Depuis le début de cette semaine, nous nous sommes proposés de publier une série d’opinions, aussi bien favorables que défavorables au projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990.
Ce projet de réforme constitutionnelle, réintroduite au parlement depuis le 06 juin dernier par le gouvernement de Boni Yayi, enregistre un certain nombre d’oppositions, du fait que certains acteurs politiques et de la société civile, relèvent dans le nouveau texte envoyé à l’Assemblée Nationale, des facteurs qui, selon eux, autorisent une nouvelle République.
Contrairement à ceux-ci, Mathieu Bertrand, Agrégé de Droit Public, Professeur à la Sorbonne et Président de l’Association Française de Droit Constitutionnel, croit savoir qu’on ne peut pas considérer qu’il y a changement de République, lorsqu’il y a un certain nombre de modifications tels que : la création d’une Cour des Comptes et l’introduction de la Commission Electorale Nationale Autonome (Cena).
C’est à travers une interview qu’il a accordé à Virgile Atohoun, un journaliste indépendant vivant lui aussi à Paris. (Lire l’intégralité de l’interview)
Dans quelles conditions la révision d’une Constitution peut entraîner la création d’une nouvelle République?
Mathieu Bertrand : Je crois qu’il faut distinguer assez clairement, la révision de la constitution, du changement de constitution, cela veut dire quoi ? Réviser une constitution, c’est modifier certaines des dispositions qui sont contenues dans la constitution, pour les remplacer par d’autres. Changer de régime constitutionnel, c’est abroger une constitution, c'est-à-dire la faire disparaître entièrement pour l’avenir, et recréer un nouveau système constitutionnel, et l’adoption d’une nouvelle constitution, soit par le peuple, soit par une assemblée qui est élue spécialement pour rédiger une nouvelle constitution. Je crois qu’il faut souligner, de manière générale, que le changement complet d’une constitution se fait généralement à la suite de crises politiques graves, de coups d’Etat, de guerres.
Il est assez rare que l’on change totalement la Constitution de manière calme et dans les circonstances apaisées.
Est-ce que le fait par exemple de créer une Cour des Comptes ou d’introduire l’existence de la Commission Electorale Nationale Autonome dans la Constitution, peut constituer un Changement de constitution et donc la création d’une Nouvelle République?
Je ne crois pas qu’on puisse considérer qu’il y a changement de République, lorsqu’il y a modification d’institutions aussi importantes que celles que vous citez là. Je vous donne un exemple, en France, en 2007, nous avons révisé la Constitution qui a modifié plus de la moitié des articles de l’actuelle Constitution. Et cette modification, d’une part très importante, des articles de la Constitution, n’a entraîné en aucun cas un changement de Constitution. Pour considérer qu’il y a un changement de système constitutionnel, il faut une abrogation totale de l’ancienne Constitution, et un remplacement par une nouvelle Constitution.
Est-ce que, néanmoins, le fait de modifier le Préambule de la Constitution peut entraîner un changement de Constitution et donc la création d’une nouvelle République?
On pourrait en effet considérer que s’il y avait une modification totale des valeurs dans lesquelles s’inscrit la Constitution, et ces valeurs sont en général inscrites dans le préambule, il pourrait y avoir changement de Constitution. Mais, dans cette hypothèse, l’une des questions qui peut se poser c’est de savoir s’il y a contrôle par le juge constitutionnel de la révision constitutionnelle. Et s’il y a un contrôle de la révision constitutionnelle par le juge constitutionnel, une révision totale ne peut être le fait que de la création d’un nouveau système constitutionnel.
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