Affaire Désiré Vodonou : le Procureur Général accusé d’avoir fait économie de vérité

En quête d’éclaircissements sur le fondement juridique du maintien en prison des détenus dans les affaires «empoisonnement» et «coup d’Etat», malgré les arrêts de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou, qui ordonne leur libération immédiate, votre quotidien, La Nouvelle Tribune, a donné la parole au Procureur Général, Gilles Sodonon.

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Nous avons donc profité de l’interview qu’il nous a accordée (voir La Nouvelle Tribune du mercredi 10 Juillet) pour aborder le cas Désiré Vodonou. Il s’agit de cet homme d’affaires et politique béninois, en détention préventive depuis 2011, pour une affaire d’escroquerie présumée. Les éléments de réponse fournis par le Pg sur le cas Vodonou ne rencontre pas l’approbation de certaines personnes proches du dossier. Elles donnent, ci-dessous et sous anonymat, leur version des faits. 

« Le mercredi 10 Juillet 2013, le procureur général près la cour d’appel de Cotonou a accordé une interview au quotidien la Nouvelle Tribune. Une interview  dans laquelle Gilles Sodonon,   puisque  c’est de lui qu’il s’agit, a abordé plusieurs sujets dont le maintien de l’honorable Désiré Vodonou en prison malgré sa libération par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Cotonou. A la suite de la publication  de cette interview et malgré les informations obtenues de plusieurs sources, nous avons approfondi nos investigations. Il ressort des informations et documents auxquels nous avons pu avoir accès, que le Procureur général a fait économie de certaines vérités qui nécessitent lumière.

Primo, la cour suprême dans son arrêt  rendu le 15 Février 2013 dans le dossier Vodonou a cassé, annulé et renvoyé le dossier au juge d’instruction du 2ème cabinet du tribunal de première instance évoquant « Et attendu qu’en indiquant par rapport à la garantie de représentation de l’inculpé Désiré Vodonou, que celui-ci « est un citoyen Béninois qui vit au Bénin, qu’il a un domicile fixe et qu’il est directeur de société installée au Bénin »  et en précisant «  qu’il y a lieu de subordonner la mise en liberté provisoire de Désiré Vodonou au paiement d’une caution », les juges d’appel ont usé de motifs contradictoires équipollents de défaut de motifs constitutifs de violation des articles 448 alinéas 1 et 2 et 474 susvisés ;

Qu’en conséquence, l’arrêt déféré à la censure doit être cassé et annulé en toutes ses dispositions»

Secundo, les avocats de l’inculpé Désiré Vodonou après renvoi du dossier au juge d’instruction par la cour suprême, ont introduit de nouveau une demande de mise en liberté provisoire et le juge d’instruction en charge  a rendu le 18 Avril 2013 une ordonnance dont    l’extrait que voici : «Attendu que le maintien en détention préventive de l’inculpé n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité ; que l’instruction est achevée ; que l’inculpé est béninois et a un domicile fixe et connu ; que pour tenir compte de son état de santé et de la durée de sa détention, il convient de faire droit à sa demande en l’assortissant d’un cautionnement pour garantir sa représentation. Ordonnons la mise en liberté du susnommé, s’il n’est détenu pour autre cause à charge pour lui de satisfaire aux dispositions de l’article 121 et suivant du Code de Procédure Pénale et de se présenter à tous les actes de la procédure, aussitôt qu’il en sera requis. Disons que cette mise en liberté soit subordonnée à l’obligation préalable de déposer au bureau de l’Enregistrement, un cautionnement de trois cent millions (300.000.000) francs Cfa destiné à garantir :

– pour une somme de 5.000.000 Cfa sa représentation à tous les actes de la procédure et pour l’exécution du jugement,

– pour une somme de 295.000.000 Cfa le paiement des frais, des amendes, restitution et des dommages intérêts.».

