Il y a quelques semaines, après sa condamnation au Tribunal de Première Instance de première classe de Cotonou, Maître Lionel AGBO, l’ancien candidat aux élections présidentielles, ancien conseiller porte parole de la Présidence, ancien membre de l’Autorité Transitoire de Régulation des Postes et Télécommunications, a disparu, se soustraignant ainsi à l’exécution de sa peine.
Les commentaires ont été nombreux à la suite de ce que certains ont appelé la fuite et d’autres l’audace de l’intéressé pour sauver sa tête. Qu’il soit traité de couard ou de courageux, l’acte de Lionel AGBO répond à des choix que chaque homme fait à des moments particuliers de sa vie afin de répondre aux problèmes et paramètres qui sont les siens.
Quelques années auparavant, celui qui a été l’objet de tous les commentaires, avait fait un autre choix déterminant : tout quitter en France pour revenir au Bénin et se présenter aux élections présidentielles de 2001. La plupart des béninois ont été surpris de voir ce nouveau venu avec un français qui ne sonnait pas comme celui de ses compagnons de joute et une éloquence distinguée. Bien sûr, personne ne pariait sur son score mais par sa ténacité et sa persévérance, l’inconnu d’alors à su se faire un nom sur la scène béninoise au bout d’une dizaine d’années. Aujourd’hui ses amis qui lui avaient déconseillé le retour brutal aux sources estimeront avoir eu raison. Les autres le prendront pour un exemple d’échec à ne pas suivre en se désolant pour son sort.
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Toutefois, il devrait être pris pour un exemple à suivre. Il m’est arrivé de voir sur la toile mondiale des pétitions signées par de nombreux béninois de l’étranger, les uns plus bardés de diplôme que les autres. La plupart occupent des postes importants dans les sociétés ou organismes dans lesquels ils travaillent. Ils se sont construit des vies bien à l’abri malgré les vicissitudes de la vie, les épreuves, les discriminations et autres. Ils se sont élevés à la poigne de leurs mains ou plutôt à la sueur de leurs fronts tant leurs cervelles ont bouilli pour parvenir là où ils sont. Alors pourrait-on les imaginer quitter l’édifice de toute une vie pour la cause du Bénin ?
Ce pays, ils l’aiment de leur passion comme en témoignent leurs écrits, leurs engagements associatifs, les cahiers, livres et autres aides qu’ils apportent régulièrement aux communautés qui les ont vu naître. Ce pays, ils espèrent le meilleur pour lui. Ils ont de fortes convictions déçues à défaut d’être satisfaites. Alors, ils s’emmurent dans leurs espoirs d’un lendemain meilleur et soutiennent du mieux qu’ils peuvent les initiatives positives.
Certains tentent néanmoins l’aventure du retour. Ils sont très vite déçus par le système qu’ils auraient aimé voir fonctionner comme dans les différents pays d’adoption. Seulement, ils sont confrontés à une administration ancrée dans ses tares qui ne disparaîtront pas d’un seul coup. Aussi se découragent-ils pour retourner à leurs vies occidentales. Il y en a qui ramènent des projets et qui se voyant presque dépossédés de la paternité de leurs œuvres préfèrent s’en retourner les porte-documents sous les bras. Pourtant ils ont bien persévéré sous d’autres cieux.
De toutes ces aventures célèbres ou moins connues, il faudrait alors saluer le courage de Maître Lionel AGBO qui avait traduit ses convictions en actions au point de retomber des hauteurs où il était monté. Autant il est risqué de tout quitter pour un avenir incertain, autant de nobles sentiments sans entreprises concrètes demeurent vains. Autant un homme seul face à des organisations, est voué à l’échec comme Don Quichotte, autant la contribution de plusieurs abeilles laborieuses et bien pensantes produit une ruche prospère.
Pour l’instant, il y aura de nombreuses abeilles dispersées aux quatre vents avec de bonnes intentions et se désolant du sort de leur pays commun à défaut de franchir le pas décisif. La jarre trouée continuera de couler avec tant de doigts capables qui sont éloignés. Quant à Lionel AGBO, espérons qu’il reviendra bientôt dans son pays après la grâce à lui octroyée ou le retrait de plainte, pour continuer sa lutte.