(Le premier grand faux pas de Théodore Holo) Que faut-il attendre encore de la Cour Holo, après ses déclarations diffusées samedi soir, lors des journaux télévisés de 20 et 23h ?
Le président de la Cour Constitutionnelle, porte-parole de ses pairs des autres institutions, au sortir du conclave dont nous avons toujours dénoncé la légalité, vient de fixer le peuple béninois sur la position de l’ensemble des institutions de contre pouvoir de la République.
Il est sorti de son rôle, pour prendre publiquement position en faveur du pouvoir, sur les sujets controversés que sont la révision de la Constitution et la situation sociopolitique. De l’interview télévisée du professeur titulaire de Droit public, Théodore Holo, Président de la Cour Constitutionnelle, diffusée samedi soir par la chaîne de télévision de service public, on peut faire plusieurs lectures, dont trois paraissent pertinentes au regard de l’actualité récente. La première, celle que le pouvoir veut faire accréditer, au vu de ses objectifs inavouables et relatifs au contexte sociopolitique, est celle-ci : Le collectif des présidents des institutions, par la voix du professeur Holo, pense que le projet de révision est opportun et indispensable, contrairement aux récriminations distillées dans l’opinion ces derniers jours. Il comporte des avancées importantes pour ce qu’ils appellent «la modernisation de notre Constitution». Quant à la santé socio-économique, elle ne présente rien d’alarmant, puisque notre pays, de l’avis du porte-parole, s’appuyant sur les statistiques fiables des institutions internationales, a fait d’importants progrès au plan socio-économique depuis 2006. La deuxième lecture faite par des gens crédules, peut, au regard de la personnalité du Président Holo, considérer que les présidents d’institution ont voulu indiquer au Président Yayi que, sans consensus, il devra se conformer à la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle sur ce consensus. Autrement dit, la révision n’est pas possible sans la popularisation du projet, comme en 1990. Renforcé par la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, la révision n’est pas possible. Ceux-là pensent que le temps du consensus sera relativement long et que le projet de révision est déjà mort-né. Et ils applaudissent des deux mains et des deux pieds, pour ce qu’ils considèrent comme une opposition à la révision. Cette deuxième lecture s’appuie sur l’insistance de l’orateur sur la nécessité d’obtenir le consensus, locution répétée plusieurs fois au cours de l’entretien. Les deux lectures se rejoignent dans leur finalité, puisque le projet de révision qu’une large frange de l’opinion, appuyée par le message fort de la Conférence Episcopale, considère comme inopportun, est remis au goût du jour. Le Président de la République qui semblait avoir été déstabilisé par le message des évêques, peut retrouver le sourire. Le message est, sans équivoque, une réplique aux évêques et à tous les contestataires.
Opération de com…
Il convient de mettre en perspective, la rencontre des présidents d’institutions, pour se rendre compte de la grosse supercherie. Et l’entretien du professeur, débité comme un cours indigeste de faculté, apparaît au grand jour pour ce qu’il est : une vaste opération de communication ou de marketing politique, destinée à remettre en selle un Président affaibli par le message épiscopal. A preuve, cette insistance sur les aspects positifs du projet de révision et la bonne santé relative de notre économie. Sinon, comment comprendre qu’en moins d’une semaine, les présidents d’institutions de la République se soient concertés deux fois, d’abord avec le Président de la République, ensuite entre eux, en présence de la Directrice de cabinet de ce dernier? Et pourquoi ce conclave anticonstitutionnel (voir encadré) a-t-il lieu le jour même où les antirévisionnistes ont programmé une marche qui a été interdite pour des raisons prétendument administratives ? C’est en abordant les deux volets de la rencontre informelle des présidents des institutions, que l’opération de marketing se révèle au grand jour, et que l’on s’aperçoit mieux comment cette sortie des présidents d’institutions, n’a d’autre objectif que de rassurer l’opinion sur la bonne foi du Président Yayi. Le professeur Holo affirme en effet, sans sourciller, que le projet de Constitution constitue une avancée. Et de citer les trois points positifs, selon lui, objets de la révision, à savoir : la Cour des Comptes à créer, la Cena à professionnaliser, et les crimes économiques à rendre imprescriptibles. Rien de bien nouveau par rapport à l’argumentaire du gouvernement. Le professeur titulaire de Droit public, ne dit rien sur les aspects contestés par les révisionnistes : à savoir la réécriture de fond en comble du Préambule dans le nouveau projet de loi du gouvernement. Rien sur l’article 105 nouveau, sur l’initiative populaire objet de grande polémique, sur ce que le Président et ses affidés appellent démocratie participative, qui donne le pouvoir à 1000 citoyens de chacun des départements, d’initier des lois.
