Zéro rancœur dans les cœurs

« Zéro dossier dans les tiroirs ». Ce slogan participe de la volonté du Ministère de la Réforme administrative et institutionnelle (MRAI) de moraliser la vie publique. Il faut ancrer la bonne gouvernance au cœur de l'Administration.

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Le mois dernier a bruit de ce slogan, relayé en chœur par tous les ministères de notre pays. Viendra l'heure du bilan. Suivra le temps du suivi-évaluation. Mais en attendant, que faisons-nous ? Puisqu'il faut battre le fer quand il est chaud, engageons-nous à inviter nos compatriotes à s'investir, sans délai, dans une nouvelle opération : "Zéro rancœur dans les cœurs". Car, à quoi sert-il de vider nos tiroirs, de faire avancer les dossiers qui y croupissent depuis longtemps, alors que nos cœurs de Béninois restent gorgés de vilains sentiments ? Que le bon agent permanent de l'Etat se double d'un citoyen vertueux.

Vilain tableau que celui qui montre des tiroirs effectivement vides, alors que les cœurs des acteurs restent invariablement noirs. Des coeurs pleins de haine, de rancune, d'envie, de jalousie. Qui vide les tiroirs sans vider son cœur, risque fort, un jour ou l'autre, de remplir à nouveau les tiroirs qu'il avait vidés. Comme s'il prenait d'une main ce qu'il s'interdisait de prendre de l'autre main.

L'assainissement administratif que vise l'opération "Zéro dossier dans les tiroirs" doit s'accompagner ou doit se compléter par un assainissement mental et moral. La main qui range les dossiers dans les tiroirs doit se laisser guider ou se laisser inspirer par un cœur pur qui bat dans la poitrine de chacun de nous. On peut parfaitement se faire champion du "Zéro dossier dans les tiroirs", sans pour autant combler l'attente de l'usager/client. Les dossiers vidés des tiroirs peuvent bien se perdre en chemin, disparaitre, s'égarer dans les dédales obscurs d'une administration paperassière. Les tiroirs ne seraient vraiment vides de dossiers que si les cœurs étaient remplis du sentiment du service rendu, du travail bien fait.

En 1938, il y a très exactement 75 ans, Paul Hazoumè publiait "Doguicimi", roman historique qui fit alors grand bruit.  L'auteur y avait alors écrit ceci " Le Dahoméen n'aime pas égaler. Il préfère égaliser". (Fin de citation). Egaler suppose un effort pour se hisser à hauteur d'un plus fort que soit. N'est-il pas dit que l'élève doit dépasser le maître ? Egaliser, c'est refuser le progrès, c'est ramener à son niveau médiocre plus futé, plus intelligent et plus entreprenant que soit. C'est le nivellement par le bas.

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En 1948, Emmanuel Mounier, alors directeur de la revue française "Esprit" a écrit : "Le Dahomey est le quartier latin de l'Afrique". D'être ainsi désignés comme les phénix des hôtes de ces bois, les Dahoméens d'hier, les Béninois d'aujourd'hui, n'ont retenus que ce bout de phrase. Ils ont oublié le reste et tronqué la pensée du philosophe français.  Au nom de la vérité et pour l'histoire, voici en intégralité, ce qu'a écrit Emmanuel Mounier : "Le Dahomey est le quartier latin de l'Afrique de l'Ouest. Mais cet intellectualisme, fait de méchanceté et de mesquinerie, est de nature à nuire au développement du pays".

Les journaux béninois font état, ces jours derniers, d'une surprenante découverte à l'université d'Abomey-Calavi. Le quotidien "La presse du jour", en son édition du mercredi 10 juillet 2013, nous apprend ce qui suit : "Des amulettes et des statuettes en bois mal travaillé trempées dans du sang et bariolées de fils à coudre blancs, noirs et rouges, des feuilles encore fraîches, des traces d'huile rouge et une senteur d'alcool local embaumant légèrement l'atmosphère, c'est l'arsenal que deux filles à peines majeures s'évertuaient à enterrer sur le domaine de la Faculté des sciences et techniques (FAST) de l'Université d'Abomey-Calavi…." (Fin de citation)

Nous avons voulu observer ces trois escales sur notre chemin de destinée et de développement pour attester d'une disposition d'esprit bien béninoise. Elle n'est pas bonne. Elle n'est pas à encourager. Elle nous désert énormément. Elle nous situe aux échelons inférieurs sur une échelle des valeurs qui nous appelle à un salutaire sursaut. Nous devons changer de vie pour espérer changer la vie. Oui pour "Zéro dossiers dans les tiroirs". Mais vivement et sans délai, illustrons-nous par "Zéro rancœur dans les cœurs".

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