La chance d’un débat national

On la présente comme le moins mauvais des systèmes politiques. La démocratie, car c’est d’elle qu’il s’agit, vaut par le fait d’être « le gouvernement du peuple par le peuple ». C’est au peuple, en effet, qu’appartient, directement ou indirectement, l’exercice de la souveraineté. Au regard de quoi, sont à tenir pour une caricature, tous ces machins dans lesquels les peuples ne sont qu’un simple alibi. On se sert d’eux pour faire masse. On les utilise pour faire nombre. Qu’attendre d’un troupeau bêlant ? Quoi espérer d’un cheptel errant ? C’est là tout l’enjeu des jeunes démocraties en construction dans nos pays.

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Quoi faire pour changer l’ordre des choses ? Comment donner une chance d’accomplissement à la démocratie dans nos pays ? Il faut restituer tout son sens, en principe et en pratique, à un mot : participation. Non une participation télécommandée et manipulée. La participation démocratique est libre, inclusive, informée et constructive. Illustrons notre propos d’une idée qui fait actuellement des vagues : la révision ou non de la Constitution du 11 décembre 1990.

Une participation libre, dans le débat actuel sur le destin de notre Constitution, est celle qui s’accomplit sans entrave. Tout citoyen béninois doit, à cet égard, bénéficier d’une expression autonome. Il doit pouvoir choisir, en conscience et en toute responsabilité, par lui-même et pour lui-même. C’est la ligne de départ de l’échange citoyen souhaité. Nous devons être libres dans nos têtes, dans l’expression de nos idées. Ni robots télécommandés, ni marionnettes manipulées. Voilà la base du débat citoyen que nous appelons de nos vœux.

Une participation inclusive est celle qui implique toutes les franges, toutes les tranches concernées. Personne n’est laissé pour compte. Tout le monde y trouve son compte. C’est vrai que la tentation est grande de réduire la constitution à un domaine spécialisé qui n’appellerait que le savoir et le savoir faire des spécialistes. Ne cédons pas à une telle tentation. Les spécialistes auront à jouer pleinement leur partition dans la finalisation du texte de notre Loi fondamentale. Mais, en attendant, le débat doit se faire, m   ais sans exclure personne. Un débat citoyen n’est pas une soutenance de thèse. C’est en cela qu’on devrait tolérer les formes d’expression populaires qui l’accompagnent. Tant qu’elles ne portent pas atteinte à la liberté d’autrui et n’enfreignent pas les lois de la République. Nous pensons aux mercredis rouges. Mais aussi aux marches et aux prières dans les lieux de culte. Tout cela ne devrait pas nous déranger outre mesure. L’écueil, c’est d’avoir deux poids deux mesures, de favoriser un camp au détriment de l’autre systématiquement stigmatisé et réprimé.

Une participation informée est celle qui a l’avantage du savoir. Et à en croire l’aphorisme de Bacon, « Savoir, c’est pouvoir ». D’où l’importance de l’information. C’est une aventure sans lendemain que de s’engager dans un débat dont ne connaît ni les termes de référence, ni les tenants et les aboutissants. On n’est pas loin d’une sordide malhonnêteté intellectuelle, d’une détestable escroquerie mentale.

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Le gouvernement, nous dit-on, a introduit un projet de révision de la Constitution à l’Assemblée nationale. Quel intérêt avons-nous de faire l’économie d’une campagne nationale pour expliquer les intentions, les motivations, les innovations ? Qu’avons-nous à cacher en brûlant l’étape d’un débat national ?  Plus nombreux nous serons à chercher ensemble, plus riche sera la moisson que nous aurons à partager ensemble.

L’Eglise catholique, à travers ses plus éminents dignitaires, vient de faire entendre un son de cloche sur le sujet. Comme ont su le faire, avant, les syndicats les plus représentatifs de notre pays. D’autres opinions, provenant d’autres forces sociales, sont attendues, sont souhaitées. Dans un tel contexte, la presse professionnelle devrait s’épargner d’épouser les querelles des différents protagonistes. Elle a mieux à faire. L’information la plus large et sans parti-pris devrait être sa mission, à cette étape-ci. Au nom de l’éthique et de la morale.

Une participation constructive, enfin, s’articule autour de cette audacieuse idée : saisir l’occasion de ce débat sur la révision de la constitution pour rassembler les forces vives de notre pays. Est-il déjà trop tard pour le faire ? Par les temps qui courent et vu la situation sociopolitique de notre pays, c’est une chance à saisir. Ne la sacrifions pas sur l’autel de nos intérêts égoïstes et de courte vue. L’avenir du pays en dépend.

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