Pour qui roule Jeune Afrique ? C’est la question qu’on se pose de plus en plus sur le continent, et plus singulièrement ici au Bénin, à la lecture de certains articles dont ceux consacrés à notre pays. Certains des articles de notre célèbre confrère sont si légers et si tendancieux qu’on a de la peine à croire qu’ils ont été produits par les journalistes qui ont fait sa réputation ces 50 dernières années. Exemple, cet entrefilet d’une centaine de mots, sur les fondements du Mercredi rouge.
Difficile de parler d’un confrère aussi célèbre que Jeune Afrique ! Mais l’article publié dans la rubrique confidentiel de sa dernière livraison (JA no 2746 du 25 au 31 août 2013)nous interpelle à plus d’un titre par son caractère partial et partiel et parcellaire, dans le plus pur style des infos estampillées « top secret », où on dit beaucoup en peu de mots .Son titre publié sur le mode lapidaire est : Bénin, Talon, Yayi et le Mercredi rouge. En substance, l’auteur anonyme de ce canular de mauvais goût, affirme au présent de l’indicatif, sans la moindre preuve, ni souci de vérification contradictoire, que le Mercredi rouge est l’œuvre de Joseph Djogbénou, avocat de Talon, qui l’a créé pour s’opposer à une disposition de la nouvelle Loi fondamentale sur l’imprescriptibilité des crimes économiques. Lisez plutôt ; «La création soudaine au Bénin du Mercredi rouge, farouchement hostile au projet de réforme de la constitution, ne doit rien au hasard. L’un des ses principaux dirigeants, Joseph Djogbenou, n’est autre que l’avocat de Talon, l’homme d’affaires poursuivi pour tentative d’empoisonnement contre le Chef de l’Etat, Boni Yayi, en octobre 2012.Pour le pouvoir le scénario brandi par le Mercredi rouge - la réforme de la Constitution permettrait au président (lequel effectue, aux termes de l’actuelle Loi fondamentale, son second et dernier mandat) de se représenter en 2016 en passant à une nouvelle République - est un écran de fumée. La raison réelle de cette opposition concerne plutôt l’une des dispositions de la réforme : l’imprescriptibilité des crimes économiques. Or, Patrice Talon est également visé par sept plaintes économiques, notamment dans le secteur de coton et sur le programme de vérification des importations (PVI) au port de Cotonou.»
Subtilités journalistiques
L’information telle que diffusée, se lit exactement ainsi que suit : la vraie raison de la création de Mercredi rouge, ce n’est pas tant pour lutter contre une révision qui ramènerait Yayi au pouvoir, mais c’est pour empêcher la mise en œuvre de la disposition sur l’imprescriptibilité des crimes économiques, disposition qui touche Talon, coupable, avant jugement de crimes économiques. Les lecteurs de bonne foi d’ici souriraient à la lecture de cet entrefilet digne du roman policier, mais ceux de l’extérieur de notre pays, qui ne connaissent pas Me Joseph Djogbénou, ou qui ont lu les élucubrations récentes d’un déséquilibré mental sur les réseaux sociaux, pourraient se laisser abuser. Mais, les professionnels que nous sommes, attentifs aux subtilités de l’écriture journalistique, ne peuvent pas se tromper sur la nature de l’information - une simple opération de com… en faveur du gouvernement Yayi. En effet, l’auteur de l’article a été suffisamment habile pour que le lecteur moyen, pressé par le contenu, ne puisse pas découvrir la supercherie, à savoir : la source de cette information publiée en bonne position sur la page, dans la rubrique "Confidentiel" dont raffolent les amoureux des ragots. Une rubrique présentée comme celle des informations sûres et obtenues de première main. Ainsi, la phrase commençant après celle qui se termine par le membre de phrase "octobre 2012" n’est qu’une information obtenue de source anonyme appelée «le pouvoir» Elle se décline comme suit : «Pour le pouvoir, le scénario brandi par le Mercredi rouge… » jusqu’à la fin. Ainsi la source de l’information est connue, et c’est le pouvoir. Mais, chose curieuse, avant de tirer la conclusion sur ce que l’auteur anonyme de l’entrefilet ravageur appelle la vraie raison, il ne prend pas la précaution journalistique la plus élémentaire, pour un journaliste, de confronter la source officielle avec la partie incriminée , à savoir Me Djogbénou qui vit au Bénin et porte allègrement la triple casquette d’avocat, bien sûr, mais aussi de professeur agrégé de Droit privé, enseignant dans plusieurs universités d’Afrique et d’ailleurs, et celle de défenseur des Droits de l’Homme. L’information obtenue de source officielle unilatérale, est mélangée au commentaire tendancieux, pour défendre des causes inavouées, parce qu’inavouables.
