Bob Marley! Bob Marley! Et après?

A-t- on déjà fini de commémorer le 32è anniversaire de décès du métis jamaïcain? Comme les autres années, le souvenir de Bob Marley ne nous émeut et ne nous mobilise qu’un jour sur trois cent soixante cinq.

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Un concert par ci, un colloque par là, quelques émissions à la radio ou à la télé, des articles dans les tabloïds du continent, puis c’est fini… La pratique est désormais routinière. L’occasion bonne pour les rastafaris et autres accrocs du «gandja» et des produits psychotropes, de s’extasier, de reprendre quelques morceaux phares de leur idole, puis le lendemain le tout se dilue dans l’amnésie collective, le mal vivre et les vicissitudes de la vie.  On attendra alors un an après pour se souvenir de ce chanteur au talent immense et à la notoriété planétaire. Depuis 32 ans, le rituel n’a guère changé. L’Afrique chante et danse «Bob Marley» sans grande conviction, et surtout sans  prendre conscience de l’essentiel du message et de la vie du chanteur. Jean Ikellé Matiba avait déjà flairé cela lorsqu’il affirmait dans  «Cette Afrique-là» : «l’Afrique, à force de rire et de chanter, s’est laissée surprendre par les peuples les plus austères». L’Afrique adore se coller aux idoles, passer son temps à les commémorer sans cesse, à les déifier, sans jamais chercher à les imiter ou à marcher dans leurs pas. Bob Marley, ici, en est une. Ce mulâtre – non pas un noir – est connu sur tout le continent où des millions de rastafaris revendiquent être ses héritiers. Tous, ou presque, ont des «dread locks», portent des jeans et des jackets, des bonnets à son effigie, ou parfois aux couleurs du drapeau jamaïcain. Tous passent des années à apprendre par cœur des chansons de leur idole. Bon nombre parlent anglais à cause de lui. Ils sont nombreux à ressasser les enseignements et les leçons issus de ses chansons. Mais qu’avons-nous pu faire de ce riche enseignement ?

Lorsqu’il nous dit, «Afrique, unis-toi», nous, nous préférons balkaniser davantage notre continent. Nous adorons comploter et participer à la liquidation physique de tous ceux qui se font les chantres de l’unité africaine. Kwamé N’Krumah, Amilcar Kabral, Thomas Sankara, et tout récemment Muammar Kadhaffi, ont été tous assassinés de façon inhumaine. Quand Marley dit «lève toi pour défendre tes droits», on préfère faire les pleutres et subir l’injustice. Il dit, «libérez vous de l’esclave mental, n’ayez pas peur de la bombe atomique…». Et pourtant, on est toujours dans les fers. Si Bob Marley continue à être un exemple pour nous, pourquoi ne pas suivre ses pas. Comment ne pas s’inspirer de sa première qualité qui était le courage? S’il a pu dire tout cela en pleine guerre froide, c’est non seulement à cause de son talent, mais aussi et surtout à cause de son courage. Bob Marley, c’est l’homme qui a dit dans «Rat race», une de ses chansons phares que «la Cia est une race de rats». C’est l’homme qui a reçu à réconcilier, au cours d’un géant concert à Kingston,  Michaël Manley (soutenu par Cuba) et Edward Seaga (soutenu par les Etats Unis), les deux hommes politiques qui se disputaient le pouvoir dans son pays et qui étaient à l’origine d’une guerre civile qui a fait des milliers de morts. La deuxième qualité qui caractérise Bob Marley, c’est le travail. Près d’une dizaine d’albums en dix ans. Ses proches racontent qu’il dormait presque au studio. Un regain de travail qu’il a accentué à deux ans de sa mort, quand il a appris qu’il  avait le cancer et qu’il était condamné. Quel altruisme et quel détachement?!  Si bien qu’en mourant, le 11 Mai 1981 à Miami, il a laissé une fortune colossale estimée à 90 millions de dollars, sans compter les droits d’auteur et les royalties. Il a laissé une grande industrie musicale qui continue d’employer aujourd’hui tous les membres de sa famille. Combien d’Africains, et surtout de ses disciples, sont prêts à se sacrifier autant, à travailler ainsi, pour laisser les autres en bénéficier? Combien parmi nous sont prêts à faire montre de tant de courage face aux injustices et aux diktats des puissances impérialistes? Au lieu de passer tout le temps à déifier Bob Marley, pourquoi ne pas chercher à l’imiter pour son courage et son travail? Pourquoi ne pas oser et changer l’ordre des choses? L’Afrique n’a pas besoin d’idoles – comme d’ailleurs celui dont l’avènement à la Maison Blanche a été fêté naïvement par tout le continent – mais de gens travailleurs et courageux, capables d’oser pour changer les choses. Et c’est là tout le symbole qu’incarne Bob Marley l’Africain.

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