Demande d’explication adressée au clergé béninois : Yayi toujours dans la logique de la provocation

Le Chef de l’Etat est toujours dans la logique de la provocation et de l’intimidation permanente. Même face au clergé catholique, il ne semble rien concéder sur ce plan. Dans un courrier adressé à la Conférence Episcopale en guise de réponse à son  communiqué,  Yayi s’affiche, tel un monarque allergique à la moindre contradiction, et envoie une lettre de «demande d’explication» au clergé.

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« Crisophile» ! Si ce mot n’existe pas, on devrait l’inventer pour qualifier le Chef de l’Etat, qui aime provoquer des crises même à des endroits où elles ne pourraient jamais exister. Avec les magistrats, les députés, les enseignants, et beaucoup d’autres corporations, la crise et les bras de fer sont quasi-permanents. Le voilà qui met encore ce talent à l’œuvre avec les ecclésiastiques. Il a suffi d’une petite déclaration du clergé, titillant un peu au passage ses mauvaises options politiques, pour le voir sortir de ses gongs.  Le Chef de l’Etat, qui a habitué le peuple à son mutisme sur les nombreuses lettres  à lui adressées, réagit au vif, remercie le clergé d’avoir eu cet intérêt pour les préoccupations des Béninois.

Mais, curieusement, vers la fin de son papier, il s’en pend vertement au clergé à qui il reproche d’avoir eu le moindre doute sur l’affaire de l’empoisonnement. Sans trop hésiter, il leur demande de lui donner les preuves de leur déclaration, et insinue que ceux-ci sont en contact avec le principal accusé, Patrice Talon. Comme il sait bien le faire, le Chef de l’Etat a décidé d’en découdre avec le même clergé auquel il a fait plusieurs fois recours, par le passé, pour l’aider à régler des tensions sociales aiguës.  Sinon, en temps normal, Yayi pouvait chercher simplement à rencontrer les membres du clergé, pour aplanir avec lui les divergences. Mais, il a choisi la voie de la provocation. La sortie du ministre des Affaires Etrangères est aussi dans ce schéma. On l’a vu aussi à l’œuvre, pour  diaboliser, presque, la Conférence Episcopale. Et c’est ainsi que les tensions naissent dans la République, avec un Chef de l’Etat très inflammable, qui dirige beaucoup par son humeur, et qui n’a pas peur d’aller à l’affrontement avec n’importe quelle corporation ou institution du pays, fut-elle d’autorité morale, et sur les sujets les plus superfétatoires.

Yayi  jette de l’huile sur le feu

A peine le message de la Conférence Episcopale du Bénin a-t-il été rendu public (c’était le vendredi dernier), que le Président de la République réagit à travers une lettre à l’Episcopat, distribuée à tous les médias pour publication dès le lundi. Le fait est suffisamment inédit pour qu’on en parle. De mémoire d’observateur, c’est bien la première fois qu’un  Président de la République répond avec une telle célérité à un message adressé aux fidèles catholiques et aux citoyens en général (une pratique dont le clergé est coutumier par temps de crise sociale aiguë), et dont il  a  simplement reçu copie, par déférence envers le premier magistrat qu’il est. Et c’est encore la première fois, de mémoire de fidèle catholique, que la lettre est publiée par voie de presse. On s’attendait à tout, sauf  à ce que le Président de la République jette de l’huile sur le feu, en sommant littéralement la hiérarchie catholique de lui fournir les preuves de ce que l’empoisonnement et le coup d’Etat étaient «douteux». Le ton est suffisamment comminatoire pour ne laisser place à aucun atermoiement de la part du destinataire. C’est dire qu’au-delà des questions de  forme de la réaction présidentielle, c’est bien le ton provocateur et le contenu de la lettre qui choquent. En effet, si le Président reconnaît à mots à peine voilés l’existence d’un malaise sociopolitique, il s’empresse de se dédouaner  en mettant tout au compte, non pas de sa gestion calamiteuse des hommes  et de la chose publique, mais de ce qu’il appelle  une «responsabilité collective dont les causes sont liées à l’absence de notre Foi en Dieu, à l’amour du prochain, aux pesanteurs de nos structures culturelles et mentales, aux contingences de l’évolution historique de notre société, et aux facteurs exogènes.» On croit rêver! Qui dirige le pays, lui ou ses opposants contraints au silence  par sa politique de caporalisation des medias publics et privés? Où sont  donc passés les conseillers du roi? Comment  ont-ils pu laisser le Chef de l’Etat adresser une telle missive à une institution qui a joué un rôle aussi déterminant dans l’avènement du Renouveau démocratique, allant jusqu’à la soupçonner de collusion avec «l‘ennemi  public n°1»? A aucun endroit de la lettre, le Président ne répond directement à  l’appel au dialogue du clergé, comme s’il n’était préoccupé que par le  seul mot «douteux» utilisé pour qualifier des faits  dont les développements rocambolesques empoisonnent la vie politique depuis plus d’un an. Que se passerait-il si le clergé n’obtempérait pas à cette injonction présidentielle? Quelle autorité morale pourrait-on encore saisir pour arbitrer le conflit sociopolitique dans lequel  le pays est plongé depuis le fameux K.O d’avril 2011? Après s’être mis à dos toute la classe politique, les hommes d’affaires et la Société Civile, voilà le Président qui  veut en découdre avec la hiérarchie catholique aux traditions séculaires de paix et de dialogue. Jusqu’où pourra-t-il s’arrêter? Et où veut-il mener ce peuple qui souffre déjà tant?

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