Talon la cible juteuse !
Me Djogbénou qui vit et travaille à Cotonou dans un cabinet bien connu, et réside et enseigne à Abomey-Calavi, est joignable à tout moment, sauf quand il est en voyage. Comme au moment où nous écrivons ces lignes. Tout de même, on aurait pu, à défaut, appeler ses amis de Mercredi rouge et d’autres acteurs de la société civile et l’on apprendrait rapidement que Djogbénou n’est pas un nouveau venu sur la scène du combat citoyen contre toute révision opportuniste de la Constitution. Parce qu’il est important pour les lecteurs du continent de ne pas limiter la lutte à des causes égoïstes et personnelles. Les raisons purement objectives et vérifiables de cette lutte, sont connues ici, et notre journal s’en est fait l’un des porte- flambeaux. Que des personnes impliquées dans cette lutte aient leurs raisons propres, n’est pas le problème. Et c’est un secret de polichinelle que de dire que Talon est contre la révision. Puisque l’individu a lui-même dit, à plusieurs reprises, que la cause de ses malheurs, c’est le refus de donner sa caution pour une révision opportuniste de la Constitution. Qu’il nous suffise de savoir que la raison principale est d’empêcher le tenant du pouvoir actuel d’utiliser des subterfuges pour rempiler, après ses deux mandats consécutifs de cinq ans. Au demeurant, Me Joseph Djogbénou n’est qu’une cible secondaire du fameux hebdo de la rue d’Auteuil… La vraie cible, c’est Talon, coupable aux yeux du pouvoir de crimes économiques dont l’imprescriptibilité annoncée dans la nouvelle Constitution scélérate du pouvoir, est la seule cause de l’acharnement des protagonistes de Mercredi rouge. Ceux-ci ont plutôt répété que cette imprescriptibilité, déjà en filigrane dans la Constitution de 1990,selon le professeur Maurice Ahanhanzo, figure déjà dans la Loi sur la corruption votée récemment. Point n’est besoin donc d’en faire une cause de révision de la Constitution, disent les anti- révisionnistes. Seulement voilà ! Talon à lui tout seul est une filière dans la presse régionale et continentale. Le peindre en noir peut rapporter gros pour les hebdos comme Jeune Afrique, contraints par la rareté de la pub sur la place de Paris, de raser les murs des palais royaux et présidentiels, pour des suppléments entiers de communication, chez les autocrates et autres dictateurs d’Afrique. Avez- vous fait attention à ceux consacrés au Bénin ces derniers mois ? Combien ont –ils coûté au contribuable béninois ? On peut facilement boucler les fins de mois avec ce genre de journalisme alimentaire qui sévit partout sur le continent , y compris dans les revues prétendument célèbres. Et ce n’est pas pour rien que notre compatriote et excellent journaliste, Francis Kpatindé (dont nous avons publié ici même la lettre de démission à une certaine époque), et le Togolais Jean Baptiste Placca, fatigués de se laisser prostituer auprès des chefs d’Etat africains, ont préféré prendre le large…. pour s’installer en free-lance. Comme quoi les infos de Jeune Afrique , c’est souvent du pipeau !