Gilles Badet à propos de la révision de la Constitution : «Il faut un consensus sur le contenu du consensus»

Invité de l’émission Zone Franche (Canal 3-Bénin) de ce dimanche 29 septembre, le constitutionnaliste Gilles Badet s’est prononcé sur certains aspects touchant au fond du projet portant révision de la Constitution. «La Cour constitutionnelle n’a pas défini le consensus, la Constitution non plus.» Ainsi s’exprimait Gilles Badet sur l’émission Zone franche (Canal 3 Bénin) de ce dimanche 29 septembre.

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Docteur en Droit Public, ce constitutionnaliste y a été invité pour décrypter le fond du projet de révision de la Constitution. Un projet qui fait polémique dans le pays, depuis son introduction au Parlement par le gouvernement, le 06 juin dernier. L’un des aspects de cette polémique, c’est bel et bien le défaut de consensus autour du projet. Pourtant, ce consensus, sur la base duquel cette même Constitution a été adoptée en 1990, a valeur constitutionnelle depuis que la Cour Constitutionnelle en a décidé ainsi par l’une de ses jurisprudences. Et depuis le 06 juin que le débat a fait surface, les forces politiques et sociales opposées à la réforme ne cessent de marteler la nécessité du consensus.

Selon Gilles Badet, la Cour Constitutionnelle qui a donné au consensus une valeur constitutionnelle n’a pas pris soin de le définir. La Constitution encore moins. Selon Gilles Badet, il faut donc un consensus sur la notion même de consensus. Il a précisé que le consensus est nécessaire, à deux niveaux. Il y a d’abord le consensus institutionnel. Cela implique que toutes les institutions de la République soient d’accord sur la révision et son contenu. Il y a ensuite le consensus au niveau de toutes les composantes de la Nation.  Cela implique une adhésion générale de la population au projet de révision constitutionnelle. Il s’agit de ce que Gilles Badet désigne par «un aller-retour du texte entre les institutions et la population. Dans la pratique, il propose qu’il faille d’abord la mise sur pied d’une Commission technique constituée de juristes, sociologues, historiens, de différentes sensibilités politiques et courants de pensée. Ensuite procéder à une large diffusion au niveau des populations, des travaux de cette Commission technique. A cette étape, il doit aussi être procédé au recensement des préoccupations et propositions des populations. Il faut, enfin, faire la synthèse des propositions des populations, retourner vers les populations et leur expliquer le bien-fondé des propositions retenues. Gilles Badet a indiqué que tout ce processus doit se faire dans une démarche explicative et pédagogique. Il trouve que le projet actuel de révision de la Constitution est une révision du gouvernement, de 2006 à 2016 ; «ceux-là sont une infime partie de la population», a-t-il fait savoir, avant de suggérer : «Il ne faudrait pas que ce soit une révision de ceux qui sont au pouvoir, mais une révision de tout le Peuple.»

Attention danger!

Gilles Badet n’a pas manqué de se prononcer sur l’argument selon lequel la modification du Préambule de la Constitution soumise à révision, va entrainer l’avènement d’une nouvelle République.  Le Docteur Badet reconnait que le Préambule est la fondation de la Constitution. Ainsi, si on touche au Préambule, il y a risque qu’on change l’esprit de la Constitution. Et, il est ferme : «sur le plan technique et purement juridique, rien ne dit que quand on touche au Préambule, on change de République.» Le constitutionnaliste voit en l’argument selon lequel la modification du Préambule entrainera une nouvelle République, plus une alerte qu’une vérité scientifique. «Ceux qui le disent, commente-t-il, redoutent que la Cour Constitutionnelle crée sa jurisprudence et dise que la modification du Préambule a entrainé une nouvelle République.»

Le projet de révision de la Constitution, introduit à l’Assemblée par le gouvernement, stipule en son article 105, alinéa 1, que : «L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République, aux membres de l’Assemblée Nationale et aux citoyens, à raison d’au moins mille (l.000) personnes par département. Une Loi organique précise les modalités de mise en œuvre de l’exercice de ce droit par les citoyens. Les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres, après avis motivé de la Cour Suprême saisie conformément à l’article 133 de la présente Constitution, et déposés sur le Bureau de l’Assemblée Nationale. L’Assemblée Nationale délibère en priorité sur les projets de loi.» Cette initiative populaire des lois, qui est une innovation, fait partie des «perversités» attaquées par les citoyens «antirévisionnistes».  «A l’étape actuelle de notre démocratie, il faut retirer l’initiative populaire», a martelé Gilles Badet. Qui explique qu’il est difficile de contrôler la véracité des milles personnes qui vont initier une proposition de loi. Pire, le constitutionnaliste avertit qu’avec notre contexte actuel, l’initiative populaire risque d’être un moyen de pression sur les parlementaires. Ce qui pourrait conduire à la déstabilisation de notre système politique. Quand on sait que l’article 167 du projet de révision donne, à travers l’initiative populaire, «l’initiative de la révision de la Constitution» désormais aux citoyens, il y a lieu de donner raison à ceux qui soutiennent que l’initiative populaire est un Cheval de Troie introduit dans le projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990.

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