Bénin : le syndrome électoral

Les Béninois votent depuis 68 ans. Mais c’est à croire qu’ils n’apprennent rien et ne retiennent rien des élections successives qui jalonnent leur histoire. De deux choses l’une : ou les Béninois ne savent pas voter et ne font aucun effort pour apprendre à bien voter ou les Béninois ont vite compris tout ce qu’ils peuvent tirer du vote pour tuer le vote.

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Les élections, depuis 1945, au Bénin, n’ont jamais été vécues comme une parenthèse festive et constructive. Tourne vite et presque toujours au vinaigre ce qui est appelé à n’être qu’une simple consultation pour le meilleur. Les élections sont chaque fois grosses de tensions, chaque fois menaçantes pour le présent et pour l’avenir. Tous les secteurs sont concernés : du sport au commerce, du syndicalisme à la religion.

Depuis des mois, le Bénin se cherche une direction commode et crédible pour son football. Notre option démocratique nous impose de faire de cette direction l’émanation de la volonté de toutes les entités significatives de notre football. Pour départager les prétendants, il faut aller au vote. L’élection organisée à cet effet traîne déjà derrière elle une histoire sulfureuse de contestations et de protestations. Aux dernières nouvelles, tout est à recommencer, et rebelote la bagarre.

Le Bénin doit être l’un des rares pays moderne au monde à se passer, depuis plus de deux ans, d’une structure nationale aussi importante que la Chambre de Commerce et d’Industrie. Les élections pour remettre la Chambre sur les rails et appeler à sa direction des hommes et des femmes nouveaux sont à l’origine de ce vide institutionnel.  Le réveil soudain des ambitions et l’explosion des appétits ont éloigné de l’essentiel. On tourne depuis en rond, cherchant désespérément le bout du tunnel.

Les élections locales étaient attendues. Nos élus locaux se préparaient à rendre leur tablier et à présenter leur bilan. On décida de faire une entorse au calendrier républicain. Les élections sont renvoyées aux calendes grecques. Les élus jouent les prolongations, en expédiant les affaires courantes. Le bon peuple observe et attend.

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Que les élections, sous nos latitudes, soient si souvent détournées de leur objectif ou dépouillées de leur fonction symbolique est un signe. A analyser et à décrypter. Pourquoi y-a-t-il, chez nous, au Bénin, une inflation de candidats à presque toutes nos élections ? Parce qu’on est encore largement dans la banalisation d’un phénomène. On ne mesure pas assez les qualités qu’il appelle. On n’appréhende pas assez les responsabilités qu’il engage. Pourquoi des élections apaisées sont encore, chez nous, de l’ordre de l’exception ? Parce que nous nous appliquons à y mettre des ingrédients non démocratiques pour confectionner de véritables et explosifs cocktails électoraux. Le régionalisme s’invite dans le débat. L’argent se proclame roi. Le mensonge règne en maître. La triche est au rendez-vous. Pourquoi en est-il ainsi ?

D’abord, les élections, telles qu’elles se présentent, jurent avec nos traditions socioculturelles. Elles sont encore un produit étranger, en terre étrangère. Les dérives qui s’observent ainsi autour de nos élections ne sont qu’une manière de rejet d’une greffe. La mayonnaise démocratique occidentale a du mal à prendre chez nous. Cela ne veut-il pas dire que tant que les Béninois feront semblant de voter comme à Paris, Londres ou Washington, ils seront toujours à côté de la plaque ?  

Ensuite, ce goût d’inachevé qui s’observe, chez nous, avec les élections, nous installe dans un jeu permanent avec la démocratie. Dans le sens où nous jouons avec les belles vertus attachées à ce système de gouvernement. La souveraineté du peuple, la liberté de tous et pour tous… deviennent vite des attributs sans contenu dès lors que nous n’en retenons que les apparences.

Enfin, les Béninois sont capables de comprendre et de vivre la démocratie comme une valeur universelle partagée. Encore faut-il qu’ils en prennent la voie. Une valeur s’approprie et se réinterprète à la lumière des valeurs d’un peuple. S’il n’y a pas de démocratie béninoise, il peut y avoir une démocratie au Bénin. Une démocratie construite, sur la base de nos réalités, avec les ressources de notre esprit. Nous venons de diagnostiquer le mal.  Attelons-nous à inventer le remède.

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