Sagesse ancestrale : la bonté divine serait-elle sélective ?

L’Afrique n’est-elle pas le berceau de l’humanité ? Si tel est le cas, interrogeons-nous avec un peu de bon sens.

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Est-il admissible que Dieu ait caché sa parole de vérité à ses premières créatures, nos ancêtres, pour ne la révéler qu’aux émigrés Hébreux et Arabes, Grecs et Romains, Chinois et Indiens ?

Les trois semaines précédentes, notre exploration du système IFA a été explicitement circonscrite à son domaine profane, littéraire et éthique. Nous avons aussi indiqué que dans ce champ spécifique, la messagerie octale qui fonde le système est reliée à des ensembles cohérents de textes allégoriques (aphorisme, fable et chanson). Cette littérature guide l’Homme vers la voie du salut, face aux situations clés de l’existence.

Comment cette littérature édifie-t-elle l’homme ? La semaine passée, nous avons partagé une fable qui recommande de mener une vie de bienfaisance pour survivre aux turbulences. Dans cette fable, la bienfaisance illustrait la solidarité et la compassion envers sa communauté vivante et ancestrale ; quant aux turbulences, elles symbolisaient les mutations de l’existence. Voici deux exemples choisis pour leurs enseignements au bénéfice des jeunes en particulier.

Le prestige social des parents Peut inhiber la jugeote des enfants selon l’entité WOLI-FU  (03-16)

Fils de chef !

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Si tu ne peux écoper la barque qui te transporte,

L’eau que tu dédaignes, surement t’engloutira.

Il y a trop de gens prétentieux dans mon pays, dit le devin, et tout le monde s’enfle d’orgueil. Perplexe, le sage le pria de lui fournir quelques éclaircissements.

Le devin répondit alors : « les Toffin ne sont-ils pas les rois des fleuves et des rivières ? Avec dextérité, ils rament et manœuvrent à tout moment. Un passeur Toffin qui transportait habituellement des passagers entre deux cités qu’une rivière sépare, vint pourtant me consulter pour savoir comment conduire sain et sauf, sa barque d’une rive à l’autre. L’entité Woli-Fu apparut alors pour lui signaler qu’un jour viendrait où des passagers refuseraient de l’aider à écoper sa barque. Jugeant inconcevable un tel comportement en situation périlleuse, le passeur resta incrédule. Et pourtant, c’est ce qui se produisit ».

Un jour, deux passagers inconnus du passeur s’étaient présentés à lui. Au cours de la traversée, une fissure se produisit et la barque se mit à prendre l’eau. Le passeur tendit alors une calebasse à l’un des passagers ; fils du Chef de la cité d’embarquement, il jugea indigne d’exécuter une tâche avilissante à ses yeux. Sollicité à son tour, le deuxième passager fit de même ; fils du Chef de la cité de débarquement, il refusa de s’abaisser à prendre la calebasse pour évacuer l’eau. Le passeur ne pouvant à la fois ramer et écoper la barque, l’embarcation coula rapidement. Ne sachant pas nager, les deux prestigieux passagers disparurent sous l’eau.

Ayant regagné la rive à la nage, le passeur consterné, raconta sa mésaventure aux riverains. Puis il retourna dans son village où il conta de nouveau, la scène absurde que les deux passagers vaniteux lui avaient fait vivre. L’entité Woli-Fu l’avait pourtant averti.

Fatale vanité !

Enfant gâté ! Si ta naissance te gonfle de vanité

Et que tu dédaignes de corriger tes défauts

Tes caprices te submergeront avec rapidité

Et l’obstination te conduira droit au tombeau.

Périlleuse suffisance !

Chef ! Si le pouvoir te gonfle de vanité

Et que tu ignores les vertus de l’humilité

Ta prétention t’égarera diligemment

Ton déclin ne tenant qu’à ton entêtement.

A l’observation, quelles que soient les circonstances la mort d’un jeune est souvent due à l’insouciance selon l’entité LETE-DI2  (13-04)

Il y avait une danse que le mouton a dansée ; il y a laissé sa tête. A son tour, le porc s’est laissé emballer ; il y a laissé sa tête. Jeunes gens, vous laisseriez-vous tenter par cette danse-là ?

