Un gouvernement, trois péchés originels

Il est né le nouveau gouvernement. 72 heures pour le concevoir et pour le mettre au monde. Un accomplissement exceptionnel. Cela aurait dû nous donner un enfant prodige, à défaut d’un enfant prodigue. Car ce gouvernement est né des œuvres d’un pays resté 72 heures sans gouvernement. Un fait rarissime, à porter au Guiness des records.

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Finalement, un gouvernement bien ordinaire. Il n’a été renouvelé qu’à 50 % : 13 ministres restent en place ; 13 nouveaux font leur entrée. Dans d’autres circonstances, le départ du gouvernement de l’ancien Premier ministre, Pascal Irénée Koupaki aurait créé le buzz. Son départ apparaît aujourd’hui, suite à une longue brouille avec le Chef, comme un non évènement. Il était parti bien avant son départ officiel. Il ne sert à rien d’enfoncer une porte ouverte.

On peut le dire, formellement, avec le nouveau gouvernement, rien de nouveau sous le soleil béninois. Mais à y regarder de plus près, la nouvelle équipe se distingue d’une certaine manière. Par sa configuration. Au regard du contexte de sa mise en place. En rapport avec ce qu’on peut supposer être sa mission. Elle présente trois caractéristiques majeures. Elle   aura à les gérer comme ses trois péchés originels.

1 – Le contexte de crise et de fin de règne. Le nouveau gouvernement ne naît pas dans le calme feutré d’un pays apaisé et tranquille. L’inquiétude, la peur du lendemain, voilà ce qui tourmente moralement l’immense majorité des Béninois. Du reste, peut-on s’attendre à un autre sentiment alors que la vie est chère, que la débrouille au quotidien est la seule perspective qui s’offre à plus d’un, que les jeunes, diplômes en poche, bâillent d’ennui et tirent le diable par la queue, que l’insécurité plane sur les personnes et les biens comme un oiseau de proie ? C’est clair : il ne peut y avoir aucune joie à vivre une vie de chien dans un pays que désertent, chaque jour que Dieu fait, les valeurs de vie. Ce contexte de crise délimite les chantiers prioritaires du gouvernement. Avec en sus des dossiers aussi fumants que l’affaire ICC Services, l’affaire de l’empoisonnement présumé du Chef de l’Etat, l’affaire du coup d’Etat présumé, le projet contesté de révision de la constitution… C’est loin d’être un chemin de roses pour une fin de mandat présidentiel. 

2 – Les rendez-vous manqués. Le coup d’éclat par lequel a été congédié le gouvernement n’a pas produit un résultat d’éclat. Certains ont pu même parler de la montagne qui a accouché d’une souris ou d’un coup d’épée dans l’eau. Premier rendez-vous manqué.

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Le Chef de l’Etat l’a promis à plusieurs occasions : les femmes seront représentées dans son gouvernement, à hauteur de 50 %, dans l’esprit d’une parité que le Bénin entend défendre et illustrer. A l’arrivée, moins de 20% de femmes au gouvernement. Deuxième rendez-vous manqué. 

Enfin, l’ouverture que souhaitait le Chef de l’Etat, avec la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, n’a pu se concrétiser. Le PRD de Me Adrien Houngbédji, plus proche de l’appât que les autres formations politiques, n’a pas mordu, pour autant, à l’hameçon. Troisième rendez-vous manqué.

3- Les forces du Président pour l’assaut final. Sur qui et sur quoi peut compter le Président pour parachever son action à la direction de notre pays ?

En supprimant le poste de Premier ministre, non prévu par la constitution, le Président prend les commandes. Il entend compter d’abord sur lui-même. A l’heure du bilan, c’est lui seul  qui se retrouvera à la barre, face aux Béninois.

En maintenant 13 anciens dans le nouveau gouvernement, le Président veut compter sur la compétence des uns, la loyauté, voire la complicité des autres. N’est-ce pas dans les vieilles marmites qu’on fait les bonnes sauces ?

En privilégiant, par le profil des entrants, le « terrain », le Président comprend que c’est là où tout se gagne ou se perd.  D’où l’entrée d’honorables élus du peuple, tels Aké Natondé ou Isidore Gnonlonfoun. D’où l’entrée de deux hommes du commandement à des postes stratégiques, tels le préfet Ali Yérima à la Défense et le préfet François Houessou à l’Intérieur. Tout semble être dit sur le nouveau gouvernement. Au travail donc. Nous jugerons l’arbre à ses fruits.

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