Promotion à titre exceptionnel à la Police nationale : le Commissaire Aihou dénonce un acte « totalement illégal »

Les langues continuent de se délier contre les promotions, à titre exceptionnel, faites à la Police nationale par le Gouvernement, en Avril dernier. Après les sanglots médiatisés du commissaire Sohou, un autre commissaire monte au créneau.

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Il s’agit du Commissaire de Police Aihou Ambroise. En lieu et place des sanglots et supplications médiatisés de son collègue, lui a plutôt choisi la voie de la dénonciation. Cette dénonciation, il la fait à travers une lettre ouverte dont l’intégralité est ci-dessous publiée. Ses destinataires : les Inspecteurs généraux et Contrôleurs généraux retraités de la Police.

Cotonou, le 27 Mai 2013
Commissaire de Police à la retraite
AIHOU Ambroise
Contact :
95 45 01 62

Aux Inspecteurs Généraux  et Contrôleurs Généraux retraités de la Police Nationale du Bénin

Objet : Lettre Ouverte.

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En m’adressant à vous, sommités de la Police Nationale, par cette lettre, je voudrais d’abord vous présenter toutes mon admiration pour le fait que vous soyez arrivés, par vos propres efforts, au niveau le plus élevé de la noble institution de l’Etat qu’est la Police Nationale. Cela n’est pas donné à tout le monde. Ensuite, je voudrais que vous soyez toujours intéressés, comme depuis le début de votre carrière, à tout ce qui concerne  ce corps d’Etat au sein duquel  vous aviez servi. Comme certains anciens se plaisent à le dire : « Policier un jour, Policier toujours ».

Actuellement, un fait gravissime vient de se produire, qui nous interpelle tous. Il s’agit des nouvelles nominations de cadres à la Police Nationale. Conscient de ce que la Police est au service de l’Etat, je me rappelle que ses personnels ne doivent, statutairement, pas prêter  flanc à la Politique, à moins d’avoir fait valoir leurs droits à la retraite. C’est une disposition légale qui permet aux policiers de faire ce qu’ils doivent faire pour satisfaire les populations dans leur quête de sécurité, évidemment sous l’autorité des gouvernants. Mais, de là à sympathiser avec ces derniers pour des avantages illégaux de grades, cela  fragiliserait la cohésion nécessaire au sein des personnels dans l’accomplissement de leurs missions régaliennes. Puisque ce truchement sera usité très facilement par les plus habiles, au détriment des sans-parrains.

J’ai reçu, avec une grande indignation, la nouvelle de la promotion faite à quatre (04) Commissaires de police ces derniers temps. Je ne doute aucunement de leur compétence sur le plan professionnel ou autre, pour les avoir côtoyés pendant que je me trouvais encore sous les drapeaux. Mais, permettez- moi, chers Inspecteurs et Contrôleurs Généraux, de dire ma part de vérité sur cette situation, on ne peut plus irrégulière et totalement illégale. Qu’un grade soit sauté systématiquement dans un corps paramilitaire ou militaire, c’est du jamais vu. Et c’est ce à quoi on a assisté le Vendredi 26 Avril 2013, lorsque le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et des Cultes, a porté leurs galons à des promus, suite à la décision du Gouvernement en sa session du 13 Avril 2013.

Le Gouvernement de mon pays est libre de faire ce qu’il veut, mais si tant est qu’il y a des conseillers payés chèrement pour lui montrer le bon chemin sur les dossiers de la République, j’estime que dans le cas présent, il y a problème.  Des exceptions de port de galons pourraient arriver dans les cas de reconstitution de carrière où l’administration elle-même remarque que, dans son déroulement, quelqu’un a été lésé ou encore suite à une décision de justice. Hormis ces circonstances, ce qui s’est passé crève l’œil. Que dirait-on si, dans les Forces Armées Béninoises, un capitaine passait ainsi directement au grade de Colonel, parce que pressenti pour un poste fût-il politique ? Notre pays, le Bénin, pour lequel je prie tous les jours pour la paix, ne connaitra jamais, par la grâce du Tout Puissant, des  situations de rébellion qui souvent  engendrent  de tels gâchis.

 Apparemment, tout le monde se complait à mal commenter cet évènement, comme beaucoup d’autres évènements qui se produisent dans mon cher pays, le Bénin.  Selon moi, un gouvernement doit être aidé dans ses démarches de gouverner, au lieu que l’on se mette à le prendre chaque fois en aversion. Le pays nous appartient à tous et il est clair qu’avant les gouvernants d’aujourd’hui, il y a eu d’autres, et après eux, il y en aura encore.

Je suis persuadé qu’ils pensent qu’ils ont posé un acte d’autorité et sur conseils. Alors pourquoi faudra-t-il se taire si l’on a des remarques pertinentes sur la gestion des affaires publiques, qui plus est, de notre institution commune, un noble Corps de Sécurité?

Comme l’a dit l’autre, je ne suis pas un opposant. Je ne dis que ce que je crois être juste.

