Révision de la Constitution : le pouvoir donne un avant-gout de sa stratégie

Dans son entêtement à réviser, contre vents et marrées, la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, plus les jours passent, plus le gouvernement dévoile sa stratégie pour passer en force. Le «peuple» est progressivement mis en avant. Et les constitutionnalistes entrent en scène.

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Avec l’opposition farouche de l’opposition et d’une partie de la Société Civile  à son projet de révision de la Constitution, comment Boni Yayi va-t-il s’y prendre pour faire aboutir le projet ? La réponse à cette question, on l’a avec les événements marquants de l’actualité béninoise depuis bientôt deux semaines. Et plus encore avec les événements de la semaine écoulée. La stratégie est très simple : marches et déclarations de soutien à la révision. Tout cela appuyé par des analyses de constitutionnalistes, béninois comme étrangers, pour certifier le projet. Sur ce projet de révision constitutionnelle, en lieu et place donc d’une communication pédagogique, c’est plutôt  à une communication offensive et défensive que l’on assiste de la part de Boni Yayi et de ses «révisionnistes». Parlant d’action de communication offensive et défensive, le ton a été véritablement donné, le week-end du 01 juillet, avec les premières déclarations et marches de soutien à la révision. Ce week-end a été tout aussi  riche en ce genre d’activités.

La Coordination nationale de l’alliance des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), la famille politique du Président de la République, a donné le ton, déjà le jeudi 04 juillet. A l’infosec, à Cotonou, lors d’une conférence de presse, ils ont exprimé leur «soutien sans réserve à la révision de la Constitution.» Face aux journalistes, Eugène Azatassou, le Coordonateur national Fcbe, déclarait : «La Constitution devra être révisé maintenant. Nous recommandons à l’alliance Fcbe d’aller partout pour en parler.» Comme s’il envoyait ses disciples en mission. A Mallanville, dans le département de l’Alibori, Allada et So-Ava, dans l’Atlantique, et Djougou dans l’Atacora, c’était la saga des  «de quoi ont-ils peur», parlant des antirévisionnistes et des «soutiens sans réserve» à la révision de la Constitution. Tout ça pour dire que c’est le peuple qui veut la révision. Alors que les vraies aspirations de ce peuple-là qui se laisse instrumentaliser, se trouvent bien ailleurs. 

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…Ils sont déjà là !

L’entrée en jeu des  constitutionnalistes pour défendre le bien-fondé de la révision a aussi commencé. En fin de semaine, l’interview d’un constitutionnaliste français a été abondamment diffusée dans la presse, pour convaincre l’opinion que la révision n’aboutira pas à une nouvelle République. Mais, au moins sur la question de la modification du Préambule, le professeur Mathieu Bertrand a fait une affirmation qui conforte les antirévisionnistes dans leur position. A la question de savoir si la modification du Préambule entraine le changement de Constitution, donc de République, voici ce qu’il a répondu : «On pourrait en effet considérer que s’il y avait une modification totale des valeurs dans lesquelles s’inscrit la Constitution, et ces valeurs sont en général inscrites dans le Préambule, il pourrait y avoir changement de Constitution. Mais, dans cette hypothèse, l’une des questions qui peut se poser, c’est de savoir s’il y a contrôle par le juge constitutionnel de la révision constitutionnelle. Et s’il y a un contrôle de la révision constitutionnelle par le juge constitutionnel, une révision totale ne peut être le fait que de la création d’un nouveau système constitutionnel.» Voilà qui vient donner raison aux juristes béninois qui martèlent que la modification du Préambule, comme c’est le cas dans le projet transmis à l’Assemblée par Yayi, entraine une nouvelle République. 

Néanmoins, des questions demeurent. Ce constitutionnaliste a-t-il une bonne connaissance du cas béninois ? Et si le pouvoir n’a pas une autre intention cachée derrière la tête, a-t-il besoin de recourir à un constitutionnaliste étranger pour convaincre l’opinion béninoise sur la question de la révision ? Avec cette stratégie de mobilisation a pour la révision, on a l’impression que Boni Yayi veut passer en force, en faisant fi des inquiétudes des antirévisionnistes. Et voilà qui viole le «Consensus national», à valeur constitutionnelle,  sur la révision de la Constitution. Le Père André Quenum, Directeur de publication de l’hebdomadaire béninois La Croix du Bénin, a sans doute raison quand il affirmait dans l’un de ses éditoriaux en 2012, que les Béninois vont se coucher un soir avec une constitution et se réveiller le lendemain matin avec une autre. Un homme averti en vaut deux !

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