Crainte justifiée
Ceux qui ont lu attentivement le projet de révision, affirment avec raison qu’en changeant fondamentalement le Préambule de la Constitution de décembre 1990, et en faisant appel à l’initiative populaire en vigueur dans les cantons suisses, nous ne sommes plus dans la République de la Constitution de 1990, mais une autre qui prévoit un autre régime que celui de type présidentiel que nous avons choisi en 1990. Si l’initiative de la révision appartient concurremment, non pas seulement au Président de la République et à l’Assemblée, mais aussi à ces 1000 citoyens, sommes-nous encore dans un régime de représentation? Les révisionnistes fieffés, qui parlent de la Constitution comme d’un outil de développement, se gardent bien d’évoquer les articles litigieux du nouveau projet de Constitution, qui donnent des pouvoirs étendus à la Cour Constitutionnelle et au Président de la République, au détriment du Parlement. Et le Président Holo ne dit pas autre chose que ce que les mouvanciers bon teint déclarent urbi et orbi, depuis le début de la controverse sur le projet de révision. Si la révision de la Constitution ne visait que la création de la Cour des Comptes (un amendement peut être voté en une heure de débat), de la Cena, dont le caractère constitutionnel est consacré depuis longtemps par la Cour Constitutionnelle, en application de la Constitution de 1990, et de l’imprescriptibilité des crimes économiques, déjà inscrite dans la loi anti-corruption, pourquoi est-il si urgent de la conduire maintenant, comme si le ciel allait tomber sur notre tête? Dans un pays où la majorité de la population ne peut se donner qu’un seul des trois repas par jour, n’y a-t-il pas mieux à faire que de réviser la Constitution? Le professeur Holo revient sur les difficultés économiques souvent évoquées par les opposants et la grande majorité du peuple en souffrance, et mises en relief par le message de la Conférence Episcopale, pour donner un exemple d’avancée qu’il aurait dû ne pas donner. Tous les Béninois ne sont pas, en effet, des professeurs d’université de sa catégorie, dont le salaire a triplé en moins de trois ans. Quid des diplômés sans emploi, réduits au chômage à cause de la gouvernance Yayi ? De ses opérateurs économiques pourchassés par le fisc ou le glaive de la vengeance présidentielle ? Quid du démantèlement systématique du tissu économique et financier, au profit d’intérêts étrangers. Quid de nos libertés confisquées par un pouvoir à deux vitesses, qui permet aux révisionnistes de manifester à grands renforts de publicité, sur toutes les chaînes de radio et télévision de service public comme privé, sans entraves, alors que les antirévisionnistes sont réduits au silence ?
Si le professeur titulaire de Droit public ne reconnaît rien de tout cela, et embouche le même clairon que les Yayistes purs et durs, il y a de quoi craindre pour les futures décisions de la Cour Constitutionnelle. La preuve est définitivement faite que le Bénin vit désormais un régime de confusion de pouvoir concentré entre les mains du Pouvoir exécutif, en l’occurrence le Président de la République du Bénin. L’image de la télévision est poignante et l’aveu est pour le moins déconcertant.