Changement de gouvernement : un jeu de dupe

Dissolution du gouvernement, constitution d’une nouvelle équipe. Voilà le menu de la ripaille proposée ce week-end par le grand chef de notre resto du cœur. Les raisons officielles de ce micmac politique ?

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Il s’agit, officiellement de former un gouvernement d’union nationale plus soudé et donc plus efficace, pour relever les défis de développement et répondre aux besoins des populations.  A ceux qui ne le sauraient pas, il faut  rappeler que le Bénin est malade ; tout le monde en convient. C’est même un pléonasme que de le rappeler, tant les signes cliniques dévastateurs crèvent les yeux ; avec en sourdine, des pathologies multiformes en passe de devenir aujourd’hui une épidémie nationale qui n’épargne aucune famille béninoise. Elles ont noms, le chômage des jeunes, la corruption, le régionalisme, le népotisme, l’arbitraire, la confiscation des libertés, etc. etc.

Il faut, pour soigner un malade, l’amener voir un médecin. Et si ce dernier se révèle incapable de prescrire et d’appliquer une thérapie appropriée, on peut s’interroger sur ses compétences réelles et, le cas échéant, envisager de s’adresser à un autre spécialiste.

Notre pays malade est, depuis 2006 dans les bonnes grâces d’un médecin qui, visiblement incapable de poser un diagnostic clair, peine à trouver les remèdes adéquats. Et comme la maladie n’évolue pas, bien au contraire, le Docteur décide de faire le ménage en changeant toute l’équipe médicale. On croit rêver ; il s’agit d’un canular, ou, à tout le moins d’une plaisanterie de mauvais goût.  En effet quand une équipe de football perd des matchs et rate sa saison, la responsabilité en incombe d’abord et surtout à son entraîneur. Il serait donc injuste de s’en prendre aux joueurs qui, aussi bons soient-ils, ne peuvent gagner un match en appliquant la tactique d’un mauvais coach. Cette logique toute simple est valable, s’agissant d’une équipe gouvernementale.

A mon sens, et sans prétention aucune, je pense que les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2006 ont certes échoué ; mais ils ne sont pas coupables ; si tant est qu’ils n’ont fait qu’appliquer la politique élaborée et mise en place par le chef de l’Etat dont ils sont les serviteurs patentés. Tous les ministres ne sont pas compétents ; chacun en convient. Mais ils ne sont pas tous mauvais, non plus. Et leurs responsabilités sont, dans tous les cas limitées quant au bilan politique, économique, et social des sept dernières années. Vouloir les clouer au pilori relève d’une mauvaise foi manifeste et d’un refus obstiné du président de la république d’assumer ses responsabilités de premier magistrat du pays.

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En réalité le mal béninois tient à deux facteurs majeurs et indissociables. D’abord l’absence totale et criarde d’une vision politique claire et affirmée des stratégies de développement dans les secteurs prioritaires de la vie de notre pays. Ce qui explique la navigation à vue et les improvisations malheureuses qui sont la marque de fabrique de ce régime. Ensuite et surtout les postures personnelles par trop scandaleuses voire ubuesques affichées par le président Boni Yayi tout au long de son parcours politique. Il y a dans notre pays des hommes et des femmes honnêtes, prêts à défendre les idéaux de la démocratie au détriment de leurs intérêts personnels et égoïstes. Mais je ne suis pas sûr qu’un ministre, aussi honnête soit-il, puisse résister longtemps à un système malsain qui lui garantit l’impunité. Il a vite fait de se muer en thuriféraire du régime, chanter les louanges de son chef pour rester le plus longtemps possible à la table du festin. La troupe est donc, pourrait-on dire, à l’image du chef. Et les bons maîtres font les bons valets. En effet :

Qui s’obstine à fustiger ses concitoyens lorsqu’il est l’objet de critiques, allant jusqu’à refuser de présenter des excuses sous le fallacieux prétexte « qu’ils sont gonflés » ? Alors que reconnaître ses erreurs est un signe de sagesse et d’intelligence qui honore son auteur.

Qui menace d’appeler ses partisans à monter au créneau pour croiser le fer avec ses adversaires en prenant le risque d’allumer le feu d’une guerre civile dont personne ne veut ?

Qui s’oppose à l’application des décisions de justice lorsqu’elles ne lui sont pas favorables ? Ce qui, de la part du premier magistrat du pays traduit un mépris total des règles élémentaires qui régissent un Etat de droit.

Qui marginalise les partis d’opposition au point de leur interdire l’accès aux médias de services publics qui pourtant vivent aux frais du contribuable béninois ?

Qui a imposé une autocensure implacable et inique aux médias privés indépendants réduits aujourd’hui à relayer un et un seul son de cloche pour devenir ainsi la voix de son maître ?

Ce ne sont certainement pas les ministres. Musiciens opportunistes et zélés du Big Band FCBE, ils n’ont fait qu’exécuter le requiem d’une symphonie écrite et mise en musique par le chef d’orchestre en personne. Peut-on donc leur en faire le reproche ?

Je pourrais multiplier les exemples de ces agissements indignes d’un Etat de droit dont hélas le Bénin ne peut plus se prévaloir depuis 2006.

Au regard de ces faits qui ont fortement terni l’image de notre pays, la formation d’un nouveau gouvernement, fut-il d’union nationale ne saurait être un antidote au mal béninois qui commence à ébranler fortement les acquis de la conférence nationale et menace de faire exploser notre démocratie. Dans ce contexte de morosité ambiante et de frustrations générales, le changement de gouvernement apparait plutôt comme un écran de fumée, la répétition cynique du refrain d’un disque rayé, pour ramener les Béninois à la table d’un jeu politique dont les règles sont hélas truquées. Changer les membres du gouvernement, c’est bien. Avoir un programme, c’est mieux. Et surtout montrer l’exemple par un comportement conforme aux valeurs de la démocratie qui doit être le bréviaire de tout homme politique responsable. Il est encore temps de sonner le tocsin,  de conjurer le mal, pour soulager la douleur et cicatriser les plaies des sept dernières années, si on ne veut pas prendre le risque d’une rechute mortelle en 2016.

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