L’Unamab, le Dgpn, Yayi, Obama et l’Etat de droit

Ce jour mardi 02 juillet, à moins d’un revirement de dernière heure, l’Unamab, le syndicat des magistrats, renoue avec la grève pour 72 autres heures.

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C’est ce qui nous a amenés à titrer dans notre édition d’hier que les magistrats ne travailleront plus que deux jours sur cinq de la semaine, c’est-à-dire le lundi et le vendredi. Une mauvaise nouvelle pour des dizaines de détenus et leurs familles, pour les justiciables ordinaires, parmi lesquels des hommes d’affaires  privés, des audiences de mardi, mercredi et jeudi. Ils doivent attendre plusieurs jours, sinon plusieurs semaines, pour une nouvelle reprogrammation de leurs audiences ; ce qui signifie de longs jours de privation de liberté pour les uns, ou  d’attente pour le  dénouement de leurs affaires en souffrance depuis des mois, voire  des années, pour les autres.

Mauvaise nouvelle pour un pays qui se veut un Etat de droit, où les hommes d’affaires ont justement besoin d’un climat apaisé pour mener leurs affaires. Ce nouveau bras de fer, les hommes en robe noire l’ont engagé, presque à leur corps défendant. Cette corporation n’est généralement pas  celle des va-t-en guerre que sont les syndicats du monde du travail en général. Malgré le jeune âge  de leurs dirigeants, jeune âge dont leur illustre «collègue» Président de la Cour Suprême, qui n’est pas, du fait du prince, un magistrat, semble se gausser ; malgré ce jeune âge, ils ont pris la bonne habitude de peser et soupeser chacun des termes des communiqués qu’ils diffusent. Ils ne donnent presque jamais de conférence de presse où, par des questions de journalistes trop taquins et un rien fouineurs, ils peuvent être amenés à tenir des propos hors contexte. Cette génération de jeunes magistrats frais émoulus de nos écoles, fait la fierté de leur profession et il n’y a  qu’à écouter leur jeune Secrétaire général pour se rendre compte de la force de leur conviction et de la clarté de leur propos. Une tradition maintenue depuis l’époque du magistrat Jean-Baptiste Monsi, magistrat d’une intégrité à nulle autre pareille, trop tôt allé à la retraite et d’Onésime Madodé, aujourd’hui juge à la Cour Suprême.

Que veulent les magistrats ?

Leurs revendications, les mêmes depuis le début des débrayages, énumérées dans leur dernière motion de grève, se résument en un seul mot : l’Etat de droit décliné en deux points : une meilleure sécurité pour les juges, et le respect scrupuleux des textes en vigueur dans leur profession. La sécurité pour les juges c’est faire arrêter les tracasseries à l’encontre du juge Angelo Houssou qui continue de faire l’objet de filature par les agents de police. En exigeant en plus de cette doléance élémentaire, le respect des textes,  c’est  ni plus ni moins l’arrêt des nominations fantaisistes et à caractère clientéliste, qui fragilisent la maison Justice. Car depuis l’avènement du régime dit de la refondation, le pouvoir judiciaire, l’un des piliers de la démocratie, est balloté dans tous les sens par l’hyper-président qui veut contrôler  tout et tous.

Ainsi le Dgpn qui n’est qu’un agent de police, sur un simple claquement de doigt de l’hyper- président, dit-on, peut faire arrêter un juge. Le faire détenir dans les locaux de la Dgpn  nuitamment, toujours sans mandat, le faire séquestrer à son domicile, toujours sans mandat, sous la surveillance d’agents en civil qui refusent de décliner leur identité. Sa vie privée est réduite au strict minimum, le juge ayant eu la pudeur de ne pas dire ce qui se passe dans le secret d’alcôve de sa chambre à coucher. Dans un  passé encore récent, le même Dgpn qui n’était alors qu’un simple Commissaire central, a fait interpeler un syndicaliste remuant et un ténor du barreau doublé d’un  homme politique, sous des prétextes fallacieux d’atteinte au code de la route et… d’offense au Chef de l’Etat. Or l’agent de police, de par son statut, est soumis à la double tutelle du pouvoir exécutif, pour ce qui est des questions de sécurité publique, et du juge pour les affaires judicaires.