Tertio, l’ordonnance du juge ne reflétant pas l’arrêt rendu par la cour suprême dans son esprit et dans son contenu, alors, les avocats conseils de l’inculpé Désiré Vodonou interjettent appel de nouveau contre l’ordonnance rendue par le juge d’instruction. Dans son réquisitoire du 24 Juin 2013, après les plaidoiries des conseils de l’inculpé Désiré Vodonou, le procureur général représentant le ministère public, c'est-à-dire l’Etat disait en substance ceci : «le Procureur Général requiert que l’appel soit déclaré recevable pour être conforme à la loi et au fond que l’ordonnance soit infirmée en ce qu’elle a assorti la mise en liberté provisoire de l’inculpé Vodonou Désiré d’un cautionnement de trois cent millions (300.000.000) pour sa représentation, après avoir déclaré qu’il jouissait de garanties suffisantes de représentation ; qu’il expose que la mise en liberté provisoire est une question de fait laissée à la souveraine appréciation des juridictions de fond qui doivent cependant motiver leurs décisions suivant les éléments de fait et de droit tirés de l’espèce ; qu’en l’espèce, comme il ressort de la jurisprudence de la Cour suprême du Bénin, la fixation d’une caution par le juge après avoir dit que Désiré Vodonou offre de garanties suffisantes de représentation ne se justifie pas ; qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance du juge et ordonner sans conditions la mise en liberté provisoire de l’inculpé s’il n’est retenu pour autre cause ».

On peut donc constater aisément que les juges de fond de la chambre d’accusation à l’audience du 1er  juillet 2013 n’ont fait que confirmer la réquisition du procureur général qui est resté dans l’esprit de l’arrêt rendu par la cour suprême motivé par d’autres jurisprudences de la même cour. Mieux l’article 147 alinéa 6 de la loi N° 2012-15 du 18 Mars 2013 portant code de procédure pénale du Bénin dispose : « Aucune prolongation des mandats de dépôt ne peut être ordonnée pour une durée de plus de six (06) mois renouvelables une seule fois en matière correctionnelle et six (06) mois renouvelables trois (03) fois en matière criminelle, hormis les cas de crimes de sang, d’agression sexuelle et de crimes économiques » ; que l’inculpé Désiré Vodonou a totalisé plus de deux (02) ans de détention préventive et a vu son mandat de dépôt renouvelé quatre fois déjà ; qu’il y a lieu au vu de tout ce qui précède d’infirmer l’ordonnance du juge quant à la caution dont elle est assortie ; en évoquant et statuant ordonner la mise en liberté provisoire sans conditions de l’inculpé Désiré Vodonou ». Dans l’interview que le  Procureur général a accordée au quotidien la nouvelle tribune « Ç’aurait été aussi le cas pour Désiré Vodonou, qui est d’ailleurs toujours détenu, malgré l’arrêt de la Cour d’Appel qui le relaxe ?

Dans le cas de Désiré Vodonou, ce n’est pas un jugement. Vous vous trompez encore. C’est pourquoi je dis que la vérité journalistique ce n’est pas la vérité judiciaire. Vodonou est toujours devant un juge d’instruction. C’est exactement le même cas. Vodonou, son affaire c’est quoi ? Il y a 4 milliards environ en jeu. Son co-inculpé est en fuite aujourd’hui. Le préjudice est à ce niveau-là. Le juge d’instruction n’a pas fini. C’est sur appel de l’ordonnance de mise en liberté aussi que le pourvoi est élevé. Il ne s’agit pas de jugement. Vodonou n’a pas été condamné.

Il est en détention préventive

Préventive ! C’est exactement le même cas.

Dans le cas de Vodonou, la Cour suprême a déjà rendu son arrêt?

La cour suprême s’est prononcée une fois sans renvoi. Elle s’est prononcée une fois, toujours sur appel de l’ordonnance de mise en liberté. Elle a retourné le dossier au juge d’instruction. C’est arrivé ici, qu’ il a été mis en liberté d’office. Et il y a eu pourvoi ».

 A l’analyse  en faisant  allusion au dossier Vodonou et à ceux des inculpés des affaires de tentative d’empoisonnement et de coup d’Etat, le procureur général  n’a pas nuancé. La différence entre les deux dossiers est pourtant nette. Pour le cas Vodonou Désiré, le PG lui-même a plaidé pour sa libération sans conditions. Dans le cas du dossier de tentative d’empoissonnement et de coup d’Etat, il s’y est opposé raison pour laquelle il  s’est pourvu  en cassation 30minutes après la délibération selon ses dires. Le pourvoi en cassation de Vodonou est arrivé 24h après c'est-à-dire  le lendemain. »

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