Depuis la diffusion du communiqué annonçant la dissolution du gouvernement, de nombreux citoyens s’interrogent. Certains évoquent l’hypothèse d’un vide juridique si l’attente du nouveau gouvernement devrait se prolonger indéfiniment. Le juriste Serge Prince Agbodjan a son idée sur la question.
« Nous avons tous suivi la lecture du communiqué du Président de la République portant la signature du secrétaire général à la présidence qui annonce en ces termes la dissolution du gouvernement .C’était au cours du journal de 20h du jeudi dernier sur la Chaîne de service public, l’Ortb : « Comme vous le savez, de nouveaux enjeux nous interpellent aujourd’hui dans la lutte contre la pauvreté et les exclusions. Ces nouveaux défis axés sur la nécessité de poursuivre les réformes dans un esprit de cohésion et de détermination, requièrent d’insuffler une dynamique à une nouvelle équipe gouvernementale. C’est pourquoi, il a décidé de mettre fin ce jour 08 août 2013 aux fonctions des ministres en attendant la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale, et ce conformément à l’alinéa 3 de l’article 54 de la Constitution. Les membres de ce nouveau gouvernement seront incessamment portés à la connaissance de notre peuple, après la procédure prévue en la matière par les dispositions de l’article 54 de notre Constitution »
Comme vous l’avez bien remarqué, le communiqué du Président parle de « mettre fin ce jour 08 août 2013 aux fonctions des ministres ». Il ne s’agit donc pas de dissolution d’un gouvernement car cette notion n’est pas appropriée au type de régime que nous avons. En effet, la notion de dissolution du gouvernement est beaucoup plus appropriée à un régime politique dont le gouvernement est bicéphale c’est-à-dire avec deux têtes, deux Chefs. Un Chef de l’Etat et un Chef de Gouvernement. Notre pays a opté pour un régime à une seule tête, un seul Chef au niveau de l’Exécutif, un Chef de l’Etat qui est en même temps Chef du gouvernement. Vous convenez qu’il ne peut y avoir une dissolution d’un gouvernement au Bénin dans la mesure où le Chef de l’Etat est aussi le Chef du gouvernement et de surcroît ministre de la Défense de ce gouvernement.
Quant à l’acte posé par le Président de la République par voie de presse acte qui met fin aux fonctions des ministres, cela pose un problème « d’élégance » à l’endroit de ses ministres ; si c’est par voie de presse, au cours d’un journal télévisé que les ministres de la république apprennent comme tous les téléspectateurs qu’il est mis fin à leurs fonctions, franchement cela manque d’élégance car ce sont des personnes qui ont selon le communiqué « déployé des efforts pour apporter leur contribution au succès de la marche de notre pays vers le progrès du développement ». Il ajoute « qu’Il saisit cette occasion pour renouveler à chacun d’eux, au nom de la nation ses sincères félicitations et ses remerciements pour le travail accompli dans un esprit de patriotisme, de sacrifice, de courage et d’abnégation ». S’il reconnaît tout ça pour eux et s’il prend en compte l’article 36 de la Constitution qui exige le devoir de respect et de considération au semblable, il aurait dû éviter de procéder, comme il l’a fait, sans prendre la précaution élémentaire de les informer au préalable de son intention. Peut être qu’il l’a fait mais selon nos investigations, certains ministres ont été informés par la presse. On pourra comprendre alors que les futurs appelés réfléchiront par deux fois avant de répondre favorablement à un éventuel appel.
Cependant, si on se fonde sur l’article 54 de la Constitution qui dispose que c’est le président de la république qui met fin aux fonctions des ministres, on peut simplement constater que le président Boni Yayi a respecté la Constitution car cette dernière n’a pas précisé de quelle manière il peut mettre fin à la fonction de ses ministres.
Pour ce qui est du vide juridique qu’évoquent certains commentateurs, il convient de rappeler que question a déjà été réglée par une jurisprudence de la Cour Constitutionnelle. En effet, la Cour Constitutionnelle avait déjà dit et jugé dans sa décision DCC 11-048 du 26 juillet 2011 que : … la Constitution du 11 décembre 1990 n’a pas fixé un délai pour le Chef de l’Etat pour la formation du gouvernement, et qu’il ya continuité de l’Etat jusqu’à la formation d’un nouveau Gouvernement …
On peut donc retenir que tant que le Président de la République ne prend pas l’acte juridique (le décret) qui met fin aux fonctions des membres du gouvernement, les membres du gouvernement continueront d’exister. Ce n’est donc pas un communiqué même si cela émane du Président de la République qui peut mettre fin aux fonctions des membres du gouvernement. C’est bel et bien un décret du Président de la République. Alors attendons de voir. Seulement ce qui s’est passé peut être source de peur pour les membres du gouvernement ; c’est d’ailleurs ainsi qu’on peut comprendre la manchette de l’édition d’hier ,vendredi 9 août de la Nouvelle Tribune « Yayi joue à faire peur ».A mon humble avis, tant que le décret qui met fin aux fonctions des ministres n’est pas pris, les membres du gouvernement restent encore en fonction malgré le communiqué. Car, on peut dire que ce n’est qu’un vœu, une simple intention du Président de la République.
Mais je crois que pour la crédibilité des membres du gouvernement qui seront maintenus, le Président aurait dû poser cet acte avec une certaine élégance. En tout cas, c’est son choix et comme le Bénin étonne depuis un certain temps…on attend de voir la suite.
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