La néo-colonisation en marche

Défendre, bec et ongles, son autonomie de pensée et d'initiative. Voilà un beau principe. Il mériterait d'être inscrit au fronton de tous les pays africains. Nombre d'entre eux ont payé au prix fort leur indépendance. On comprend ainsi pourquoi on doit tenir à la liberté comme à la prunelle de ses yeux.

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Il y a des valeurs qui n'ont pas de prix. On ne peut les échanger contre une poignée d'euros ou de dollars. Est-ce à dire, pour autant, que l'Afrique doit se claquemurer derrière ses frontières et refuser toutes formes de coopération ?  L'interdépendance est la loi qui régit les relations entre tous les Etats de la terre. Les plus grands ne peuvent s'auto-suffire. Ils ont besoin des plus petits. Les plus pauvres ont tout à construire. Ils ont besoin des plus nantis. Cela se fait sur fond des rapports des forces. Cela s'établit sur l'idée selon laquelle les Etats n'ont pas d'amis, mais des intérêts.

Ces règles et ces principes fixés, qu'est-ce que l'Occident a-t-il de plus actuel à vendre à l'Afrique, un continent dont la sébile reste toujours gourmande de charité internationale ? Pas grand-chose de nouveau. Prêts à divers titres, allègement du fardeau de la dette, assistance technique, divers dons…La coopération de l'Afrique avec l'Occident, en son contenu et en sa forme, ne changera pas. Sont appelées à changer les conditions d'octroi de l'aide. Certains indices le montrent à suffisance.

L'une des conditions majeures à l'éligibilité à l'aide de l'Occident, au tournant des années 90, a été l'instauration de la démocratie libérale. Et l'Afrique a joué le jeu, grâce à une capacité d'adaptation à nulle autre pareille. De Monrovia à Kinshasa, de Mombassa à Kaduna, tout le monde, par un retournement spectaculaire de veste, était démocrate. Requiem pour le parti unique. Il laissa vite la place à un multipartisme foisonnant, aussi dense que la forêt équatoriale.

L'Occident n'était pas dupe. Tant que la mascarade aidait à sauver les apparences, il vaut mieux fermer les yeux. Plutôt   s'accommoder d'une parodie de démocratie que de se trouver face à un vide démocratique. L'un des Occidentaux dont la voix comptait alors, a déjà clos tout débat sur la question :"La démocratie, avait-il dit, est un luxe pour l'Afrique".

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Cette démocratie, made in Africa, a fait entrer l'Afrique et l'Occident dans un jeu de cache-cache. Tout le monde savait qu'on se mentait. Mais personne ne s'avisait de dénoncer le deal autour duquel chacun s'activait à broder du faux. Pourquoi devrait-on déprogrammer une pièce comique qui marche ?

Effet d'une crise de conscience ou volonté de changer de jeu sans changer le jeu ? L'Occident insiste désormais sur l'organisation des élections à date échue, même quand tout semble loin de garantir à celles-ci les conditions minimales d'un succès. Oui, les élections comme la condition sine qua non, pour parler comme les Latins.

C'est ce qui s'était passé en République démocratique du Congo (RDC). On pressa les Congolais à organiser des élections et à y trouver le sésame qui allait leur ouvrir les chemins du bonheur. Le pays n'a jamais encore quitté les feux de l'enfer. C'est ce qui se passera au Mali, sûr que nous sommes que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Un deuxième élément qui va peser lourd dans les conditionnalités de l'aide de l'Occident : la reconnaissance du phénomène gay, la tolérance exigée pour les homosexuels.  Les législations occidentales leur ouvrent la voie de vivre légalement leur différence. Ce qui pousse plus d'un gouvernement occidental à estimer juste de conduire une croisade internationale pro gay. Ceci au mépris des valeurs, des us et coutumes des autres. Comme si ce qui est estimé bon là-bas doit l'être également ici. L'Occident va jusqu'à oublier que si la question semble être tranchée sur le terrain du droit, elle ne continue pas moins, sur ses propres terres, d'entretenir une forte résistance et d'alimenter une tout aussi fort courant de contestation. Nos nouveaux maîtres nous disent : oubliez qui vous êtes, reniez vos croyances, marchez sur vos convictions. C'est seulement à ce prix que vous aurez votre biberon.23 Voilà comment, sous le couvert de l'aide, on cherche à nous infantiliser. Sont ainsi déjà bien en place les prémices de la néo-colonisation. C'est notre hymne national qui nous y invite : "Enfants du Bénin, debout !".

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