Affaire Patrice Talon : le dossier du pourvoi en cassation bloqué à la Cour d’Appel

(Les avocats des concernés interpellent le ministre Djènontin) C’est reparti pour une semaine «empoisonnement» et «coup d’Etat» au Bénin. Les affaires de supposées tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat font cette semaine leur come-back dans l’actualité nationale.

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Ce mercredi 23 octobre, la Chambre d’Instruction de la Cour d’Appel de Paris tient une énième audience, sur la demande d’extradition de Patrice Talon et Olivier Boko ; respectivement présumé commanditaire et co-accusé de ses prétendus complots contre la République.  A J-3, comme d’habitude, le sujet fait déjà la Une de l’actualité. Et ce, à travers le sort des co-accusés de Talon, détenus ici au Bénin. En effet, la situation de Moudjaïdou Soumanou, Ibrahim Mama Cissé, Kora Zoubérath dite «Zoubé», Johannes Dagnon, Pamphile Zomahoun et Bachirou Adjani Sika, détenus dans différentes prisons à Cotonou et à l’intérieur du pays, est au statu quo depuis plus de trois mois. Le pourvoi en cassation, dont l’issue à la Cour Suprême devrait permettre d’être situé sur leur sort, n’a toujours pas été transmis au Parquet Général de la Cour Suprême. Inquiets, les avocats-conseil des concernés, Me Joseph Djogbénou et Me Severin Quenum, car c’est d’eux qu’il s’agit, dénoncent… Et interpellent le ministre de la Justice, Valentin Djènontin. Ils l’ont fait dans une correspondance adressée au ministre (voir intégralité ci-dessous).  

Pour rappel, le 1er juillet 2013, la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Cotonou, a confirmé, avec réserve, sur les cas Talon et Olivier, les non-lieux du juge d’instruction Angelo Houssou. Dans son arrêt, la Chambre d’Accusation a ordonné la libération des détenus. Les avocats de Boni Yayi et le Procureur Général près la Cour d’Appel ont formulé un pourvoi en cassation. Ce qui conduit les différentes parties devant la Cour Suprême. Mais, depuis plus de trois mois que ce pourvoi a été formulé, le dossier n’a toujours pas été transféré à la Cour Suprême.

Pourtant, selon l’article 50 de la Loi N° 2004-20 du 17 août 2007, portant Règles de Procédures Applicables devant les Formations Juridictionnelles de la Cour Suprême, le Procureur Général près la Cour d’Appel est chargé de transmettre au Procureur Général près la Cour d’Appel le dossier du pourvoi. Mais, cela n’a pas été fait. Est-ce intentionnel ? «Oui», diront les avocats des concernés dans la lettre adressée au ministre Djènontin, en guise d’interpellation. «Le Procureur Général près la Cour d’Appel de Cotonou s’expose à une faute morale et une faute professionnelle grave, en usant de la ruse pour prolonger le maintien en détention de personnes qui eussent bénéficié de la liberté depuis fort longtemps», fait constater d’ailleurs Me Joseph Djogbénou, dans une lettre aux Citoyens, publiée sur son profil Facebook.

Dans leur correspondance, Me Severin Quenum et Me Joseph Djogbénou, rappellent toutes les diligences par eux entreprises en vain, en vue de la transmission, dans les meilleurs délais, du dossier de pourvoi en cassation à la Cour Suprême. Ces praticiens du Droit dénoncent «une violation des droits fondamentaux de la défense.» Et demandent au ministre de la Justice, Valentin Djènontin, de mettre fin à «ces manœuvres», si tant est qu’il n’en est pour rien. Le collectif des avocats de Moudjaidou Soumanou, Ibrahim Mama Cissé, Kora Zoubérath, Johannes Dagnon, Pamphile Zomanhon et Bachirou Adjani Sika, donne d’ailleurs une conférence de presse sur la situation, ce jour à l’hôtel Novotel de Cotonou.

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La lettre des avocats au ministre de la Justice

Séverin-Maxime QUENUM                Joseph DJOGBENOU

Avocat à la Cour                    avocat à la Cour    

   Smq1962@yahoo.fr                       jdjogbenou@hotmail.com

    09 BP 175 Saint  Michel                     lot 957, Sikècodji Enagnon      

    Tél : (229) 21 30 23 41/ 21 14 82 50                 Immeuble Fifamin     

    Fax : (229) 21 30 23 42                     01 BP 4452,

    Cel : (229) 97 11 81 68                     tél : (229) 21323861     

    COTONOU, Rép. Du Bénin                 COTONOU, Rép. Du Bénin   

Cotonou,  le 17 octobre 2013

Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre    de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme

COTONOU        

N/Réf : 2897-2942/0431/13-2

Affaires :    1- SOUMANOU Moudjaïdou et 3 autres

Ministère public

2-Johannès DAGNON et Pamphile ZOMAHOUN

Ministère Public

Objet : Information

Monsieur le Ministre,

Nous avons l’honneur de venir par la présente vous dénoncer aux fins qu’il appartiendra les faits ci-après, qui, par delà le dysfonctionnement délibéré du service public de la Justice qu’ils opèrent, portent gravement atteinte aux  droits de nos clients ainsi qu’à l’image de notre pays.

