Départ du Pouvoir du Président Boni Yayi le 06 Avril 2016 : que le doute soit!

Dans son célèbre « Discours de la Méthode pour mieux conduire la raison et trouver la vérité dans les Sciences », le grand philosophe René Descartes a indiqué qu’ »en philosophie, les questions sont plus importantes que les réponses, et chaque réponse donne naissance à une nouvelle question ». C’est donc une vérité scientifique que celui qui ne doute jamais de rien, et qui ne se pose pas de questions, n’atteindra jamais la cime de la vérité scientifique, la seule qui détermine le savoir et construit le progrès.

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Et s’agissant du départ du Président Boni Yayi du pouvoir en Avril 2016, c’est un devoir citoyen, mieux, c’est une exigence scientifique pour les Béninois de se poser des questions légitimes, au vu de l’histoire politique récente sur le continent, et de ses propres faits et gestes. Combien étions-nous à avoir douté de lui en Mars 2006, coalition wologuèdè y comprise,  quand, ne l’ayant jamais pratiqué à la tête  d’une direction de l’Administration publique au Bénin, 75% de nos compatriotes lui ont ouvert le boulevard de la Marina.

Le Président Boni Yayi semble être à la peine

Visiblement, le Chef de l’Etat est à la peine, s’agissant du doute que ses compatriotes affichent face à ce qui est désormais devenu l’obsession du vrai-faux départ. Ses affidés disent : « le Président est pressé de quitter le pouvoir ». Et pourquoi donc? Question légitime. Apres avoir parcouru le monde entier, en ressassant son projet de quitter le pouvoir en Avril 2016, M. Boni Yayi se retrouve presque prisonnier du doute cartésien de ses compatriotes.  Les mêmes ou presque, qu’il y a quelques années l’ont adoubé, adulé et porté au pinacle, restent aujourd’hui de marbre face à sa proclamation à qui veut l’entendre, aux petits comme aux grands de ce monde, qu’il quittera les choses. Et pourquoi donc?

L’une des réponses probables, c’est que M. Boni Yayi, dans sa conduite désordonnée des affaires de l’Etat, avec le manque de transparence et le goût prononcé pour la culture de l’énigme, en lieu et place du devoir de vérité, a méthodiquement construit le doute dans la tête de ses compatriotes. Dans mon dernier article intitulé « le rôle du leader dans la conduite des réformes économiques, politiques et institutionnelles », j’ai démontré la propension du Chef de l’Etat pour l’économie de vérité, à travers de nombreux faits, gestes et déclarations dont il est coutumier et qui ont plombé sa parole. Le Président de la République vient encore de jeter un pavé dans la marre de ses contre-vérités. Il a déclaré, devant ses compatriotes appelés au Palais, il y a quelques jours, que faute d’avoir érigé la Cour des Comptes au rang des institutions constitutionnelles, le Benin aurait déjà perdu 120 milliards. Et il ajoute au cours du même monologue ponctué de salves d’applaudissements sporadiques de ses parents triés sur le volet pour sa cause, que des Chefs d’Etat de la sous-région lui ont adressé des courriers lui demandant pourquoi il n’institutionnalise pas la Cour des Comptes. A défaut de publier les correspondances dont il a parlées, à défaut de publier les preuves que le Benin a déjà perdu 120 milliards du seul fait de l’absence de la Cour des Comptes dans l’arsenal constitutionnel du Bénin, Monsieur Boni Yayi peut souffrir que nous ne croyions jamais en ses canulars. Récemment, on nous a dit qu’un groupe de 60 maires acquis à la cause du projet de révision de la Constitution du 11 Décembre 1990, se sont réunis quelque part dans le Mono, pour témoigner de leur soutien au Chef de l’Etat. Si une telle arithmétique est nécessaire pour défendre le projet de révision, alors que tout le monde parle de recherche de consensus, c’est que le Chef de l’Etat et ses thuriféraires n’ont encore rien compris de la gestion des affaires de l’Etat. Ils doivent comprendre, s’ils veulent effacer le doute persistant dans la tête de leurs compatriotes, que, même si le Chef de l’Etat et son machin politique détiennent les 77 communes du Benin, ce n’est point le consensus. Il n’est pas arithmétique, il n’est point dans l’échafaudage des réunions monotones et monocordes, il n’est point non plus dans les rapports de force étayés de violence subtile contre les citoyens en quête de liberté, bref, le consensus est une valeur, et en tant que telle, elle requiert méthode, humilité, ouverture d’esprit, une bonne dose de Leadership, mais surtout de vérité pour s’exprimer et se manifester ». Faute de ne pas comprendre des choses aussi simples, qui obéissent aux principes du doute Cartésien, le Chef de l’Etat doit encore souffrir jusqu’en Avril 2016, pour que les Béninois, dans leur grande majorité, les silencieux comme ceux qui s’affichent aujourd’hui contre ses projets confus, mal articulés et douteux, l’éconduisent, qu’il le veuille ou non.      

