Bénin : quel(le) Président(e) pour Avril 2016?

Alors que le débat, pour ou contre la révision de la Constitution du 11 Décembre 1990, s’intensifie et que chaque camp rivalise d’ingéniosité et d’arguments, pour faire avaler ou faire échouer ce projet, nous devons tous garder à l’esprit que notre pays a un avenir plus reluisant que ce qui se produit sous nos yeux aujourd’hui.  

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Nous avons donc le devoir patriotique de travailler pour que les conditions du relèvement de notre pays, cloué au sol par la médiocrité et la mal-gouvernance, soient réunies. Le but de cet article est de réfléchir avec mes compatriotes sur certaines de ces conditions, qui feront de notre pays celui dont nous rêvons tous, à partir d’Avril 2016.  

Cette première partie de mon propos s’adressera à la personne du Chef de l’Etat, afin que nous commencions à préparer une réponse objective à la question: « Qui peut être Président(e) au Bénin, à partir d’Avril 2016, pour que les choses changent véritablement. A défaut de répondre à cette question primordiale, nous passerons  notre temps à marcher à reculons. Tellement nous avons appris au cours de ces sept dernières années, que notre devoir est de retenir les leçons et d’éviter les mêmes erreurs et errements à l’avenir. Il arrive que le dirigeant s’éloigne des préoccupations du peuple, comme c’est le cas actuellement dans notre pays. Mais, nous avons le devoir, en tant que peuple, de corriger le tir et de savoir là où nous allons et ce que nous cherchons.

Le débat actuel sur le projet de révision de notre Constitution est une pure distraction

Plus qu’une distraction, le débat qui a pris corps depuis l’année dernière, et qui nous a donné seulement quelques mois de répit avant de rebondir en Juin de cette année, est une vaste blague. Il ressemble à l’une de ces tragi-comédies, où l’acteur principal, le conducteur, clignote à droite, et bifurque à gauche. En clair, il s’agit pour le Président de la République, d’occuper les Béninois avec ce projet controversé, et de passer sous silence trois grandes préoccupations.  

La première est la question de la vie quotidienne de nos compatriotes. Comme beaucoup de personnalités (leaders politiques, universitaires, journalistes, etc)  l’ont déjà indiqué, et à juste titre, le Président de la République a déjà échoué dans sa prétendue  vision de changer le pays et ensuite de le refonder.  Il se résout désormais à brouiller les cartes, pour canaliser l’attention sur la Constitution, dont ses affidés et lui trouvent le projet de révision, subitement, la panacée pour résoudre le problème de réduction de la pauvreté. Soit! Mais, pourquoi procéder à une réforme aussi fondamentale en dehors de tout consensus?    

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La seconde préoccupation est la LEPI. A cause de la mauvaise qualité de la LEPI, on n’a pas pu organiser à temps, les élections municipales, communales et locales, à bonne date. Malgré tous les appels incessants des acteurs politiques et de la Société Civile, avant et après le KO de Mars 2011, il n’en a pas réellement fait une priorité. Au contraire, le Prince et ses partisans inconditionnels pensent trouver en la LEPI, la grenade qu’il sont prêts à dégoupiller à tout instant, pour créer la fumée opaque qui va couvrir tous les scrutins à venir, notamment les municipales d’on ne sait quand, les législatives incertaines, et la présidentielle sur laquelle pèse, telle l’Epée de Damoclès, le projet à pas forcés de révision de la Constitution, dont tout le monde sait que le référendum passera comme une lettre à la poste, avec une LEPI truquée, et contre la volonté de la majorité d’entre nous.

