En conclusion de son célèbre article « The coming anarchy » publié en 1994, l’analyste politique Robert KAPLAN annonçait curieusement que l’histoire ne se déroulait pas avec la poignée de main d’Ytzak RABIN et Yasser ARAFAT à la Maison Blanche mais, en Afrique de l’Ouest et particulièrement à Bamako, aux confins du désert.
Une vingtaine d’année plus tard cette région est l’épicentre d’une nouvelle fièvre terroriste. De même, au moment de l’intervention de l’OTAN en Libye pour, sous le prétexte de créer une zone d’exclusion aérienne, renverser le Colonel Kadhafi, nombreux étaient les analystes qui prédisaient la déstabilisation de la sous-région sahélo-saharienne. Malheureusement, en dépit des protestations effarouchées de l’Union Africaine poussée par l’Afrique du Sud, ce qui était décidé ailleurs arriva.
Aujourd’hui, non seulement le Mali mais aussi l’Algérie à In Amenas et la Niger subissent les contrecoups de cette intervention. En une période très brève, l’Ambassade des Etats-Unis en Libye a été attaqué avec le décès de l’Ambassadeur. L’Ambassade de France à subi également une attaque. Le Niger a été visé simultanément à Arlit et Agadès. Ensuite, après une première tentative d’évasion de la prison civile de Niamey, des terroristes longtemps détenus et poursuivis dans diverses affaires se sont évadés. Au Cameroun, le groupe Boko-Haram, allié idéologique d’AQMI a enlevé des citoyens français pour les amener au Nigéria avant de les relâcher à on ne sait quel prix. Ils ont probablement obtenu une rançon et la libération de quelques uns de leurs camarades.
Ainsi, en raison des frontières poreuses, de la faiblesse du tissu social et des institutions étatiques mis en évidence depuis longtemps, les terroristes sont à même de déstabiliser les Etats au point même de menacer leur existence comme au Mali avant le fameux 11 janvier 2013. Comme le dirait l’autre, l’opération de la France au profit de Bamako était une sorte de service après vente de l’intervention libyenne. Il est cependant étonnant qu’autant d’événements prévisibles n’aient pu être prévenus par les Africains après 50 ans d’indépendance. Il est étonnant qu’ils en soient toujours à organiser des conférences pour demander de l’aide alors qu’ils se réclament égaux des autres dans le concert des Nations.
Les causes de ces retards ont été longtemps ressassées. Ils vont de la mauvaise gouvernance, de la cupidité des dirigeants au manque de vision et de perspective des élites. Mieux, il est dû au fait qu’en raison de leurs divisions les leaders africains n’ont jamais su prendre le destin du continent en main. En conséquence, à la célébration des 50 ans de l’UA, ils en sont au même point et à faire les mêmes débats, les mêmes rêves que ceux de la génération de Nkrumah. Il faudrait juste pour certains de mettre l’intérêt général au dessus de leurs visées personnelles. Comme l’écrivait Thabo Mbeki dans le Sunday Times du 27 septembre 2012, « il est du devoir sacré de l’Union de mobiliser et de fédérer nos forces afin de réaliser ce rêve sans laisser des conflits mesquins nous diviser». A défaut, c’est le spectre de l’anarchie qui guette le continent Africain avant tous les autres.