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Dans un Etat de droit, ce n’est pas le juge qui se soumet au policier, mais le contraire. Même dans les  cas où le juge est pris en faute, c’est  encore sous l’autorité d’un autre juge que le juge fautif est soumis aux rigueurs de la loi.

Etat de non-droit

Malheureusement, ces faits de «délinquance policière» se déroulent au moment même où le régime dit de la refondation, tente de démontrer fébrilement que le Bénin est un Etat de droit. Au moment où le régime renvoie à la hussarde, et visiblement sous la contrainte du juge de Paris, un projet de Constitution scélérat, prétendument abolitionniste de la peine de mort, qui permettra, par un tour de passe-passe digne des Etat voyous de non-droit, de conserver indéfiniment le pouvoir.

Dans quel Etat de droit on fait arrêter de nuit un juge qui vient de rendre une décision de justice défavorable au pouvoir et l’on expose le contenu de ses valises à la face du monde, cela, sous prétexte qu’il a été soudoyé par la partie adverse, sans aucun début d’enquête et de preuve. Dans quel Etat de droit soumet-on les juges à des pressions de toutes sortes, y compris par des nominations à caractère tribal, pour obtenir l’adhésion des frères ethniques?

Heureusement pour les démocrates de ce pays  que tous ces faits se déroulent au moment où le Président Obama séjourne sur notre continent sous le double signe de l’Etat de droit et de la prise en main par les Africains eux-mêmes de leur destin. Devant le parterre de responsables de cours suprêmes, dont le nôtre, à Dakar l’autre jour, Obama a martelé comme un maître d’école à l’adresse de ses élèves «I believe that the rule of law is a foundation for governance and also a foundation for human rights and economic growth…» Traduction approximative d’un forumiste averti de www.lanouvelletribune.info:

« Je crois que l’Etat de droit est le fondement d’une (bonne) gouvernance et aussi le fondement des droits de l’homme et de la croissance économique»

Et plus loin, «Rule of law is what upholds universal human rights…» Traduction : «L’Etat de droit est ce qui soutient les droits universels de l’homme». Le représentant du Bénin à cette leçon inaugurale de Dakar a-t-il eu le courage de dire à leur «jeune professeur d’Etat de droit» que notre Cour Constitutionnelle a proclamé la victoire par K.O. d’un candidat aux présidentielles, avec une lépi introuvable, que la loi a pourtant exigé de publier sur le net ? Lui a-t-il dit qu’il n’y a guère longtemps que l’hyper-président du  Bénin, qui n’est pas un juge, a fait amener manu militari à la Présidence un Dg de société qu’il a lui-même nommé, le fasse juger séance tenante dans une scène tragicomique digne des procès d’inquisition, par une commission d’enquête, le fait arrêter par la police, dans les mêmes conditions, pour une garde à vue de plusieurs jours, sans l’intervention d’un juge. Dans un pays où, un syndicaliste, parmi les plus turbulents de la faune, a été interpelé à son domicile manu militari, presqu’au lever du jour, sur simple dénonciation du Conseil des ministres, avant d’être heureusement relâché par un juge, faute de preuve mais aussi grâce à la mobilisation générale de tous les syndicats ?

Il ressort de ce qui précède, que les revendications des magistrats sont au cœur de l’Etat de droit où le policier n’est pas un Zorro chasseur de primes, qui pourchasse,  juge et exécute les prétendus malfrats, comme au far-west. Le président d’un Etat de droit est tout le contraire d’un hyper-président qui ne cherche guère à instrumentaliser, par le biais des nominations clientélistes, les medias et toutes les institutions de contre-pouvoir, qui sont le socle d’une vraie démocratie.

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