Enfin, la troisième préoccupation et non des moindres pour les Béninois, c’est la question de son départ et de sa succession.  Cette question lancinante est une préoccupation pour les Béninois qui s’interrogent légitimement.  En dehors de quelques rares extrémistes qui réclament, par moments, le départ immédiat du Prince de la Marina, tous les Béninois s’accordent sur la nécessité de laisser le Chef de l’Etat poursuivre son mandat à son terme, en Avril 2016, même si ce mandat, en pleine fumigation dans le KO, n’arrive pas encore à révéler les fruits des réformes et le bonheur promis. Les « je vais partir en 2016… il n’y aura pas un jour de plus… je suis pressé de devenir ancien Président… etc », cachent mal la boulimie du pouvoir, qui est visible, et dont l’appareillage présent dans presque toutes les communes et dans tous les médias, n’est que la partie visible de l’iceberg. Et c’est justement parce que la volonté réelle de quitter le pouvoir fait crânement défaut, qu’on est amené à chanter la chanson du départ, pour berner les Béninois. C’est classique, et nous ne devons jamais tomber dans ces pièges mis en place par des dirigeants qui n’atteignent jamais les résultats qu’ils promettent à leur peuple, mais qui ont les stratégies adéquates pour s’accrocher, y compris par la ruse, le mensonge grossier, l’intimidation et la manipulation. Ce qui est actuellement visé, semble de chercher à s’éterniser ou, au cas où cela ne passera pas (et ce serait difficile), organiser une autre parodie d’élection ou la réédition du KO, pour que les mêmes conservent le pouvoir, pour poursuivre l’imposture et l’incompétence dans la gestion des affaires de l’Etat.

Se concentrer sur l’essentiel

L’essentiel pour les Béninois, aujourd’hui, du moins pour ceux qui aiment réellement leur pays, ne peut pas être de s’acharner, ou non, sur la Constitution. C’est plutôt de préparer notre pays à être mieux gouverné à partir de 2016. Et à cet égard, il nous faut réfléchir, et encore réfléchir, sur le type d’Homme dont nous avons besoin pour atteindre les objectifs de modernité et de développement, dans un monde en mutations rapides. Quel est le profil de cet homme ou de cette femme qui donnera de l’espoir aux Béninois, en ce siècle où il n’y a plus de petits pays, mais de grandes nations. Oui, nous pouvons être une grande Nation, non par la taille de notre pays, dont la superficie est chaque jour rognée, kilomètre par kilomètre par certains pays voisins, au nez et à la barbe de ceux qui ont prêté serment pour défendre l’intégrité de notre territoire. Cela semble les laisser de marbre, qu’ayant hérité d’un pays plus grand, il le lègue à leur successeur à une taille plus réduite. Pourvu qu’ils soient là. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter d’être là, car la gestion d’un pays est un tout. Nous pouvons être une Nation, grande par la qualité de ses dirigeants, qui osent se présenter en citoyens honnêtes, crédibles et responsables, devant leurs concitoyens et devant la communauté internationale.  Notre pays peut être une Nation, grande par son économie, parce que bénéficiant d’une réflexion de qualité, assise sur nos maigres ressources naturelles, mais adossée au secteur privé qui ne cherche qu’à contribuer à bâtir ce beau pays, qu’on peut traverser en courant, de l’Est à l’Ouest, dans la même journée. Le tout dépendra de la femme ou de l’homme qui aura la responsabilité de nous conduire.

De quel type d’Homme notre pays a t-il besoin?   

Sans avoir les qualités prophétiques du Frère Melchior, véritable dénicheur d’oiseau rare et expert dans l’art de vendre de l’illusion ou de réussir le marketing d’un produit que lui-même n’a jamais testé, je voudrais oser donner ici, les grands traits du type de Gouvernant dont nous avons besoin au sommet, pour avancer dans le monde d’aujourd’hui. Ce serait une approche simpliste que de penser qu’il faille inverser la tendance actuelle et la propension chez le prochain leader à mettre la charrue avant les bœufs. Cette situation qui semble plaire aux thuriféraires du régime actuel, est peut-être bonne en image, mais n’est certainement pas un signe d’intelligence. Tout effort de développement obéit à une approche intellectuelle. Et la connaissance, source de progrès, a pour fondement essentiel, la démarche Réflexion-Expérimentation-Théorisation, Mise en pratique et Généralisation.

