La séance plénière du 30 mai au Palais des gouverneurs, consacrée à la question orale avec débat posée par 22 députés, dont l’auteur principal est le député Thomas Ahinnou, à propos de l’absence répétée des membres du gouvernement aux séances plénières et sans excuses, a laissé place à un procès du gouvernement.
Au lieu des cinq ministres devant se présenter à la barre au sein de l’hémicycle, c’est plutôt trois ministres qui ont répondu présent à la convocation du Parlement.
Les députés ont accueilli au sein de l’hémicycle, les ministres Blaise Ahanhanzo-Glèlè de l’Environnement, Safiath Bassabi chargée des Relations avec les Institutions et Nassirou Arifari-Bako des Affaires Etrangères. C’est à travers la question orale avec débat introduite par les honorables députés. Ce fût une opportunité pour les parlementaires, de déverser leur bile sur ces ministres venus représenter le gouvernement à l’Assemblée Nationale. En effet, conformément aux dispositions du règlement intérieur de l’institution parlementaire, les membres du gouvernement ont, à tour de rôle, donné des explications aux députés, tout en s’excusant des désagréments engendrés à la représentation nationale. A ce sujet, la ministre chargée des Relations avec les Institutions déclare : « je trouve les deux institutions comme dans un couple. Il y a parfois des malentendus et je crois que la plénière de ce jour est l’instance trouvée pour régler les questions de couple. L’exécutif ne peut jamais avoir l’intention délibérée de manquer de respect à la représentation nationale. (…) » Le gouvernement a estimé que les dispositions sont prises pour que les ministres en question viennent, seulement avec un léger retard.
Quant à son collègue de l’Environnement, il affirme que les ministres n’avaient pas l’intention de mettre à mal l’image du parlement et que le Gouvernement va dorénavant changer ce comportement. Le ministre des Affaires Etrangères a, quant à lui, ajouté : « Le gouvernement tient à vous présenter ses excuses. L’incident du 02 mai vient du retard, et nous l’avons assumé. Je vous présente les excuses du gouvernement. Car les deux institutions, de par leur pouvoir et leurs prérogatives, sont des partenaires. (…) Tout ceci permet de donner plus de visibilité à notre système démocratique ».
Les membres du gouvernement n’ont pas manqué de présenter leurs excuses par rapport au point de presse organisé le jour même de l’incident, puisqu’ils déclarent que ce n’était pas fait pour provoquer les parlementaires. Après avoir demandé leur pardon aux députés, les ministres présents ont suggéré que la collaboration entre l’exécutif et le législatif se poursuive comme cela a toujours été entre les deux institutions. Des différentes interventions des ministres, seul le ministre des Affaires Etrangères, Nassirou Arifari-Bako, a été assez convainquant devant la représentation nationale. Suite au pardon du gouvernement, les députés ont, à tour de rôle, pris la parole pour se prononcer sur le problème.
Les leçons des parlementaires au gouvernement
Les trois ministres représentants le gouvernement ont eu une douche froide à l’hémicycle de la part des honorables députés qui ne les ont pas ratés. Lire les déclarations des honorables députés à l’hémicycle.
Eric Houndeté : « Je veux simplifier ce débat. Je voudrais comprendre que les ministres n’aient pu arriver parce qu’ils devraient aller garnir une manifestation auprès de leur chef. Mais cela paraît bizarre… Nous sommes dans un régime caractérisé par la culture de l’homme. Ce n’est pas leur faute et il faut les comprendre. On ne doit pas leur en vouloir. Ce gouvernement est caractérisé par le mensonge. Nous vivons un drame. Je ne veux pas m’attarder. Si cette conférence de presse du gouvernement a pu se faire comme ca, c’est votre faute monsieur le Président Nago. Il fallait appliquer le RI qui parle d’outrage dans ces cas. Ce gouvernement ne mérite pas les sacrifices que vous leur faites. Ils ont besoin d’être fouettés »
Hélène Kèkè : La séance semble tourner autour de l’incident du 02 mai. Mais ce constat a commencé depuis plusieurs années. Premièrement, la Commission des lois a constaté que le ministre en charge des Relations avec les Institutions ne participe pas aux travaux en commission. Nous sommes vraiment responsables de ce qui nous arrive. Aujourd’hui, les ministres dédaignent les députés. Pour preuve, les gaffes du protocole d’Etat. Il faut respecter la représentation nationale car elle est en deuxième position. Il faut qu’ils (les ministres) répondent aux invitations du parlement. Respecter l’Assemblée Nationale constitue une charge républicaine. Il faut préciser que c’est une charge qui est sacrée. Pour terminer, je reviendrai sur l’incident du 02 mai pour poser quelques questions. Ont-ils informé le chef ? Quelle a été sa réaction ? S’ils ne le lui ont pas dit, qu’ils nous disent pourquoi ?
