Comprendre pourquoi et comment

Il ne faut pas se tromper de cible : les peuples n’entendent et ne comprennent que les discours clairs, simples et intelligibles. Les élites, c’est-à-dire les lettrés, les intellectuels, les cadres comme on les appelle, sont autrement façonnées. 

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Elles aiment faire dans la nuance. Un chat, pour elles, n’est jamais totalement un chat.

Octobre 2012, le bon peuple du Bénin s’était ému d’une information grave. Elle lui était tombée dessus comme une massue.  Des proches du Chef de l’Etat, collaborateurs, amis et parents, auraient joint leur intelligence pour concevoir et mettre au point le projet d’un crime odieux : empoisonner le Président de la République.  Les mis en cause, qui ne continuent pas moins de bénéficier de la présomption d’innocence, devaient, a-t-on alors dit, substituer différents poisons aux médicaments que prend habituellement le Chef de l’Etat.

Voilà le dossier relatif à la supposée tentative d’empoisonnement du Président Boni Yayi, dossier toujours pendant devant les juridictions de notre pays. Jusqu’à plus ample informé, le bon peuple de notre pays, choqué et indigné, a manifesté de diverses manières sa sympathie à son chef. Après avoir condamné, selon l’expression consacrée «avec la dernière énergie» les comploteurs qui voudraient plonger le Bénin dans le noir. Marches de soutien, prières dans les églises, les mosquées, les temples et les couvents, motions de compassion et de sympathie… rien n’aura manqué à l’expression du sentiment de dégoût du bon peuple. 

Il s’y ajoute que le bon peuple appréhendait, à travers cette   histoire, tout le mal fait à notre pays. Qui paiera la note de cette mauvaise publicité qui fait passer, tout d’un coup, le Bénin pour le pays du poison et les Béninois pour des empoisonneurs ? Qui peut être fier d’être aussi lourdement et aussi tristement chargé? 

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Nous en étions là, quand contre toute attente, le juge en charge du dossier, Monsieur Angelo Houssou rend une ordonnance de non lieu. Nous sommes le 17 mai 2013. Un coup de tonnerre inattendu dans le ciel chargé de Cotonou. Nous sommes, il est vrai, en saison des pluies. Et si tout ce qui avait été dit au bon peuple et qui avait lors provoqué la saine réaction de celui-ci n’était que du pipo. La montagne aurait-elle accouché d’une souris ? 

Tant que la justice est et reste l’instance arbitrale suprême dont les décisions s’imposent à tous justiciables, il y a bien lieu de nous demander si nous ne sommes pas, dès cet instant même, dans de beaux draps. L’image du pays est cassée. Le crédit du pays est entamé. Les perspectives du pays son brouillées. Et Dieu sait que c’est grave. Grave pour aujourd’hui. Grave pour demain. La partie civile a interjeté appel. Pourra-t-elle apporter au dossier un complément de preuves plus convaincantes ? Quoi qu’il en soit, l’ordonnance du 17 mai 2013 aura et gardera les propriétés de l’huile. A savoir que celle-ci ne se ramasse plus, une fois renversée. Que nous reste-t-il alors à faire ? Commençons, tout au moins, par situer quelques responsabilités.

Responsabilité de la presse d’abord. A aucun moment, d’octobre 2012 à aujourd’hui, nous n’avons eu, dans nos rédactions, le réflexe professionnel d’une enquête parallèle indépendante. Cela situe notre niveau, notre degré de professionnalisme. Plus grave, beaucoup d’entre nous ont choisi de se faire les relais actifs d’une campagne de communication orchestrée autour de cette affaire. «Au lieu d’accuser là où tu es tombé, il faut surtout accuser là où tu as trébuché» nous enseigne un proverbe bambara du Mali. Les journalistes que nous sommes doivent en prendre de la graine. Ne cherchons pas le mal. Trouvons le remède.

Responsabilité de la société civile d’autre part.  Celle-ci a semblé avoir perdu tous ses réflexes critiques. Certains ténors de cette société civile se sont professionnellement retrouvés, comme avocats-conseils, aux côtés des mis en cause. Ceci explique-t-il cela ? On comprend parfaitement qu’on ne peut ni lâcher la proie pour l’ombre, ni être à la fois au four et au moulin. En dehors de ces quelques cas, ce qu’il convient de retenir, c’est le silence assourdissant de la société civile en général. Mais pourquoi ? La réponse de Paul Valéry nous convient : «La meilleure façon de réaliser ses rêves, c’est de se réveiller !»

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