La démocratie en peine et en panne

Les Béninois ne savent plus se parler. C’est la preuve par neuf que le pays est actuellement divisé. Les Béninois ne savent plus rire. Cela indique qu’il y a de l’électricité dans l’air. Les Béninois ne savent plus plaisanter. C’est le signe d’une crispation extrême. Voilà le meilleur bouillon de culture pour faire prospérer méfiance et suspicion. La confiance s’érode.  Le doute s’installe.

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Toutes les sphères sociales sont concernées par ce mal qui nous mine et qui nous ronge. Il a déjà outrageusement balafré ce qu’on tient pour le berceau des Conférences nationales en Afrique. Au cas où nous en douterions, sachons que le Bénin n’est plus un modèle en matière de démocratie ni un exemple sur le terrain des droits humains. A la bourse des valeurs démocratiques, le Bénin s’essaye, désormais, à la marche sur la corde raide des acrobaties politiciennes.

Il peut arriver à chacun de nous de trébucher et de tomber. Mais le plus important, après la chute, c’est de savoir et de pouvoir s’arracher du sol, se remettre debout, reprendre sa route. Et c’est ce qu’il nous reste à faire, ici et maintenant. Il y a urgence, en effet, que nous prenions conscience de la perte constante de nos précieux acquis démocratiques. Cela assèche et appauvrit notre patrimoine de valeurs.. Morceaux choisis d’une dérive. Il faut, sans délai, en briser la dynamique.

La Fédération béninoise de football devait se donner, le week-end dernier, une nouvelle direction. Le siège de la Fédération, à Porto-Novo, ressemblait à s’y méprendre, à un camp retranché. Un camp ceinturé par des forces de sécurité armées jusqu’aux dents. Vous serez surpris de savoir que c’est le football qui draine habituellement des foules joyeuses vers les stades, dans une ambiance bon enfant, qui prenait ainsi subitement des grades militaires.

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Les enjeux d’une élection ont fait oublier le jeu. Et dire qu’ils sont tous des Béninois les acteurs impliqués. Ils s’étaient laissé dresser les uns contre les autres, prêts à en découdre. Ils appartiennent, par ailleurs, à une même génération de compatriotes. Ils sont les citoyens d’un seul et même pays. Un   pays qu’ils ont à construire, ensemble, en l’investissant de leur génie créateur.  Changement de lieu, mais pour le même spectacle.

Nous étions samedi 24 août, les responsables de la « Convention patriotiques des forces de gauche » ont programmé une marche par certaines artères de Cotonou. Ils entendaient ainsi manifester leur opposition à toute révision de notre Constitution. Mais les forces de l’ordre, encore une fois, armées jusqu’aux dents, ne l’entendaient pas de cette oreille. Elles étaient bien décidées à décourager tout rassemblement des marcheurs. Elles étaient bien déterminées à disperser tout cortège des manifestants. 

Ce qui, dans les pays normaux, aurait pris les allures d’un   événement ordinaire et sans envergure, réunit désormais tous les ingrédients d’une radicalisation dangereuse pour la paix sociale. On aura allumé ainsi un feu aussi futile qu’inutile. On aura créé les conditions d’une rupture de dialogue entre les différentes parties qui ont pourtant bien de choses à se dire. On aura brisé les chances d’un consensus pourtant nécessaire. On aura fait prévaloir, pour le bien de tous, la force du droit sur le droit de la force.

A l’école de la démocratie, on n’aura pas appris grand-chose. Les moyens sont en place. Le cadre physique et l’environnement humain sont constitués. Les curricula sont   définis et tracés. Mais les acteurs, c’est-à-dire les hommes, ont la tête ailleurs. Ils sont pris en charge par de vielles pratiques. Ils se sont laissé ligoter par de vielles habitudes.

Troisième et dernière escale sur le Golgotha de nos démocraties en peine et en panne : les remous que suscite le message du clergé catholique sur la situation actuelle de notre pays et la question de la révision de la Constitution. On a fait dire à ce message ce qu’il n’a même pas insinué. On a fait un procès en règle à ses auteurs, en jetant tout de go l’Institution religieuse qu’est l’Eglise catholique en pâture à l’opinion. Beaucoup ont cru de leur bon droit, dans une logique de guerre des religions qui ne dit pas son nom, d’enfoncer le clou. C’est sûr : on n’éteint pas l’incendie en jetant de l’essence sur le feu.

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