Un Chef d’Etat doit avoir une parole

Oui, en tant que premier magistrat, premier responsable de l’Etat, le Président de la République incarne la totalité de l’Etat. Et à ce titre, il est le miroir dans lequel ses compatriotes lisent les vertus du bon citoyen. Il est le modèle, il est la référence. Mieux, il est l’incarnation de l’homme d’Etat qui se veut rigueur, honnêteté et justice. Lorsqu’il a parlé, il forge l’opinion et influence les comportements de ses citoyens. Ceci est plus prononcé en Afrique, et surtout au Bénin où nous avons baigné dans la culture de la chefferie et hérité de l’autorité, qui occupe une place prépondérante dans notre vécu quotidien. Aussi, l’image du Chef reste-elle dans le subconscient de ses administrés, qui lui vouent culte, dévotion et admiration. Le Président Boni Yayi, en n’ayant pas restitué au peuple béninois, dans toutes ses composantes, la confiance qu’il a placée en lui en Mars 2006, a donné l’impression d’avoir seulement utilisé sa compréhension de la sociologie de notre pays pour se retourner contre le peuple.  Ses inclinations et ses salamalecs de la campagne de 2006, n’étaient que de la comédie. L’homme a depuis, jeté le masque. Il lui est difficile, voire impossible de comprendre qu’un Chef d’Etat n’a qu’une parole.  Il en a donné l’illustration au cours de sa dernière rencontre avec ceux qu’on a appelé les cadres et dignitaires du plateau d’Abomey, ceux-là même qu’il a appelés, « mes chers parents ». Le même Président qui a promis, il y a quelques semaines, devant le Corps diplomatique accrédité au Bénin, qu’il ne parlera plus de cette question de son départ, en lien avec le projet de révision de la Constitution, est abondamment revenu sur le sujet en diabolisant ceux qui doutent de sa parole. Comment ne pas douter des propos et des promesses de quelqu’un qui change d’avis du jour au lendemain? Quelle garantie avons-nous qu’il ne reviendra pas en 2016 nous dire que c’est le peuple qui lui demande de rempiler, alors qu’il a déjà dit qu’il n’était pas intéressé? Tout comme il a dit devant « ses parents du plateau d’Abomey »  que c’est parce qu’ils le lui ont demandé qu’il est revenu sur le sujet, le Président nous dira qu’il est bien obligé de respecter la volonté du peuple, seul détenteur de la souveraineté. La LEPI troquée serait passée par là.

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De nombreuses questions sans réponses

La question mérite d’être posée et vient en ajouter à celles déjà nombreuses auxquelles nous cherchons désespérément des réponses. Par exemple, pourquoi un Président qui jure de quitter le pouvoir dans une trentaine de mois, fait montre d’une telle obsession pour la révision de notre Constitution? Pourquoi s’acharne-t-on contre ceux qui ont un avis contraire? N’avait-il pas lu et compris la Constitution quand il s’apprêtait à conquérir le pouvoir d’Etat en 2006? En quoi la Constitution l’empêche-t-il de travailler pour répondre aux préoccupations quotidiennes des Béninois, qui ont trait à l’alimentation, l’instruction, la santé, l’eau potable et la sécurité? Si tant est qu’il faut renforcer l’impératif de lutte contre la corruption dans le dispositif constitutionnel, pourquoi s’obstine-t-on  à ne pas saisir la Justice de notre pays d’un certain nombre de dossiers y compris l’affaire ICC Services? Autant de questions qui renforcent le doute et qui devraient pousser le Chef de l’Etat à laisser le Corps diplomatique en dehors des questions Bénino-béninoises, comme la révision de notre Constitution ou son prétendu départ sous clairon depuis des mois. En réalité, les germes qui créent le doute au sein des Béninois, sont produits par le système de Boni Yayi lui-même. Ainsi, que penser d’un système qui cherche à tout instrumentaliser? Tenez, en l’espace de deux mois, on a rencontré le Corps diplomatique deux fois, à propos des mêmes questions. Que cherche-t-on à atteindre? Les diplomates doivent-ils donner leur onction au projet controversé, alors que vivant pour la plupart au Bénin, ils voient tout et savent tout? Que veut-on qu’ils disent alors qu’il n’y a pas longtemps, on a demande le départ d’un des leurs, déclaré persona non gratta? L’Ambassadeur de France Jean-Paul Monchau, pour ne pas le citer, a appris à ses dépens qu’il faut faire la volonté du Prince de Tchaourou ou prendre le chemin du départ. Pour la plupart d’entre eux, carriéristes convaincus, il n’est pas bienséant de poser des questions embarrassantes à un Chef d’Etat ou à son ministre des Affaires Etrangères, dans une entreprise  aussi délicate qui suscite passion, colère, émotion et suspicion. Il fau laisser les diplomates à leur Diplomatie, et le débat sur le projet de « révision » à la sagacité des Béninois et à l’esprit de la Conférence des Forces Vives de Février 1990.

