 1990 a su trouvé cette bonne formule pour résumer toute l’importance et le caractère sacré du poste. Sept ans après, Yayi peut-il se targuer de l’être ?  Ce jour même, beaucoup de Béninois présents sur ces lieux, se sont étonnés d’entendre son prénom « Thomas », jamais usité pendant la longue période de campagne qui a précédé cette élection. Ils ont eu une attitude similaire en l’entendant décliner habillement ses responsabilités et rejeter le tort sur le protocole, lorsqu’il lui est arrivé d’oublier de citer une personnalité dans son discours.

Ce ne sont là que les signes prémonitoires de ce qui se passera après. Tout le reste du temps, le Chef s’est dérobé face à ses responsabilités. Toujours absent lorsque les décisions les plus importantes ont été prises, ou ignorant  lorsque les scandales les plus abjects se passaient.

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Icc-services ? Connaît pas. « Ces types lui ont été présentés comme des responsables d’une Ong de forage de puits par … un certain Armand Zinzindohoué ».

Pendant près de sept ans, « le loyal et fidèle serviteur » a laissé son peuple à la merci de « gangs intellectuels » au mensonge bien raffiné, qui l’ont dépouillé de ses maigres revenus.  

Pvi ? C’est le Premier Ministre Koupaki qui aurait signé ce contrat alors qu’il était en campagne.

Cen-Sad ? C’est son ex-ministre des Finances, Soulé Mana Lawani, qui a engagé les dépenses hors-budget, sans l’avoir informé.

Peu de Béninois se rappellent encore l’avoir vu partir, le lundi suivant, vers le Nigéria d’où il est revenu, quelques heures après, en promettant au peuple que « l’essence sera aussi moins chère au Bénin qu’au Nigéria ». Et nous voilà, sept ans plus tard, à acheter l’essence à prix d’or dans les stations, et même dans le secteur informel qui subit de violentes répressions depuis des mois.

Dans son discours d’investiture ce jour-là, Boni Yayi mettait l’accent sur la qualité des ressources humaines, la gouvernance concertée, le développement de l’esprit d’entreprise et la construction des infrastructures. Si, sur la dernière promesse, quelques efforts ont été notés ça et là, sur les trois premières, peu de choses ont bougé.

Il est de plus en plus admis que l’on ne réussit au concours d’entrée  à la Fonction Publique que si l’on a un parent aux « bras très longs ». Que le Chef de l’Etat n’entretient le dialogue qu’avec ceux qui soutiennent sa politique.

En sept ans, le gouvernement est devenu une machine à produire des scandales et des « éléphants blancs ». Malgré tout, le coordonnateur national des Fcbe, Eugène Azatassou, salue un « bilan élogieux ».

Lire tous les articles du dossier 7 ans de pouvoir de Boni Yayi

Après sept ans, le taux de croissance stagne à 3,8% (actuellement), et l’inflation évolue de façon exponentielle avec un taux de 6,8%. Les populations vivotent à la place de la prospérité partagée qu’on leur a pourtant promise. Le Chef de l’Etat lui, vole de sommet en sommet, de voyage en voyage.

En dépit de quelques efforts notés dans la construction des infrastructures, le développement de l’Agriculture, beaucoup reste à faire : l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, la lutte contre la corruption, le chômage, le régionalisme – qui revient au galop – sont les prochains défis. Le Messie, venu de la banque pour sortir le Bénin de la misère, a plutôt aggravé le supplice du pays.

Sous le changement, avait déclaré le Président Houngbédji, « tout change pour que rien ne change ». A cette allure, est-il encore possible d’espérer quelque chose en trois ans, lorsqu’en sept, on n’a rencontré que déboires et désenchantement ?

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