Révision de la Constitution : le Pcb dénonce un complot contre la démocratie

C’est à un véritable décryptage du contenu du nouveau projet de révision de la Constitution que Philippe Noudjènoumè, 1er secrétaire du Parti Communiste du Bénin (PCB) a convié ses militants hier.

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Au cours d’une conférence publique qu’il a animée au Codiam, à Cotonou, le constitutionnaliste et professeur de Droit public s’est prononcé, non plus sur l’opportunité et la procédure de la révision, mais plutôt sur les graves reculs de ce projet par rapport aux acquis en matière de libertés et de démocratie. Il a exigé le retrait du projet de révision, qu’il qualifie de «haute manœuvre dolosive.»

C’est la toute première fois, depuis le début des débats autour du projet de révision de la Constitution, que des analyses se fondent sur le contenu proposé, sans pour autant tailler la part belle au volet concernant la forme du projet du gouvernement. Se basant sur le Préambule et les nouveaux articles du projet de Boni Yayi, Philippe Noudjènoumè a apporté sa lumière de constitutionnaliste averti. Selon lui, le projet de révision, tel que proposé, fait appel à une nouvelle République. Une thèse qu’il a défendue sur la base de trois arguments.

Boulevard d’une nouvelle République

D’abord, il a expliqué que le Préambule d’une Constitution est un élément fondamental; le concentré des principes et des références sur lesquelles on place l’ensemble du corps de la Constitution. «Lorsqu’on modifie le Préambule, avec une telle ampleur comme le propose le projet actuel, que l’on le veuille ou non, on ne peut exclure l’idée qu’il s’agit d’une nouvelle Constitution, et qui dit nouvelle Constitution dit nouvelle République», a-t-il déclaré.

Ensuite, il s’est également basé sur le nombre surabondant des articles à modifier, c’est-à-dire 27 articles sur 160, auxquels s’ajoutent une quinzaine d’autres modifiés. Soit au total, en plus du Préambule, plus du quart du nombre des articles actuels.

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Enfin, il a touché du doigt le fait que les points concernés par la révision, touchent des questions essentielles de la Constitution actuelle. Définissant sa notion de questions essentielles, il a fait savoir qu’il s’agit de: «la sphère d’exercice des libertés des citoyens, la création de nouvelles institutions, les rapports entre les institutions constitutionnelles, le régime politique».  Le constitutionnaliste a pris exemple sur l’introduction de l’«initiative populaire» dans le projet de révision. Selon lui, il s’agit d’une avancée, certes positive, qui renforce l’exercice par le Peuple de la souveraineté populaire, mais elle modifie le régime politique présidentiel institué par la Constitution du 11 décembre 1990. Tels sont donc les arguments qui le confortent dans sa thèse de nouvelle République.

Restrictions de libertés publiques  

A en croire Philippe Noudjènoumè, avec la nouvelle mouture de Constitution que propose le Chef de l’Etat, la création des partis politiques et l’exercice de leurs activités, ne sont plus libres. Pour lui, la nouvelle disposition proposée par l’article 5-nouveau et qui soumet l’existence d’un parti à son «organisation autour d’un projet de société propice au développement humain durable», pose un problème. Il croit savoir que les notions floues de «projet de société propice au développement humain durable», laisse le champ libre d’appréciation à l’exécutif, qui pourra, à sa seule discrétion, décider qu’un tel ou qu’un tel autre parti n’a pas de projet ; et par conséquent le dissoudre.

Le projet de révision introduit au Parlement, porte également atteinte au droit de grève. L’article 31-nouveau propose que le droit de grève ne doit pas porter atteinte à la liberté du travail, ni mettre en péril la sécurité de la Nation. Selon sa démonstration, le conférencier a voulu faire comprendre que tout responsable syndical conscient, connait le nécessaire arbitrage qui s’impose, entre, d’une part, la défense des intérêts des travailleurs dont la grève est l’expression, et, d’autre part, la nécessité du maintien de la continuité des services publics, nécessaire à la vie des citoyens. Et donc le fait de l’imposer comme condition de jouissance du droit de grève, est une façon de nier cette prérogative aux travailleurs.

L’imprescriptibilité des crimes économiques en question

D’après l’homme de Droit, il n’est pas nécessaire de réviser la Constitution, pour réellement lutter contre la corruption. Il a démontré que la Constitution du 11 décembre 1990, elle-même, en son article 37, a déjà prévu que : «les bien publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen béninois doit les respecter, scrupuleusement, et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation, ou d’enrichissement illicite est réprimé dans les conditions prévues par la Loi». En plus de cette disposition constitutionnelle, l’universitaire évoque l’article 21 de la Loi portant lutte contre la corruption au Bénin. Une loi qui, en son dernier alinéa dispose que : «les crimes (en matière économique) sont imprescriptibles».

Cette révision que propose le Président de la République affaiblit certaines institutions aux profits d’autres. C’est le cas, d’après Philippe Noudjènoumè, de la Cour Suprême et du Pouvoir judiciaire en général, qui seront mis sous tutelle de la Cour Constitutionnelle. Sans compter la création d’une Cour des Comptes qui sera dépendante de l’Exécutif. Pendant ce temps, le constitutionnaliste regrette que le Chef de l’Etat n’ait rien fait dans son nouveau texte, pour renforcer  les actions de la Haute Cour de Justice. Une institution faible et inoffensive depuis sa création.

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