Le Ramu : une réforme vouée à l’échec

Annoncé comme une réforme majeure, le Régime d’Assurance Maladie Universelle (Ramu) n’est pas pour autant la panacée annoncée pour la couverture du risque maladie des «gagne petit».

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A l’instar des autres réformes du gouvernement Yayi, celle-ci risque de connaître aussi un échec retentissant, parce que conçue dans la précipitation, inefficace à la longue, et dont la mise en œuvre viole la Constitution.

Dans le rang des courtisans du Chef de l’Etat et des barrons de la majorité présidentielle, le Ramu est une réforme réussie. Depuis le vendredi 21 juin 2013 où elle a été lancée, on ne cesse de s’en féliciter dans cette coterie politique. Le Chef de l’Etat peut désormais l’utiliser à bon escient, comme un instrument de propagande politique. La dernière fois, au Port de Cotonou, face aux dockers, il a promis de leur offrir le Ramu en cadeau. Quelques jours après, c’est Dominique Tagbodji, un de ses disciples, Coordonnateur Fcbe de la Commune de Sèmè Kpodji, qui débarque chez lui, mobilise quelques parents et amis politiques, et propose d’en prendre, avec ses millions, un grand nombre avec eux pour les inscrire pour le nouveau projet. En retour, il leur demande de soutenir la révision de la Constitution. Le gouvernement tombe là dans un triomphalisme béat, pour un projet dont on ne peut encore citer une seule personne qui ait pu déjà bénéficier de ses avantages. En effet, le Ramu, tel que conçu par le gouvernement, a tout l’air d’un mort-né, d’un projet qui pose problème dans son opérationnalisation. Mais, en attendant la nature juridique du texte qui le fonde, il essuie les premières critiques des juristes.

La Constitution violée

Le Ramu a été décidé en Conseil des ministres, le 21 Mai 2008. Il a donné naissance à l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (Anam)  qui est la structure qui gère le Ramu. L’Anam est créée par le décret N° 2011- 089 du 08 Mai 2012, portant création, attribution, organisation et fonctionnement de l’Anam. Le Régime d’Assurance Maladie Universelle est du domaine exclusif de la sécurité sociale. Or, celle-ci est du domaine exclusif de la loi. En effet, selon l’article 98 de la Constitution du 11 décembre 1990, «sont du domaine de la loi : …du droit de travail, de la sécurité sociale, du droit syndical et du droit de grève… ». Alors, il revient à se demander si le projet suscité est-il contraire à la Constitution ? Selon l’avocat Jacques Migan, le Ramu est bien contraire à la Constitution, car il a été institué en dépit de la disposition de l’article 98 alinéa 21 de la Constitution, par le décret N° 2011- 089 du 08 mai 2012 créant l’Anam. «Un décret ne peut pas créer ce qui est du domaine de la loi.» Pour s’en convaincre, on peut rappeler la loi N° 98- 019 du 23 mars 2003 portant Code de sécurité sociale en République du Bénin.  En son article 1er, on peut lire : «il est institué sur le territoire de la République, un régime général de sécurité sociale en  faveur des travailleurs du secteur structuré soumis aux dispositions du Code de travail ; un régime spécial en faveur des travailleurs indépendants, agricoles et du secteur informel.».

Mieux, l’article 7 de la loi N° 98- 019 a édicté que «l’organisation et le fonctionnement du régime spécial en faveur des travailleurs  indépendants, agricoles et du secteur informel, sont fixés par une loi spécifique».  Le gouvernement a décidé, quant à lui, de faire le contraire. Selon des confidences, c’est le Chef de l’Etat qui, pressé de voir ce projet se réaliser pour s’en enorgueillir, a décidé de lancer son projet par décret, pour contourner la Cour Suprême qui n’était pas trop pressée pour statuer sur ce projet de loi du Ramu, qui lui a été adressé depuis des mois. Le projet a connu des modifications importantes dans la lignée des recommandations, grâce à l’appui de la Commission nationale de codification pour  la simplification du système, par un régime unique pour les différentes catégories de population à la base. 

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Et pourtant…

Les premières inquiétudes sur le Ramu remontent à l’année 2012. En effet, du 06  au 10 février, sur demande du ministre de la Santé, une mission d’appui du réseau P4h dans la mise en œuvre du Ramu a séjourné au Bénin. Dans leur rapport, ces partenaires mesurent la faiblesse du système de santé publique ; l’absence de bonne gouvernance en général, et dans le secteur de la santé en particulier. Ils craignent que «le Ramu ne soit pas à la hauteur des attentes, voire qu’il aille à l’encontre de quelques réussites relatives. Beaucoup voient le secteur privé comme beaucoup plus efficace, et la plupart appuient dans le sens de l’amélioration de la gouvernance».

Un saut dans le vide

Quelles seront les sources de financement du projet ? Selon les concepteurs, il y a les ressources de l‘Etat, des collectivités nationales, des partenaires au développement, et les contributions des adhérents. Or, selon l’article 20 alinéa 2 de la loi N° 98-019 portant Code de sécurité au Bénin, «aucune prestation ne peut être instituée si son financement n’est pas garanti». A ce jour, le gouvernement, en proie à de sérieuses difficultés financières, ne dispose pas de moyens pour le bon fonctionnement de cette réforme. On comprend néanmoins que les cotisations de 1000 F par adhérent, ne peuvent suffire pour faire face à des besoins de soins de plus en plus croissants, des populations. Surtout que le domaine embrassé par le Ramu est vaste et englobe les frais de consultation, de soins et d’hospitalisation, les médicaments, les examens, la radiologie, les frais de vaccins. On se demande si les 1000 F de cotisation, et les subventions hypothétiques de bailleurs de fonds, pourront permettre de financer cette réforme onéreuse ? Il est bien utopique ce projet et risque, comme le Pvi et consorts, un cuisant échec.

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