Le monde étonnera le Bénin

Le Président Mathieu Kérékou avait eu un jour une citation géniale. Au cours d’une de ses envolées lyriques pleines d’humour, où il s’en prend vertement aux mauvaises pratiques des cadres et de l’élite béninoise, il avait fini par conclure : «Le Bénin étonne le monde, mais le monde aussi étonnera le Bénin».

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Cette citation n’a jamais été mise en exergue, et est passée aux oubliettes comme bon nombre de vérités dites par diverses personnalités politiques sur notre pays. Oui, le Bénin est un pays merveilleux fait d’hommes et de femmes intelligents, travailleurs, imaginatifs, créateurs, mais la mesquinerie et l’égoïsme ambiants ici, peuvent annihiler tout ce potentiel et saper les efforts de développement.

Ce n’est pas Emmanuel Mounier qui nous dira le contraire. Plus de sept ans après son retrait du pouvoir, cette citation du Général-Président sonne comme des propos prémonitoires d’un Chef qui voit le danger venir et anticipe sur cela.  Bien qu’on l’accuse souvent de manquer, comme un bon leader, de vision prospective pour son pays, il n’en demeure pas moins qu’il a su dire, à des moments donnés, l’essentiel sur le mal pernicieux dont souffre le Bénin. Et nous voilà devant le constat. Alors que le Bénin se glorifiait tout le temps d’être «le Quarter Latin de l’Afrique» ou «le laboratoire de la démocratie en Afrique», il n’a pas fait attention aux pays qui sont passés devant lui. Alors qu’il s’auto-satisfaisait de ses rares prouesses, le voilà supplanté par les derniers d’antan. Dernier en tout, avec un gouvernement qui brandit les classements des institutions financières internationales pour se cacher derrière un échec économique cuisant, et dont la plupart des Béninois ressentent durement les contrecoups. Obligé de louer les services de radar  ghanéen pour superviser l’aéroport, de courir au Mali pour chercher l’expertise pour ensemencer des nuages, ou d’aller au Togo pour s’inspirer des bonnes pratiques pour faciliter le échanges commerciaux entre le Bénin et les pays de l’hinterland. Alors qu’ici nous peinons à réussir une campagne cotonnière, le Burkina lui améliore chaque année sa production nationale. C’est malheureusement de ce pays sahélien que nous viennent la grande partie des légumes que nous consommons ici.

Le lundi dernier, François Hollande a organisé un séminaire gouvernemental sur le thème «la France dans 10 ans». Ça veut tout dire. Aux Etats Unis, la Cia avait commandité une étude pour connaître l’évolution du monde dans les 50 années à venir.  Dans le monde d’aujourd’hui, une Pakistanaise de 15 ans, Malala Yousafzaï, est nominée pour le Prix Nobel de la Paix 2013. En Côte-d’Ivoire, non  loin de nous, c’est un footballeur, Didier Drogba, qui a décidé d’investir des milliards dans son pays pour construire des infrastructures de développement. Ici, notre football est abandonné à des aventuriers prévaricateurs qui en font ce qu’ils veulent et l’empêchent d’évoluer. Depuis 2002, année de sa reforme, il n’a pu hisser un seul footballeur au haut niveau, et s’est contenté de racoler ça et là des joueurs de toutes les nationalités.

Du temps où j’étais petit, on disait du Tchad «un pays à problèmes» et on n’hésitait pas à dire des gens qui traversent des périodes difficiles, qu’ils ont des «problèmes comme le Tchad». Aujourd’hui, on sollicite l’avion présidentiel de ce pays pour venir nous dépanner ici.  Les tentes offertes par le Président Déby servent d’amphithéâtre à l’Université d’Abomey Calavi. Avons-nous fait le même geste de générosité envers ce pays ? Pas si sûr. Jadis, les citoyens ghanéens se ruaient vers le Bénin pour exercer de petits métiers pour vivre. Aujourd’hui ce pays est devenu un exemple de réussite économique dans la sous-région. Les technologies, l’accès à Internet, les infrastructures et les facilités, en font un pays qui capte les devises béninoises. Pendant ce temps, on persécute les opérateurs économiques du Bénin. Du Nigéria, on ne gagne que la criminalité, laissant les frontières poreuses pour les braqueurs potentiels, libres de venir opérer en plein jour à Cotonou, sans pendre des mesures pour arrêter cela. On attend le jour où le Bénin va innover en important «Boko Haram», avant de réfléchir à cela. On attend toujours que les problèmes se posent avant de s’y pencher. Pendant ce temps, le monde réfléchit, avance. Les Etats qui sont autour de nous font eux aussi de petites avancées. Le gouvernement, lui, est préoccupé à chasser les opérateurs économiques les plus  puissants du pays. La télévision d’Etat montre les cérémonies de montée de couleurs à la Présidence, comme titre phare de son journal. Ici, on fait l’apologie du régionalisme et ferme les yeux sur les prévarications qui font perdre des milliards à l’économie nationale.

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Au regard de tout ceci, dites moi si le monde ne va pas étonner le Bénin. Dites moi si cette affirmation du Président Kérékou n’est pas une prophétie.  

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