Gestion des médias de service public : l’Ortb, un cas préoccupant

Depuis 2006, l’Ortb est devenu progressivement une télévision acquise uniquement à la cause du gouvernement et du Chef de l’Etat. Les Béninois ont assisté, impuissants, à la mue, sans trop savoir pourquoi.

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Bon nombre de Béninois ne se rappellent plus à quand remonte le dernier passage d’un opposant ou d’un membre de la société civile qui émet des points de vue un peu opposés à ceux des membres du gouvernement. Certains pensent vaguement à un passage de Bruno Amoussou sur le plateau de la télévision face à Wabi Boukari, l’ex-rédacteur en Chef. Un passage qui est vite effacé de la mémoire collective, parce que le président du bureau politique de l’Union fait la Nation (Un) n’a pas eu le temps de se prononcer sur les sujets majeurs qui intéressent les Béninois. Puis c’est tout. En sept ans, les Béninois n’ont vu que du « Yayi » sur l’Ortb. Si ce n’est pas ses audiences, ses tournées sur le terrain ou ses voyages à l’extérieur du Bénin, les téléspectateurs de la « chaîne des grands évènements » se gavent de marches, de déclarations et prières de soutien à l’endroit du Chef de l’Etat. A défaut de tout cela, ils regardent les activités de ses ministres ou les causeries sur les sujets qui intéressent le gouvernement. A peine se souviennent-ils avoir suivi un débat contradictoire, un soir, le seul d’ailleurs, entre le député Sacca Lafia et son homologue de l’opposition, Lazare Sèhouéto.  Pour le reste, les interventions de leaders de l’Un d’alors sur l’Ortb, ont été des rendez-vous manqués. A plusieurs reprises, ils ont été invités à participer à des débats, mais au dernier moment il y a toujours eu un couac, une fausse note, puis c’est annulé. Pendant la dernière élection présidentielle, la situation n’a guère changé, si bien que les candidats Houngbédji et Bio Tchané ont dû écrire à la Haac pour demander que l’Ortb diffuse, comme il l’a fait pour Yayi, leurs cérémonies officielles d’investiture de candidat unique ou de déclaration de candidature. Mais la chaîne, par le truchement de son Directeur, Akpaki, y oppose un refus catégorique, arguant que le candidat Yayi a dû payer pour cette prestation. Depuis, les choses n’ont guère changé. Dans une lettre adressée au président de la Haac, le 17 septembre 2012, et signée de son ex-coordonnateur, Antoine Kolawolé Idji, l’Un se plaint de l’Ortb : « Six semaines après la tenue de nos assises, nous restons interdits d’antenne, malgré nos multiples correspondances et nos démarches. Nous espérions que la réaction surprenante du Chef de l’Etat à l’une de nos propositions, celle relative à la constitution d’un large front des forces sociales, allait nous ouvrir la porte d’expression d’opinions contradictoires, pour éclairer l’opinion publique. Dans les faits, elle a plutôt conduit la direction générale de l’ORTB à renforcer notre exclusion de ses antennes et à élargir la censure de nos prises de position », dénonce l’Union. Les journaux télévisés durent près d’une heure, avec des reportages assez longs sur le Chef de l’Etat. La chaîne devient monocolore, insipide, et amène certains Béninois à se cramponner aux chaînes satellitaires et  payantes. Les règles élémentaires de la déontologie sont bafouées par les « professionnels ». Marc Tchanou, journaliste à l’Ortb  n’a pas eu froid aux yeux pour dire qu’« il n’y a pas d’équilibre de l’information à l’Ortb ». Son constat est partagé par bon nombre de personnes. Et pourtant, cette chaîne est financée par les deniers publics. Et depuis, les Béninois cherchent vainement la justification des près de 20 milliards engloutis dans l’accroissement de la couverture télévisuelle au Bénin.

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