L’exception GG Vikey

On l'appelait GG Vikey. Il vient de tirer sa révérence après 69 ans de bons et loyaux services auprès de ses frères et sœurs les humains. On retient de lui moins l'image du haut fonctionnaire des Finances qu'il fut que l'image de l'artiste-musicien que nous n'oublierons plus.

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Sa musique a bercé les jours et des nuits de plusieurs générations d'Africains. Le destin a plus d'un tour dans son sac. Celui qui s'amusait à taquiner une guitare et qui ne se prenait point pour un artiste, était devenu une icône de la musique africaine.

La disparition de GG Vikey ne peut laisser indifférents des milliers de mélomanes, au Bénin, son pays, en Afrique et dans le reste du monde. Peu de comparaison avec des bêtes de scène de la trempe de Fela Kouti Anikoulapo ou de Mariam Makéba. Mais la touche particulière de GG Vikey, c'est de passer simplement et de marquer durablement. Il sut ainsi porter le démenti le plus cinglant à l'adage bien connu : "Pierre qui roule n'amasse pas mousse".

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GG Vikey à rouler sa bosse dans l'univers de la musique sans jamais se prendre lui-même pour un musicien. Et pourtant, que de mélomanes, de tous âges, du Bénin au reste de l'Afrique, de l'Afrique au reste du monde, il a fait mousser sur son parcours d'artiste. Et longtemps après qu'il eut raccroché sa guitare et remis aux muses inspiratrices sa voix mélodieuse, on ne cesse   de fredonner ses chansons.

Nous sommes là au cœur de ce qu'il convient d'appeler le mystère de l'art. L'artiste se retire de scène. Mais ses œuvres continuent de témoigner pour lui. L'artiste se tait, s'emmure dans le silence. Mais son souvenir s'invite, à flot continu, dans l'esprit de ses contemporains. L'artiste meurt. Il rend sa guitare comme d'autres rendent leurs armes, défaits. Mais voilà que lui, l'artiste, est encore plus vivant que vivant. Il triomphe de la mort physique. Il trouve une place et pour l'éternité dans le panthéon des gens de biens. Il rejoint, dans la mémoire collective, la poignée des bienheureux qui ont su sortir de la foule anonyme pour se donner un nom et briller éternellement comme des étoiles au firmament.

Nous ne le savons que trop : "Nul n'est prophète en son pays". Cela semble encore plus vrai au Bénin, le pays qui a forgé et qui a fait breveter l'expression "les gens sont contre les gens". Ici, il y a toujours, tapis dans l'ombre, des gens pour interdire à d'autres gens d'accéder au palier supérieur de la renommée et de la reconnaissance. Peu leur en chaut de savoir s'ils le méritent. Dès lors, qu'ils sont eux-mêmes hors jeu et hors concours, autant faire marcher la machine à niveler par le bas. Ce qu'exprime bien l'expression fon de "Enagu Mimin bi" Littéralement : plutôt l'échec pour tous que la réussite, le succès pour quelques uns. 

Paul Hazoumê, de respectueuse mémoire, écrivait dans son roman historique "Doguicimi" : "Le Dahoméen n'aime pas égaler, il aime égaliser". Cet ouvrage a été publié il y a exactement 75 ans. Et rien, depuis, ne semble avoir fondamentalement changé. Les hommes continuent de s'animer des mêmes idées, d'entretenir les mêmes pensées. Ils ne peuvent développer que les mêmes manières de se comporter et d'agir.

Il va falloir, un jour ou l'autre tourner la page de cette médiocrité crasse qui fait passer à la trappe ou jeter à la poubelle tout ce que nous avons de valeureux. Ce que nous tenons pour "l'exception GG Vikey" aurait pu être le commencement de la fin, la rupture annonciatrice des temps nouveaux. A cet effet, nous souhaitons qu'en dehors de l'hommage qui sera rendu à l'illustre disparu, une réunion savante, genre colloque ou symposium, lui soit consacré.

Nous revisiterons, à cette occasion, la discographie du "Gentleman Vikey". Un pèlerinage du souvenir qui vaut bien le détour. La contribution d'une foule de témoins est sollicitée. Pour avoir connu et côtoyé l'homme, les témoignages de ceux-ci éclaireront bien des zones d'ombre sur sa vie. Les musicologues seront de la partie. Ils décrypteront la musique de GG Vikey. Ils feront la part de ce qui appartient à l'homme, des emprunts opérés ou des influences subies. Les littéraires se pencheront sur les textes des chansons de l'artiste. Nous avons besoin d'accéder autant à leur structure externe qu'à leur substance sémantique. Peut-on alors, dans ces conditions, dire adieu à celui sur qui nous avons encore beaucoup à dire, beaucoup à apprendre ? Soyons tous d'accord là-dessus :  GG Vikey n'est pas mort.

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