Drames de Lampedusa et la recherche du bonheur

Dans la déclaration de l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique qui date de 1776, on peut lire le passage suivant : « Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. ». Le droit cité qui intrigue le plus est celui de la « recherche du bonheur ». 

C’est entre autres à ce droit que prétendent les migrants qui échouent dans la mer aux abords des îles de Malte et de Lampedusa. La méditerranée devient peu à peu le cimetière de milliers de naufragés à la quête d’un avenir meilleur. Mais poursuivant le bonheur, ils trouvent un destin pire que la misère qu’ils fuient ; ils trouvent la mort.

Au regard des européens qui feignent des larmes à chaque drame, de l’émoi suscité par la presse internationale à la peur de se faire envahir, ils sont des forçats qui inspirent au mieux de la pitié, au pire du dépit. Le chômage croissant dans les pays du Sud de l’Europe, la rigueur des politiques d’austérité menées par les gouvernements fait craindre aux populations l’afflux de nombreuses autres bouches à nourrir et d’assistés sociaux. Les partis d’extrême trouvent ainsi leur fonds de commerce et prospèrent.

Aux yeux de leurs congénères africains, ce sont des frères qui vont à l’aventure pour fuir des pays où l’avenir est bouché, les conditions de vie sont difficiles et la misère règne en maîtresse. Ils espèrent mieux gagner leur vie afin de venir en aide à leurs familles en transférant les maigres ressources glanées au Nord mais qui représentent tant au Sud. Ils vont par monts et vallées, déserts et forêts en prenant des risques inimaginables, juste pour atteindre les côtes européennes, peu importe la destination.

Tous ces aventuriers ont une chose en commun, le courage d’une telle entreprise, l’espoir de vivre mieux. L’Europe, malgré tous les dispositifs de contrôle des frontières et les politiques migratoires, n’est pas pour eux un mirage mais ils y voient la garantie d’un avenir meilleur. Ils y voient l’espoir de mieux assouvir leurs droits essentiels. A défaut de les obtenir tous, ils espèrent au moins l’asile mais doivent traverser l’enfer avant de voir les portes se fermer à leurs nez. Il est à se demander si la recherche du bonheur se trouve nécessairement là-bas ou simplement chez eux.

La plupart de ceux qui meurent en mer, et le péril même de l’action le démontre, sont des personnes volontaires et valeureuses. Pour payer les marchands de mort que sont les passeurs, ils réunissent un certain capital par leur labeur ou auprès de leurs communautés. Alors, au risque d’être cynique, on peut se poser la question de savoir si autant d’ardeur, de courage et les maigres économies livrés aux criminels que sont les trafiquants de vies humaines ne peuvent pas créer de la richesse dans les pays d’origine.

Bien sûr les conditions sont difficiles, les pouvoirs, incompétents, corrompus et parfois tyranniques mais comme le proclame la déclaration de 1776 tantôt cité « Les gouvernements sont établis par les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir, et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. ».

En somme la quête du bonheur n’est pas nécessairement ailleurs mais vient de la détermination de chaque peuple et de son organisation pour atteindre ce but. Il appartient aux africains de se convaincre qu’il est possible d’être heureux chez eux comme en Amérique ou en Europe, de s’armer de volonté afin d’y créer ensemble les conditions propices. Mais tant que les uns exploiteront la misère de leurs frères pour s’assurer seuls le mieux être, les autres iront toujours à la mort en espérant le bonheur.

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