La conception présidentielle de la démocratie: l’autre portail grandement ouvert sur le doute.

Il est vrai que le Chef de l’Etat a une conception singulière de la démocratie. Tantôt appelée « Nescafé », tantôt « Intoxication », tantôt non-« nourricière », la démocratie pose problème au Président Boni Yayi. Du moins, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui. Peut-être regrette-t-il de n’avoir pas du tout approché l’Hôtel PLM Alédjo, berceau sacré de la Conférence Nationale où naquit la démocratie béninoise des entrailles de personnalités aussi célèbres que le prélat et serviteur Monseigneur Isidore de Souza, Bertin Borna, Leopold Dossou, Grace d’Almeida-Adamon. Hubert Koutoukou Maga, Justin Ahomadegbe Tometin (Hetchoboe), paix à leurs âmes,  qui nous devons rendre un hommage bien mérité, pour leur esprit de sacrifice, de courage et d’abnégation, pour avoir passé des nuits blanches à rechercher, dans la confusion, la peur et la perte de direction qui caractérisaient le régime agonisant d’alors, la vérité et rien que la vérité. Aux côtés des Robert Dossou, Theodore Holo, Antoine Robert Détchénou, Adrien Houngbédji, Amoussou Bruno, Nicéphore Soglo, Albert Tévoédjrè, pour ne citer que ceux qui vivent encore et dont l’immensité de l’œuvre survivra à leur petite vie sur terre, ils ont ensemble posé les jalons d’un long processus démocratique qui vivra contre vents et marées, n’en déplaise à ceux qui, la HAAC-clé en main, ont entrepris de détruire ce gigantesque accomplissement, jeune seulement de 23 années.

Et parce qu’ils ont risqué leur vie, comme des centaines d’autres participants anonymes, pour dire oui à une démocratie pluraliste, nul n’a le droit de s’attaquer à notre citadelle sans avoir mis les gants du consensus. Œuvre de tant de jours, en un jour détruite, dit-on. C’est ce que tentent de faire Boni Yayi et ses soutiens. Pour le Président, faire une marche de protestation dans les rues, c’est faire un coup d’Etat. Et, il a trouvé des armes derrière la marche récemment interdite des Forces de gauche et des syndicats. « On leur a demandé de se faire enregistrer pour se faire connaitre », a dit le Président. Comme on a demande aussi aux marcheurs de Tchaourou, de Parakou et de Bassila, d’aller se faire enregistrer pour se faire connaitre avant de marcher. Une politique de deux poids deux  mesures, qui entretient, pire que le doute, la frustration et le dégout. Se souvient-il seulement qu’un jour du second trimestre de l’année 2005, des citoyens béninois qu’il n’a certainement jamais rencontré jusqu’à présent, ont pris la liberté de marcher sur le Parlement à Porto-Novo, pour exiger que soit retiré, le projet de loi conçu pour priver des citoyens qui n’auraient pas séjourné au Benin pendant les douze mois consécutifs précédant la date de l’élection présidentielle, de leur droit civique de se faire élire au sommet de l’Etat? Un projet qui ne visait que sa personne? Que propose aujourd’hui son régime dans ce registre? Les raisons pour lesquelles on ne doit jamais prendre pour de l’argent comptant ce que dit M. Boni Yayi, sont nombreuses et jalonnent sa gestion des affaires publiques. Le doute est donc plus que d’actualité, et dans le doute, le vrai peuple doit s’abstenir d’offrir sa Constitution en holocauste pour que perdure l’imposture. Point n’est besoin de citer les nombreux exemples de certains de ses pairs, qui par touches successives de 5 ou 7 ans, ont bâti leur longévité au pouvoir sur l’indifférence et la résignation de leur peuple. Jamais cela au Benin! Enfants du Bénin debout!

Coffi Adandozan
Economiste-Planificateur
Lille France

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