Artistes du Ramu au Palais : des propagandistes malgré eux

«Bon serviteur, entre dans la demeure de ton maître». En attendant  que le moment ne vienne pour Jésus-Christ de le dire à ses vrais serviteurs, le gouvernement béninois s’en est bien servi (« approximativement ») pour remercier les artistes béninois.

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Pour avoir chanté et loué les mirobolantes merveilles du Régime d’Assurance Maladie Universelle, Ramu, cette nouvelle trouvaille du gouvernement béninois, ils ont été reçus dans la demeure de Saint Thomas. Mais, avant que les mirobolantes merveilles du Ramu, chantées par les artistes béninois, ne fassent surface, elles auront permis de voir, ne serait-ce qu’un peu, quelle image le gouvernement béninois veut donner des talents d’ici. Faire d’eux des propagandistes de ses œuvres, les affamer pour obtenir d’eux des courbettes. Content de l’œuvre des artistes béninois, devenus sa caisse de résonnance, le Président a trouvé la géniale idée de les inviter à sa table, avec à la clé, ce n’est qu’un secret de polichinelle, 20 millions de francs Cfa.

Si pour la plupart du temps, à la curiosité qui pousse à demander aux artistes béninois leur source d’inspiration, ceux-ci répondent qu’ils sont inspirés par les muses, «Aziza» en langue fon, on découvre  paradoxalement  que leur source d’inspiration, depuis peu, se trouve à la Marina. Visiblement, nos artistes sont en panne d’inspiration. Et le Président, en Chef d’orchestre, leur donne des sujets de composition. Il s’était rassuré de ce que son long discours, dit d’introduction, fera objet de chansons, de sketchs et autres productions artistiques. Certain, car persuadé de ce que ces créateurs d’œuvres de l’esprit sont déjà embarqués, pieds et mains, pour la campagne de propagande Ramu. Anciens comme nouveaux, ils sont mélangés comme torchons et serviettes, pour assouvir les désirs propagandistes du gouvernement. C’est peut-être le prix à payer pour ne pas être sevré du biberon «milliard culturel».

Chanter les bienfaits d’une œuvre humaine, n’est pas mal en soi. Mais, s’investir vigoureusement dans l’éloge d’un programme dont l’avenir  reste incertain, parce que fruit d’une improvisation, frise une ambition maladroitement déguisée, à aller s’offrir sa part du précieux gâteau. Est-il judicieux pour les artistes béninois de louer un tel projet, alors que les hôpitaux censés accueillir les adhérents sont mal-équipés?  Mieux, dans un pays où le personnel soignant manque dans des centres qui eux-mêmes sont en matériaux précaires, l’artiste doit-il faire l’éloge d’une politique sanitaire en panne d’inspiration, ou être inspiré par les mauvaises conditions de vie des populations? Peut-on déjà vanter les merveilles d’une initiative, sans avoir observé, sur une période raisonnable, ses résultats concrets. On n’en finirait pas avec les interrogations. Et dire que se sont les ténors de la musique béninoise qui tiennent le devant de la propagande… L’espoir d’une renaissance musicale au Bénin s’amenuise. Que les anciens, qui ont déjà fait leurs preuves, et qui jouissent d’une renommée nationale comme internationale, se mettent à partager avec les plus jeunes 20 millions de francs Cfa, il y a lieu de dire que les actuels gouvernants ont réussi leur coup. Affamer les artistes pour faire d’eux des lèches-bottes.

20 millions pour toute cette multitude d’artistes, toutes catégories confondues, venus au Palais, à peine chacun pourra repartir avec le tiers de ce qu’il prendrait comme cachet. Aussi, ne serait-il pas sentencieux de dire que ce cadeau porte en lui le germe de la division dans le cercle des artistes eux-mêmes ? Et les échos se font déjà entendre, les uns veulent, au détriment des autres, se tailler la part du lion.

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L’artiste béninois mérite mieux que les activités de propagande, pour vivre de son art. Ce n’est pas un leurre, c’est une vérité. Artistes béninois inventez-vous vous-même, comme le dirait le jeune auteur béninois Tankpinou Banon.

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