Décision Dcc 13-071 : comment la Cour Constitutionnelle a «sauvé» Yayi sur le contenu de son entretien du 1er août 2012

Un nouveau terme s’est glissé dans la dernière décision de la Cour Constitutionnelle. En voulant condamner le Chef de l’Etat, la Cour Constitutionnelle a voulu se montrer plus élégante, en utilisant le participe passé «méconnu» à la place de «violé». 

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 Mais, malheureusement, la Cour est tombée dans le laps qu’elle voulait éviter, en laissant dans l’opinion l’impression d’un Président qui ne connaît pas la Constitution.

Quelle politesse voudrait qu’on ne dise pas que le Président a violé la Constitution, alors qu’il l’a violée ? A dire vrai, la dernière décision de la Cour Constitutionnelle a bien quelque chose de surprenante. De loin, on pourrait dire que cette décision est en défaveur de Yayi, mais à voir de près, la Cour a en réalité disculpé Yayi en n’ayant pas l’audace de dire qu’il a violé la Constitution. Dans ses acrobaties lexicales, la Cour a trouvé un autre mot pour qualifier la faute commise par le Président Yayi.  Il a, dit-elle, méconnu la Constitution.

Faisant recours à la même source, on put lire que «méconnaître» a plusieurs sens. Il signifie successivement «ne pas bien connaître», «refuser d’admettre», «mal évaluer la portée de…».  Selon donc ces sens, on peut dire que, soit le Chef de l’Etat ne connaît pas bien la Constitution. Peut-il en être ainsi lorsqu’on sait que le Chef de l’Etat est le garant de la Loi fondamentale. En effet, selon l’article 53, il prête un serment dans lequel il jure «de respecter  et de défendre la Constitution que le peuple s’est librement donnée». Comment pouvait-il, lui le défenseur de cette Constitution, ne pas en prendre connaissance ? Mieux, il est de notoriété publique que nul n’est sensé ignorer la loi. A-t-il refusé d’admettre que la Constitution existe encore ?

Au regard de ces différents sens du mot «méconnaître», on comprend que la Cour tente de dire que le Président Yayi n’a pas une bonne connaissance de la Constitution. L’intention de la Cour, et c‘est ce qui grave, c’est qu’elle a habilement évité de dire que le Président Yayi a violé la Constitution. Ce faisant, elle expose Yayi comme un ignorant qui ne connaît pas la loi et qui a tenu des propos sans savoir qu’ils pouvaient porter atteinte à notre Constitution. Une telle décision est très grave, surtout qu’elle fait jurisprudence en ce qui concerne la violation de la Constitution par le Chef de l’Etat. Or, ceci n’est pas acceptable, au-delà de la Constitution.

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Peut-on dire publiquement que l’on va faire descendre des fils d’une partie du pays pour venir affronter ceux de l’autre partie ? Peut-on, en tant que Président dire ces choses à la télévision, surtout lorsqu’on est Chef d’un Etat. La Constitution est très claire sur le sujet. En son article 36, on peut lire : «Chaque Béninois a le devoir de respecter et de considérer son semblable, sans discrimination, de renfoncer et de promouvoir le respect, le dialogue et la tolérance réciproque, en vue de la paix et de la cohésion nationale». On comprend qu’il a violé la Constitution. Une telle décision peut faire jurisprudence en matière de recours contre un Chef de l’Etat devant la Cour Constitutionnelle. Sommes-nous en train d’instituer que le Chef de l’Etat ne viole jamais la Constitution ? 

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