Le sage raconte que dans son pays, il y avait un tam-tam mystérieux. A quoi tenait sa singularité ? Il était tendu de toile, contrairement aux tam-tams habituels tendus de cuir. De plus, il résonnait tout seul, sans main, sans baguette ni tambourineur, pendant sept jours et de façon continue. Après dix jours d’interruption, il se mit à résonner de nouveau.

Entrainé par le rythme endiablé qui lui parvenait, irrésistible, le bouc cherchait à voir ce tam-tam ; guidé vers la source par ses oreilles, il grimpa sur une murette. A force de tendre le cou, sa tête se détacha et tomba dans l’enceinte ; le corps s’effondra à l’extérieur, avec fracas. GUIDI- GUIDI-GUIDIGBO !

Quelques temps après, ce fut le tour du porc. Emballé par le rythme, curieux, le groin en avant, les oreilles dressées comme s’il flairait quelque chose, émettant son grognement habituel, « hun, hun, hun », il a fini par localiser le tam-tam. Il grimpa sur la murette et, à force de scruter, sa tête se détacha du corps et tomba dans l’enceinte et son corps s’écroula… GUIDI- GUIDI-GUIDIGBO !

Des jeunes gens du pays, filles et garçons, certains cheminant la main dans la main, crurent eux aussi que c’était un tam-tam de réjouissance et se mirent en route vers ce qu’ils prenaient pour une fête. Ils croisèrent le vieux sage sur leur chemin. Celui-ci s’évertua à les dissuader, mais en vain. Ils s’obstinèrent à s’y rendre et tous y perdirent la tête. Le sage ne les avait-il pas avertis ?

Destin ou plaisirs ?

Jeune homme, pour ta croissance et ta maturation

Dois-tu te laisser aller à l’insouciance et à l’excitation

Ou plutôt recourir à la conscience et à l’attention ?

Tes seuls plaisirs peuvent te mener dans le pétrin

Si tu ne sais pas réfréner à temps tes instincts

Et que tu t’entêtes à contrarier le destin.

Salut ou désirs ?

Ami, pour ton salut et ton accomplissement

Faut-il recourir à l’observation et au discernement

Ou te laisser guider par la vanité et l’emportement ?

Tes seuls désirs peuvent te mener dans le pétrin

Si tu ne sais pas réfréner à temps tes instincts

Et que tu t’entêtes à contrarier le destin.

Ces fables ne suscitent-elles pas la réflexion et la méditation ? Au-delà de la jeunesse, le second poème afférent à chacune d’elles en montre la portée générale à travers une extrapolation, prouvant ainsi qu’elles peuvent faire l’objet d’interprétations diverses, selon le contexte auquel elles s’appliquent. C’est ce qui fait leur caractère polysémique. Pour un décryptage pertinent, l’interprétation adaptative de ces fables exige un effort de discernement.

A ce propos, chez les Yoruba, dépositaires de la science d’IFA, que dit le proverbe de la parole ? « Le proverbe est le cheval de la parole et la parole est le cheval du proverbe. Quand la parole se perd, c’est à l’aide du proverbe qu’on la cherche et quand le proverbe se perd, c’est avec la parole qu’on le cherche ». Explication : la sagesse éclaire le discernement et inversement ; quand la confusion obscurcit le discernement, c’est à l’aide de la sagesse (proverbe ou allégorie) qu’on l’éclaire et quand le proverbe est difficile à comprendre, c’est par le discernement qu’on le décrypte.

Hautement éducatives, les fables d’IFA s’adressent à tout le monde, partout et tout le temps. C’est dire le caractère universel de la sagesse existentielle qui émane de cette littérature spirituelle ancestrale. Ne constitue-t-elle pas une source édifiante pour la vie de nos familles, nos divers ordres d’enseignement et la gestion de la cité ? Prochainement, nous examinerons un échantillon de fables relatives à l’éthique de la gouvernance. IFA traitant d’un thème sociétal si contemporain, qui l’eut cru ?

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