Azannai Candide : « Je voudrais faire observer, ce matin, que le gouvernement est venu à l’heure. Et c’est déjà bien. Il y a effectivement litige. Il s’agit du respect d’une disposition constitutionnelle. Ce 02 mai, je disais qu’on devait apprécier autrement l’attitude du gouvernement, en évoquant les dispositions du RI qui parlent d’outrage. L’objet du litige, c’est que le gouvernement ne s’est pas présenté au parlement. Déjà à l’ouverture de la session ordinaire, on a fait ce constat, et ensuite ce 02 mai, le même constat a été fait. L’article 76 de la constitution règle déjà la question. Les affaires de la République ne peuvent pas être des affaires de personnes. Nous devons respecter les textes. Lorsque ce litige est constaté, il faut le régler. L’article 77 de la constitution tranche le règlement du litige et stipule que le Chef de l’Etat doit être traduit devant la Haute Cour de Justice pour outrage. Si les ministres savaient combien il est grave de s’absenter au parlement, ils devraient revoir leur position. Je dénonce finalement notre option. J’ai parlé de la comédie de la colère. Le gouvernement n’a pas tort car c’est nous-mêmes. Un contre pouvoir n’est pas un pouvoir de copinage. Nous avons un rôle immense chers collègues. Tout chef a besoin des gens qui doivent lui dire la vérité, au prix même de sa vie. A l’avenir, ne posez plus jamais la question de savoir quoi faire quand le gouvernement n’est pas là. Il faut tout simplement agir et prendre ses responsabilités en enclenchant les procédures. Le problème que nous avons, c’est le leadership par l’exemple.»
Lire les explications apportées par les ministres aux députés
Bassabi Safiatou : Ministre chargée des Relations avec les Institutions
« Merci. Je plaide coupable et vous allez prendre vos sanctions. C’est une feinte de corps. Dans notre point de presse, nous avons eu le sentiment de désolation. Je trouve les deux institutions comme dans un couple. Il y a parfois des malentendus et je crois que la plénière de ce jour est l’instance trouvée pour régler les questions de couple. L’exécutif ne peut jamais avoir l’intention délibérée de manquer de respect à la représentation nationale. Si on pouvait arrêter le processus, on allait le faire. Par respect pour le peuple, je voudrais dire par rapport à la question 7, ce serait erroné de penser qu’on veuille ternir l’image du parlement. Ce n’est pas le cas. C’est avec le cœur serré que je prends la parole. Tout ce qui a été ressenti par nous tous, nous souhaiterions que le parlement accepte les excuses du gouvernement. Des engagements et des dispositions sont en train d’être pris pour éviter ces genres de situations.»
Ahanhanzo-Glèlè Blaise: Ministre de l’Environnement
«Merci monsieur le Président et les députés. Je n’ai pas grand chose à dire que notre porte parole a déjà présenté les excuses du gouvernement. Nous n’avons pas l’intention de mettre à mal l’image du parlement et vous allez voir dorénavant le comportement du gouvernement. »
Arifari Bako Nassirou: Ministre des Affaires Etrangères
« Je voudrais à la suite des autres intervenir en deux phrases. Je voudrais rassurer les uns et les autres, et particulièrement l’auguste assemblée, qu’à aucun moment on n’a tenté de taxer le Président de l’Assemblée Nationale de menteur. Dans ce communiqué, il a été mentionné que des diligences ont été prises et on n’a pas dit que toutes les diligences ont été prises. Mieux, on n’a pas dit que le Président de l’Assemblée Nationale est d’accord. Sur la forme, on aurait dû ajouter… Ce n’est pas une correspondance formelle car le gouvernement tenait à être présent. D’ailleurs, le gouvernement a rejoint la plénière. Mais, la plénière est souveraine. Notre retard ne peut être justifié. Le gouvernement tient à vous présenter ses excuses. L’incident du 02 mai vient du retard et nous l’avons assumé. Je vous présente les excuses du gouvernement. Car les deux institutions, de par leur pouvoir et leurs prérogatives, sont des partenaires. Pour trouver les solutions aux besoins du peuple… Mais tout ceci permet de donner plus de visibilité à notre système démocratique. Je voudrais vous rassurer de la volonté permanente d’œuvrer pour une bonne harmonie entre ces deux institutions »
Mathurin Nago : Président de l’Assemblée Nationale
« Je me suis rendu compte que le gouvernement et le Président du parlement sont concernés. Je voudrais faire une synthèse. Ce qui a été fait est clair. C’est une accumulation d’insuffisances, des absences répétées en commissions, parfois même les absences et les retards en plénière créent des frustrations et des absences à l’ouverture de la session ordinaire. C’est du jamais vu ! Il y a des ministres qui n’ont jamais mis pieds à l’Assemblée Nationale. Le gouvernement s’absente délibérément sans pouvoir se justifier. Certains collègues ont affirmé que c’est un mépris envers le Président de l’Assemblée Nationale. Ils ont raison parce que c’est une humiliation et un manque de respect à notre égard. Nous avons tout fait pour relancer le gouvernement. Ce matin, un ministre m’a appelé et je lui ai dit ce qu’il fallait faire. Le gros problème, c’est la conférence de presse. Elle était destinée à livrer le Président de l’Assemblée Nationale. Pour ma part, cette conférence de presse était inutile, c’est jeter de l’huile sur le feu. Et quand on dit qu’on fait des diligences pour faire recaler de quelques heures la séance plénière, ce n’est pas bon. Tout ce qui a été dit traduit un mépris. Or le parlement est le socle de la démocratie. Chaque ministre doit diviser son temps en trois parties : travailler au ministère, descendre sur le terrain, et enfin se consacrer au parlement. J’ai été profondément choqué après des humiliations que j’ai subies. Nous prenons acte, espérant que cela va s’améliorer. »