Constitution : Boni Yayi et son gouvernement à court d’arguments

La déclaration faite par le Chef de l’Etat, le week-end dernier, en face des sages du plateau d’Abomey, qu’il a reçus au Palais de la Marina, ne saurait être passée sous silence. A plus forte raison l’intervention, qui portait essentiellement sur l’épineux sujet de la révision de la Constitution, a été abondamment diffusée par le biais du canal habituel. Des déclarations à donner la chair de poule. Suivez ma plume.

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Jusqu’où encore le gouvernement de Boni Yayi est-il capable de pousser la masturbation intellectuelle des Béninois, juste pour modifier la Constitution du 11 décembre 1990 ? Cette prodigieuse réforme constitutionnelle, que les gouvernants imposent désormais comme une condition sine qua non du développement. Pour le gouvernement et son chef, la révision de la Constitution est la panacée qui, telle une baguette magique, changera le quotidien des Béninois. Bref ! La révision ouvrira les portes du ciel.

Si ce n’est finalement pas de la démagogie, nous ne trouvons pas d’autres termes pour qualifier ces propos distillés par certains ministres de la République, et finalement appuyés par le Chef de l’Etat lui-même. Pour Boni Yayi et son gouvernement, il suffira de réviser la Constitution pour améliorer la vie des milliers des Béninois. Selon le Président de la République, la création de la Cour des Comptes, la constitutionnalisation de la Commission Electorale Nationale Autonome (Cena) et l’imprescriptibilité des crimes économiques, sont étroitement liées au développement. L’exécutif, en quête de légitimité pour un projet aussi contesté, n’hésite même plus à faire recours à des promesses métaphysiques. C’est à croire que le gouvernement est désormais en panne d’arguments logiques pour convaincre de l’urgence d’un tel projet de révision.

A moins que nous ne nous méprenions sur le sens des propos du Chef de l’Etat, on se demande bien comment la révision de la Constitution pourrait ouvrir les écluses célestes aux Béninois ? A un moment où le taux de chômage est à un seuil critique ; où dans les ménages, faire un bon repas quotidien devient de plus en plus un calvaire. A un moment où la Lepi est grabataire, et où les élections communales, en souffrance, sont encore incertaines ; le Chef de l’Etat n’a eu pour solution que d’abreuver le peuple de telles propos, qui ne font que fondre le peu d’espoir encore existant. On voudrait bien comprendre par quelle logique, la constitutionnalisation de la Cena pourra contribuer à créer des emplois aux jeunes, à améliorer le panier de la ménagère ou encore à dynamiser le Port et le coton.

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Au cours donc de la rencontre qu’il a eue avec les sages du plateau d’Abomey, le Chef de l’Etat a également laissé entendre ceci : «En matière de lutte contre la corruption, une loi seule ne suffit pas. Une majorité peut balayer cela. Mais, quand c’est dans la Constitution, pour l’enlever, il faut souffrir». A entendre ces mots, on se demande pourquoi, alors que l’imprescriptibilité des crimes économiques est déjà prévue par le Code pénal en vigueur au Bénin,  le gouvernement ne sort-il pas déjà les nombreux rapports d’audits qui dorment au fonds des tiroirs, pour que des fossoyeurs de l’économie puissent passer sur la sellette?

Pourquoi le Chef de l’Etat tient-il à constitutionnaliser, coûte que coûte, des dispositions déjà prises en compte par des lois organiques ? Cette obstination appuyée par les mêmes arguments, finalement érodés à force de tourner en boucle, accroît les suspicions.

Malgré le fait qu’il l’ait plusieurs fois dit, répété et réaffirmé, cela n’a apparemment pas suffit. Il a fallu que le Chef de l’Etat jure une fois encore, devant ses invités du week-end, qu’il est sincère et qu’il ne veut pas réviser la Constitution pour briguer un autre mandat.

En clair, le peuple n’a plus confiance en son leader. Et ne veut surtout pas laisser toucher sa Constitution, par les mêmes personnes qui, dans le même élan de pression et de marche forcée, l’ont doté d’une Lepi grabataire et sous anesthésie. Aussi n’y a-t-il pas plus urgent à faire actuellement qu’une réforme constitutionnelle à polémique?

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