Nous méritons largement mieux que ce que nous avons actuellement. Je développerai dans cet article, deux des qualités que je trouve essentielles. Je reviendrai sur d’autres, les prochains jours.

Avoir le Sens de l’Etat

C’est la première qualité et l’exigence non-négociable d’un Leader dans un Etat moderne. Il nous faut un homme ou une femme qui comprend ce que c’est qu’un Etat, et qui se mette dans la posture d’en respecter le caractère sacré. Avoir le Sens de l’Etat, c’est aussi respecter les institutions de l’Etat, placer l’intérêt général au-dessus de toute considération éthique, régionaliste, politicienne et personnelle. C’est respecter le Peuple et éviter d’instrumentaliser sa misère. Ce qu’il nous a été donné de vivre, ces dernières années,  est simplement ahurissant. Penser qu’on doit transformer le peuple en bénéficiaires de prébendes distribuées à certaines catégories, en dehors d’une politique cohérente de solidarité, est simplement une instrumentalisation de la misère du peuple et le piétinement de sa dignité. Le Chef qui a le Sens de l’Etat est celui qui crée les conditions idoines pour son peuple de travailler, de produire et de participer à son propre développement. Toute la théorie de prospérité partagée, si bonne qu’elle soit à entendre, a été une vaste blague et un moyen de corruption officielle, pour continuer à manipuler les populations et surfer sur leur misère.

Un Chef qui a le Sens de l’Etat doit surtout et toujours être au-dessus de la mêlée, en évitant de diviser ses compatriotes. Rester au-dessus de la mêlée permet d’être le dernier recours et de jouer aisément le rôle dévolu au Chef de l’Etat par la Constitution, comme garant de l’unité nationale. C’est une condition essentielle pour focaliser l’attention les forces politiques, sociales, et les populations en général, sur ce qui doit nous unir, au-delà des divergences de toute nature, à savoir le développement de notre pays,  

La probité morale

Le dictionnaire Larousse définit la probité morale comme la « Qualité de quelqu’un qui observe parfaitement les règles morales, qui respecte scrupuleusement ses devoirs, les règlements, etc. » A l’heure de la modernité, il est impératif que nous choisissions celui parmi nous qui a la probité intellectuelle et morale pour nous gouverner.  Cela signifie en clair, un homme ou une femme qui accepte les responsabilités qui lui sont confiées, en tant que Chef de l’Etat, et qui ne cherche pas à rejeter le tort sur ses collaborateurs, lorsque les faits avérés établissent sa responsabilité, même morale. Autant il jouit des prérogatives que lui confère la Constitution, de procéder à la nomination des membres du gouvernement et des aspirants aux hautes fonctions de l’Etat, autant il a l’obligation morale d’en répondre en cas de défaillance ou de manquement. C’est pourquoi il ne doit pas s’amuser à coopter des « arrivistes-laudateurs » ou des plaisantins notoirement incompétents, au mépris de tous les textes de la République fixant les critères de nomination aux hautes fonctions de l’Etat.

Mieux, il doit tenir ses collaborateurs comptables et responsables des actes qu’ils posent dans l’exercice de leurs fonctions, en évitant les « deux poids deux mesures » qui sont les traits caractéristiques du système actuel. Nous avons besoin d’un Chef qui respecte la Loi suprême, les autres lois et règlements de l’Etat, et qui donne ainsi un exemple à ses concitoyens, et non quelqu’un qui cherche à tourner les textes de l’Etat en sa faveur, quand ceux-ci ne font pas son affaire. Bref, un Chef d’Etat doit être un modèle, la référence pour son peuple, dont il est aussi le premier éducateur.

A nous de jouer

A suivre…

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille, France

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