Combattre le faux

Le faux est une culture. La culture du faux entretient une industrie. L’industrie du faux génère des milliards d’euros ou de dollars. Le faux est transnational, pour ne pas dire universel. La gestion du faux pourrait relever de l’autorité et du pouvoir d’un gouvernement mondial.

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C’est dire que nous avons affaire à un monstre tentaculaire. Il ne suffira pas de lui couper un bras ou une jambe pour crier victoire. Même brûlé, le faux sait renaître de ses cendres.  

S’il en est ainsi, comment apprécier l’action diligentée par les autorités de notre pays qui ont fait détruire 174 017 CD et cassettes d’origine béninoise et étrangère, quatre conteneurs de CD, d’un poids total de 72 tonnes ? C’était le 5 septembre dernier, sur un site spécialement aménagé, sis dans le village Gansa, Tori Avamè, dans l’arrondissement de Tori.

C’est incontestablement un gros point gagnant à l’actif des services de douane, des forces de sécurité intérieure, du Bureau béninois des droits d’auteurs (BUBEDRA), du ministère en charge de la Culture. Si ce n’est pas un coup de grâce, considérons-le comme un coup de semonce. A faire suivre d’autres coups.

La piraterie des œuvres de l’esprit est un crime. Un crime contre l’effort de création, contre la carrière professionnelle de milliers de personnes. C’est l’anéantissement, sans autre forme de procès, d’un capital humain, matériel et technique colossal destiné à valoriser un art et à se valoriser par et à travers cet art. Quand on en arrive à ce degré d’abomination, on ne doit pas craindre de confier au souffle purificateur du feu les preuves matérielles du délit. Même si les auteurs du délit courent toujours. Même s’ils peuvent récidiver. Et le cycle infernal du mal se poursuivra. S’il en est ainsi, quels enseignements tirer de l’opération du 5 septembre dernier ?

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Premièrement. Des milliers de CD saisis et détruits. C’est un exploit. Ne boudons point notre plaisir. Ce qui aurait été coupable, c’est le laxisme, c’est le laisser faire. Il est un seuil de tolérance à partir duquel, pour la bonne santé physique et morale de la société, il faut refuser tout compromis avec le mal. Au risque de pactiser avec le diable.

Deuxièmement. Il faut prendre conscience que le diable n’est ni petit ni faible. Il a de l’énergie à revendre. Il n’est jamais à cours de stratégies. Il déborde d’imagination. Il est à l’image de l’hydre de Lerne, ce serpent de la mythologie à sept têtes qui repoussaient aussitôt coupées. Qui s’engage à lutter contre un mal aussi pernicieux, doit s’en donner les moyens humains, matériels et moraux. Enfants de chœur, s’abstenir !

Troisièmement. La piraterie des œuvres de l’esprit n’est qu’une infime parcelle du vaste champ du faux. Les faussaires ont pratiquement quadrillé nos sociétés. Ils ont pris d’assaut et en otage tous secteurs où ils estiment avoir du grain à moudre. Que dites-vous, par exemple, des faux médicaments, des faux diplômes, de la fausse monnaie, des faux passeports et cartes d’identité, des faux bulletins de vote, sans parler du trafic des marques sur la gamme étendue de nos besoins quotidiens : habits et vêtements, montres et bijoux, boissons et aliments…

Quatrièmement. Nous devons appréhender la culture du faux dans toutes ses dimensions, applications et implications. Nous avons affaire à un phénomène global et total. Tout élément constitutif de ce phénomène a la nocivité et la dangerosité du phénomène lui-même. Pour dire qu’il n’y a point de faux qui soit tolérable, supportable, acceptable. Tout ce qui est faux est faux. Tout ce qui est faux mérite d’être combattu sans concession.  Cela fait appel à l’efficacité de nos dispositifs de lutte. Cela interroge la validité de nos stratégies. Cela interpelle l’intrépidité et l’intégrité des personnes impliquées.

Cinquièmement. En regardant du côté de nos gouvernements, osons une proposition audacieuse. Quand un secteur d’activité   mérite qu’on s’y arrête, on créé un département ministériel. Les attributions de celui-ci épousent le souci visé. Le Bénin vient de créer un ministère chargé de la gestion des changements climatiques. Le Sénégal a un ministère de la bonne gouvernance. Le moment n’est-il pas venu de créer un ministère chargé de la lutte contre le faux ? Le faux à combattre sous toutes ses formes, par tous les temps, partout où besoin sera.

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