Le but de ma démarche est de faire savoir qu’il semble avoir eu maldonne dans ces nominations. Je ne vois pas, du haut de mes expériences, les actions particulières des promus qui peuvent sous-tendre véritablement une telle promotion. Encore que l’article 81 des Statuts de la Police Nationale ne permet la promotion à titre exceptionnel qu’au grade immédiatement supérieur. Lorsque le policier arrête un voleur, un braqueur ou un délinquant de quelque acabit, il n’a fait que le devoir pour lequel il est payé. Je sais que la jeune police aime beaucoup publier ses actions sur le terrain, faisant fi de ce que, selon les textes, le seul policier  autorisé à communiquer, dans toutes les circonstances, avec les médias, c’est le porte-parole de la Police Nationale. Entendu encore  que les actions d’un chef d’unité de police ou de gendarmerie ne doivent pas profiter à lui et à lui seul, si profit il y a, dans la mesure où c’est toute une machine qui est mise en branle depuis la réception d’une information à caractère sécuritaire, jusqu’à son exploitation. Aussi, convient-il de rappeler que certains policiers très compétents travaillent dans l’ombre dans la mise en œuvre de la paix publique. La Police n’étant pas limitée aux seules unités spécialisées ou aux villes de Porto-Novo et de Cotonou. Je vous sais conscients de la véracité de mes propos.

  Vous accepterez, à titre d’exemples, que la Police de Glazoué, celle de Bantè,  celle d’Aplahoué, de Tanguiéta ou de Bembérékè, ou encore les personnels des services spéciaux qui ont rarement ou presque jamais l’opportunité de recevoir les médias, jouent également leur partition dans le jeu sécuritaire. Servir en ville ne doit pas constituer un atout pour obtenir des avantages extra.

Dans le cas des récentes nominations, ça grogne et je ne pense pas que le Gouvernement ait agi sans conseils. Des conseillers d’erreurs ont dû se glisser sur son chemin pour lui faire poser un acte statutairement injuste et illégal.

Peut-être que les aigris, dont le nombre est sûrement au dessus des 80 % des personnels en activité,  dans la peur de se voir écrasés par la machine politique, attendent de donner du temps au temps avant de réagir.   

D’aucuns disent qu’un décret de 2008 aurait précisé que le Directeur Général de la Police devra être nommé parmi les Contrôleurs Généraux. N’ayant pas vu ce décret, je le qualifie de prétentieux et fantoche, dans la mesure où, de mémoire, nous avions vu des Directeurs Généraux qui, en deçà de ce grade, ont fait leur preuve au commandement. Abroger ce décret était plus facile que de piétiner littéralement la loi. Croyez moi, je ne suis ennemi, ni ami, d’aucuns des promus. Et je n’en veux pas platement aux gouvernants actuels. Tout comme dans de nombreux dossiers, ils viennent une fois encore d’être victimes des mauvais conseillers.

A l’analyse,  si tant est que ce grade de Contrôleur Général est celui requis pour diriger la Police Nationale d’aujourd’hui, on avait à la porte de ce grade deux Commissaires Divisionnaires en activité, et cela pouvait encore passer inaperçu qu’on nomme ceux-ci,  parce qu’ils n’auraient pas brulé de grade. Et je suis sûr que le pouvoir politique ferait le choix  parmi ceux-là, pour diriger la Police Nationale. Je sais que, de nos jours et comme de tout temps, quelques paramètres entrent en ligne de compte dans le choix des dirigeants. Dans le cas d’espèce, il y a eu plus qu’il n’en fallait.

Alors que la grande couche attend la mise en œuvre des recommandations des Etats Généraux (Statut Général et Particulier de la Police Nationale) qui font depuis des années des navettes incessantes entre la Présidence de la République et le Palais des Gouverneurs, voilà qu’individuellement déjà, des gens commencent par tirer leur épingle du jeu. 

Admettre platement ce qui est arrivé, c’est dire qu’on peut admettre qu’on puisse nommer, nonobstant les dispositions statutaires, un Sous-brigadier de paix, Officier de paix,  pour faire de lui un Commandant de Corps Urbain, ou qu’un Inspecteur Principal assurant le commandement d’une localité, à défaut de Commissaire en titre, arbore allègrement le galon de Commissaire de police. Les politiciens font des erreurs que nous leur demandons subtilement de corriger.

Je voudrais que tous unis, vous mes chers Inspecteurs et Contrôleurs Généraux, vous réfléchissiez, en lisant ma lettre, à comment apporter la correction rapide à cette injustice qui ne devra pas perdurer, de peur de laisser place, tôt ou tard, à une Institution déchirée. Quant à moi, je proposerais, dans l’immédiat, l’adoption et la mise en application des recommandations issues des Etats Généraux de la Police Nationale, principalement les Statuts Général et Particulier de la Police Nationale.

Je vous remercie
Copies : – Institutions de la République Amicale  des Retraités de la Police Nationale

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