Une génération de Béninois à l’épreuve de sa gestion du Bénin. Voilà comment nous résumons la crise qui secoue notre pays depuis peu. La résolution ou non de cette crise restera comme la capacité ou l’incapacité d’une génération d’hommes et de femmes de notre pays d’assumer ses responsabilités historiques. Ces hommes et ces femmes sont des acteurs actifs ou potentiels, directs ou indirects. Ils sont comptables, à divers titres et à différents niveaux, de la situation de notre pays.
Voici notre problématique, dans le cadre de la présente chronique. Comment déterminer, parmi ces hommes et ces femmes d’aujourd’hui, que l’histoire jugera demain, la place des « cadres » béninois, la part de responsabilité de ceux-ci dans la gestion du Bénin d’aujourd’hui ?
Avant toutes choses, simplifions pour éviter le piège des définitions. Sont « cadres », selon nous, tous ceux et toutes celles qui peuvent se prévaloir de leur niveau d’étude, de leurs capacités managériales, de leurs expériences techniques et de leur aura sociale pour imprimer une direction aux choses, pour assurer la direction des êtres placés sous leur responsabilité. Si nous nous entendons sur cette définition, nous pouvons distinguer, par rapport à la gestion du Bénin d’aujourd’hui, au moins quatre types de « cadres ». Les uns et les autres se caractérisent et se distinguent par quatre types de postures.
1 – L’activisme politicien. C’est ce par quoi s’illustrent les cadres qui entendent, d’abord et avant tout, tirer le meilleur de la politique. Avec celle-ci, nous avons affaire à notre plus grande machine à produire des avantages et des privilèges, à assurer des gains consistants et des promotions rapides. C’est là la source de la politisation à outrance que nous déplorons, du reste, sous l’angle de la bonne gouvernance. La politique ne s’impose pas, de ce fait, comme la mission et l’art de construire la cité. Elle est plutôt perçue et vécue comme une manière d’adhérer à un club, de se soumettre aux règles d’un milieu, de hurler avec les loups.
2- La routine technique ou technocratique. Nombre de nos cadres partagent leur carrière, si ce n’est leur vie, entre un perroquet qui répète machinalement ce qu’il ne comprend pas et un robot qui exécute mécaniquement ce qu’il est programmé à faire. N’attendez ni de l’un ni de l’autre, ni créativité ni inventivité. Soit qu’ils en sont totalement incapables. Soit que la culture ambiante et les pesanteurs du milieu le leur interdisent formellement. Ils gèrent alors le quotidien et avancent dans l’avenir à reculons. Connaissez-vous leur point de chute ? Soit les bas-fonds d’une retraite ennuyeuse. Soit une tombe anonyme, frappée de cette épitaphe : ci-gît cet homme ou cette femme qui n’a jamais rien osé, qui n’a jamais rien décidé, qui n’a jamais rien aimé.
3 – L’indifférence coupable. Beaucoup de nos cadres, totalement et complètement déboussolés, croient être bien inspirés en prenant le parti de se désintéresser de tout. Un peu comme, s’ils reprenaient à leur compte le proverbe bien connu « Pour vivre heureux, vivons cacher ». Et ils se cachent effectivement à l’ombre des autres. Et ils se pensent heureux en n’étant que l’ombre d’eux-mêmes. Ils sont à l’image de ce personnage de la parabole biblique des talents. Celui-là qui a enfoui dans la terre la part de biens à lui confiée par le maître. Il a oublié ou il a ignoré qu’un bien qu’on ne fait pas fructifier est comme un muscle qu’on ne fait pas travailler. Il s’atrophie. Que de nos cadres, pourtant valeureux, finissent par perdre toute valeur. Ils deviennent des fruits secs dont on ne peut rien tirer. Ils ne sont utiles ni à eux-mêmes ni aux autres. Quel gâchis !
4 – La participation responsable ou l’engagement citoyen. L’espoir finalement est à chercher et à trouver du côté d’une minorité de nos cadres. On comprend bien qu’ils ne peuvent être en odeur de sainteté auprès de la majorité. Tant que le monde restera le monde, ne s’assemblent et ne s’assembleront que ceux qui se ressemblent. D’où l’exclusion, les tracasseries et les peaux de banane pour cette catégorie de cadres qui dérangent. Etre ponctuel au travail, prêcher d’exemple partout et en tout, donner le meilleur de soi, servir les autres, pratiquer le « kilomètre extra », c’est à-dire faire plus que ce pour quoi on est payé…voilà autant de qualités qui étalent aux yeux des médiocres leur médiocrité. « Quand la lune brille, disent les Ivoiriens, les étoiles disparaissent ».
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