Les freins du dialogue social

Lundi 9 septembre 2013. Nous sommes à Cotonou. Plus précisément à la grande salle de réunion du ministère du Travail et de la Fonction publique. Le maître des lieux,   Martial Sounton, rencontre les responsables syndicaux. Un seul  point à l’ordre du jour : le dialogue social.

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Comment l’engager? Comment le conduire? Quelles sont les conditions favorables à son succès? Questions essentielles. D’elles dépend en partie la paix sociale dans un pays. Avant toutes choses, affirmons que le dialogue, dans le jeu social, ne relève ni d’un exercice facultatif ni d’une simple formalité. Aucune société humaine ne peut survivre si ses membres n’échangeaient, ne se parlaient. Le dialogue met face à face des entités qui ont besoin de se parler pour mieux s’entendre, qui ont besoin d’échanger pour mieux se comprendre. Le dialogue permet ainsi de lever les équivoques et les malentendus, de clarifier les intentions et les arrière-pensées, de donner un sens et du sens aux non-dits.

Le dialogue n’impose pas qu’une partie renonce à ses stratégies et à ses intérêts pour se rendre aux raisons de l’autre partie. Un tel remue-ménage à l’intérieur du dialogue, tuerait le dialogue. L’unanimisme n’a rien du dialogue. Le vrai dialogue ouvre des espaces de compromis, malgré les différences. Le vrai dialogue impulse une dynamique de collaboration, de coopération entre les parties, malgré les divergences. Le vrai dialogue concilie et réconcilie.

Si le dialogue avait si tant de vertus pourquoi ne s’impose-t-il   pas comme notre atout-maître dans tout ce que nous entreprenons? On se bat. On se donne des noms d’oiseaux. Et c’est après qu’on s’est proprement étripé qu’on éprouve la nécessité de s’asseoir à la table du dialogue. Pourquoi ne comprenons-nous pas encore la nécessité de commencer par où et par ce par quoi nous concluons nos différends ? Ce renversement des séquences dans le règlement des conflits met en évidence les principaux freins qui bloquent le dialogue social chez nous, au Bénin.

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Il y a un premier frein au dialogue social.  Il tient au lourd héritage de la pensée unique et des conséquences induites. La pensée unique, c’était le parti unique ainsi que tous ses instruments uniques de pouvoir : organisation de travailleurs, de femmes, de jeunes etc. Les syndicats, ou ce qui en tenait lieu, se retrouvaient dans un creuset unique sous la houlette du parti unique. Dans un système aussi clos qu’hermétique, il n’y avait pas de dialogue social. Il n’y avait que la voix de son maître. Ceux qui avaient encore une âme de syndicalistes, prenaient le maquis, se condamnaient à la clandestinité ou développaient diverses formes de résistance. De ce passé, les syndicats de l’ère du pluralisme et du renouveau démocratique ont gardé quelque chose. Il se manifeste comme une sorte d’insolence, de défiance envers l’autorité établie. Ce qui, bien sûr, ne fluidifie pas la communication, ne favorise pas le dialogue social. Comme si le syndicat, pour se poser, avait besoin, avant tout, de s’opposer. Comme si, pour le syndicaliste, dialoguer, c’est montrer des signes de faiblesse, c’est trahir.   

Il existe un second frein au dialogue social dans notre pays. On ne sait pas que la bonne volonté ne peut plus suffire pour négocier, dénouer des crises, gérer des conflits, construire des compromis dynamiques. Le dialogue social est objet de science. Désormais, on va à l’école du dialogue social. On a affaire à un champ de savoir sorti de l’informel, de l’empirisme ou de l’approximation. On a affaire également à un vaste champ ouvert à la recherche. Or, manquent de plus en plus à l’appel   du dialogue, aussi bien du côté des autorités que du côté des syndicats, des spécialistes nantis d’un savoir et d’un savoir-faire, opérant ès qualités. Qui est contraint d’improviser beaucoup, se condamne à récolter peu.

Il y a un troisième et un dernier frein au dialogue social dans notre pays. Ce dialogue n’est pas suffisamment encadré. Nous n’élevons pas autour une veille vigilante et permanente. Il s’agit de prévenir des dangers qui menacent. Par ailleurs,   nous n’avons pas un système d’alarme qui réveille et secoue les énergies,   met chacun en situation de recherche précoce de solution. C’est quand tout est « gâté », comme on dit en Côte d’Ivoire, qu’on se lance dans l’action. Trop tard. On n’a plus rien à se dire. Il ne reste plus qu’à se battre. Le dialogue est relégué à l’arrière plan. Il poussera plus tard sur des ruines.

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