Constitution : les pièges du débat

Qui l’eut cru : la Constitution de notre pays descend progressivement des hauteurs intellectuelles où les spécialistes du droit l’ont hissée. Elle se trouve une place au niveau où le commun des citoyens l’appréhende le mieux et à sa manière. Faut-il en conclure qu’il n’y a pas une et unique lecture d’une constitution ? Tout dépendant de là où l’on est et des intérêts que l’on poursuit, chacun ne peut que voir midi à sa porte.

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Le Bénin, de ce fait, vit une expérience politique des plus édifiantes. Les passes d’armes entre révisionnistes et antirévisionnistes animent l’arène publique de discours divers. Des discours alternatifs à souhait, contradictoires quelquefois, mais, à y regarder de plus près, des discours jamais dépourvus d’intérêt. Cela tire à conséquence. D’une part, la Constitution n’est plus la chasse gardée des seuls spécialistes du droit. Il y a de plus en plus d’intrus qui connaissent la maison. D’autre part, la Constitution a beau être la référence suprême, tel un arbitre auquel les joueurs n’ont pas facilement accès, elle n’est pas moins devenue, dans le contexte actuel de notre pays, l’indice révélateur des visions des uns, des intérêts des autres.

Commençons par reconnaître que sans la cristallisation et sans la crispation qui s’observent, en ce moment, autour de la Constitution, le Bénin serait un bien triste pays. Les Béninois n’auraient pas du grain à moudre. Ils se morfondraient en silence, égrenant le long chapelet de leurs misères   quotidiennes : la vie chère, le délestage sauvage, le chômage des jeunes, l’insécurité galopante, les reliquats de quelques scandales retentissants, de l’affaire ICC Service à l’affaire CENSAD, en passant par la Liste électorale permanente informatisée (LéPI), notre fameuse calebasse fêlée ou la marmite sans fond.

Notre Constitution nous occupe. Notre Constitution participe, peu ou prou, à l’animation de la vie politique nationale. C’est tant mieux. Qui s’en plaindrait ?  Prenons garde, cependant, de fausser ce concert de voix autour de notre Constitution.  Le débat souhaité pour éclairer notre lanterne et nous faire grandir en citoyenneté pourrait bien tourner court. En lieu et place, nous aurons quatre variantes d’une seule et même réalité : l’échec. Lequel arborerait le masque hideux de quatre faux débats : le débat biaisé, le débat escamoté, le débat étranglé, le débat enterré. Voilà le piège.

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Le débat biaisé est celui qui fait du projet de la révision ou non de notre Constitution un simple paravent, un prétexte qui   détourne des vraies préoccupations de l’heure. Et nous serons ainsi de véritables gogos pris au piège de leur naïveté. L’habileté manœuvrière des politiques aura fait de la question de la Constitution un leurre, c’est-à-dire un artifice qui n’attire que pour tromper. Si c’était le cas, plus grosse serait l’illusion   et plus douloureux serait le réveil.

Le débat escamoté est celui qui ne va pas au bout de sa logique. Parce qu’il sacrifie l’essentiel à l’accessoire. On nage en surface. On fait dans la confusion la plus totale. On noie le poisson. Celui qui, dans le débat en cours, sur un ton pince sans rire, clame à la face des Béninois, que la révision de la Constitution aura pour effet immédiat de faire repartir le pays sur le chemin du développement, ment à la fois par excès et par omission. La pauvreté de l’argumentaire, si ce n’est le déficit d’arguments sont comme les deux seins sans lait d’un débat condamné à tourner court. En effet, et c’est en plus vrai : on ne fait pas du feu avec des braises éteintes.

Le débat étranglé est celui-là qui sombre et qui se noie. En fait, il n’y a pas, à proprement parler de débat. Il n’y a qu’un seul qui parle et qui se parle. C’est ce qui arrive quand les médias refusent, pour des intérêts inavoués, de jouer le jeu du pluralisme et de l’ouverture. C’est ce qui arrive quand la presse refuse d’informer, se complaisant dans la communication la plus plate, celle dont l’autre nom est réclame ou propagande. C’est ce qui arrive quand les journalistes, au lieu de rester des arbitres qui organisent le jeu, endossent soudain le maillot de l’une des équipes en compétition. On sait de quel côté penchera la balance.

Le débat enterré, enfin, c’est le constat amer selon lequel on  a découragé tout débat, en décourageant toutes personnes pouvant prendre part à un débat. Même pas le one man show. Rappelez-vous le mot célèbre : « Et le combat cessa faute de combattants ». C’est le règne du silence, un silence de cimetières. Alors, silence, on tourne…en rond !

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