En effet, le  1er juillet 2013 la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Cotonou a rendu  deux arrêts confirmatifs de non-lieu n°107 /13 et 108 /13 au profit de nos clients poursuivis pour :

  • Association de malfaiteurs, tentative d’assassinat pour ce qui concerne Moudjaïdou SOUMANOU et

  • Attentat à la Sureté de l’Etat pour ce qui concerne Pamphile Claude ZOMAHOUN et Johannès Albert DAGNON

Immédiatement et sans désemparer, Maître Paul KATO ATITA pour le compte de  la partie civile et le Procureur Général près la  cour  d’Appel de Cotonou ont formé pourvois en cassation contre ces  arrêts suivant déclarations reçues au greffe de la Cour d’Appel ce 1er juillet 2013.

Dès le 17 juillet 2013, suivant deux correspondances N°229/GEC/CA/13 et N°230/GEC/CA/13 dont photocopies ci-jointes,  le Greffier en Chef de la Cour d’appel de Cotonou a transmis au Procureur Général près ladite Cour les dossiers objet des pourvois  en vue de leur acheminement au  parquet général près la Cour Suprême à Porto-Novo.

Etonnamment, Monsieur le Procureur Général n’a pas accompli  les diligences de sa charge puisqu’il n’a pas daigné mettre les dossiers en route et ce, contrairement à la célérité dont il avait fait preuve en cause d’appel.

Pire encore, il s’est autorisé à faire enrôler à nouveau ces dossiers à l’audience de la Chambre d’Accusation du 12 août 2013 à l’effet de voir statuer sur des requêtes en interprétation introduites le 25 juillet 2013 par Maître  Paul KATO ATITA pour le compte de la partie civile.

A notre demande et par suite d’une sommation faite par ministère d’huissier le 27 août 2013, le Président de la Chambre d’Accusation a rétabli les deux dossiers au parquet général près la Cour d’appel de Cotonou le 04 septembre 2013 en vue de leur transmission effective à la Cour Suprême en précisant : «qu’il n’avait pas besoin de l’ensemble des deux dossiers pour vider son délibéré sur les requêtes en interprétation des arrêts n°107 et 108 de Maître Paul KATO ATITA»

Le Procureur Général près la Cour d’appel n’eut pas davantage le moindre égard  pour cette correspondance et persévéra en son refus de transmission

C’est en cet état que le 07 octobre 2013 ont été rendus deux arrêts n°134/13 et 135/13 déclarant irrecevables les requêtes en interprétation formulées par Maître KATO ATITA lequel ne manqua pas alors d’élever un nouveau pourvoi à la suite duquel, par correspondance du 14 octobre 2013 dont photocopie ci-jointe également, le Greffier en Chef de la Cour d’appel de Cotonou a mis les dossiers de ces procédures à la disposition du Procureur Général pour être transmis à la haute juridiction à l’instar des précédents.

Monsieur le Procureur Général près la Cour d’appel n’entreprit cependant aucune diligence, laissant plutôt entendre être en attente de vos instructions aux fins et ce, en dépit de notre relance insistante du 08 octobre 2013 dont copie vous a été adressée.

Or, l’article 50 de la Loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de Procédures Applicables devant les Formations Juridictionnelles de la Cour Suprême prescrit que : « Lorsque le dossier est ainsi en état, le greffier le remet au Ministère Public qui l’adresse immédiatement au Procureur Général près la Cour Suprême »

Il y a là, par suite de l’inaction du Procureur Général tiré de son défaut de diligence une violation délibérée de la loi dans le dessein d’empêcher la saisine effective de la Cour Suprême pour voir statuer sur les mérites des pourvois exercés.

Cet état de choses se double malencontreusement d’une violation des droits de la défense et des principes fondamentaux de la procédure pénale en ce qu’il contrarie le droit constitutionnel pour toute personne d’être entendu sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai raisonnable.

Au demeurant, il s’agit d’une atteinte au fonctionnement du service public de la justice inspirée, est-il prétendu, par le besoin d’instructions attendues de votre autorité que cependant la loi n’organise pas.

Pour le cas où vous n’auriez pas été à l’origine de ces manœuvres ou que vous n’y souscririez pas, nous vous serons obligés d’y mettre en terme en ordonnant au Procureur Général de transmettre sans délai les dossiers objet des pourvois sus-indiqués à la Cour Suprême et de faire engager contre lui une instance disciplinaire à raison de faits constitutifs de manquements par un magistrat aux convenances de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

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